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Agenda - Opinion

Le grand débat du moment

Honorer les eurobonds ou ne pas les honorer à échéance est le grand débat en raison de ses répercussions sur les importations de première nécessité, la confiance des investisseurs et les finances de l’État.

Cependant, la vente récente présumée par quelques banques de leurs portefeuilles d’eurobonds à des fonds étrangers à près de la moitié de leur valeur initiale vient ajouter une donne importante car elle offrirait aux acheteurs « vautours » un profit qui peut se chiffrer en centaines de millions de dollars en quelques semaines au cas où le Liban déciderait d’honorer sa dette de 1,2 milliard de dollars le 9 mars prochain et 600 millions de dollars en avril. Ces acheteurs ont-ils reçu des garanties et sont-ils seuls bénéficiaires des profits potentiels ? Y a-t-il des politiques qui peuvent influencer les décideurs dans le sens d’un paiement à l’échéance ? Est-ce une affaire de « délits d’initié » ou de « prête-noms » qui peuvent avoir été utilisés ?

Dans tous les cas, ces ventes permettent aux banques de ne plus avoir à se plier aux propositions de la BDL d’accepter un « swap » qui reporterait tout revenu de ces bons aux calendes grecques ou d’accepter une restructuration qui leur demanderait de réaliser une perte tout en remettant le paiement sans garanties réelles. Elles auraient a priori accepté un « haircut » immédiat sur leurs eurobonds mais en augmentant leur portefeuille en devises à l’étranger. Cela présente des répercussions graves et néfastes pour le pays. Pourquoi ? D’abord car ces fonds n’hésiteraient pas à faire une saisie sur les biens du Liban à l’étranger (dont les réserves, les importations et l’or) pour récupérer la valeur initiale de la dette plus les intérêts en cas de défaut de paiement à échéance.

Ensuite, si l’État entamait des négociations pour restructurer cette dette, il ferait face à des interlocuteurs spécialisés, bien moins « friendly », qui n’auraient qu’un seul intérêt qui est celui de réaliser d’importants profits au plus vite, sachant que tout accord à l’amiable doit avoir l’aval de 75 % des actionnaires, un chiffre que le côté libanais n’a pas.

Finalement, ces fonds sont loin d’accepter une réduction quelconque du montant de la dette ou des intérêts sans un projet de l’État crédible et réaliste avec des projections qui montrent noir sur blanc comment et quand ces dettes seront payées. Chose qui n’est pas encore d’actualité.

N’était-ce pas une option pour la BDL que de racheter ces obligations de l’État à la place des « vautours » à quelques semaines de l’échéance du 9 mars si l’État compte honorer cette échéance ? Pourquoi honorer ces eurobonds à échéance quand on peut les acheter à près de la moitié de leur valeur initiale ?

Compte tenu de ce qui se passe, il est logique de penser que l’État se dirige vers un non-paiement. Le contraire à ce stade ouvrirait grandes les spéculations.

Le comportement des banques est de nouveau au premier plan, car déjà par leur décision de procéder à des «capital controls» sans accord de la BDL, elles ont voulu garantir la viabilité de toutes les banques, même celles les plus vulnérables et les moins capitalisées. Cela résulte en ce que le déposant, l’importateur et le citoyen portent la majorité du fardeau de la crise, sachant qu’une grande partie des banques n’ont même pas encore augmenté leur capital de 10 % à l’échéance que la BDL avait fixée au 31 décembre 2019.

Dans ce tableau, néanmoins, sont apparues quelques banques qui ont montré être plus solides que d’autres, ayant augmenté d’office le capital, en étant généreuses en dollars octroyés aux clients, en étant plus patientes dans la demande de repaiement des dettes et ont même recommencé à octroyer des prêts, chose dont l’économie a grand besoin en ce moment.

Les vrais banquiers se distinguent dans des situations graves comme celles que nous traversons et sont ceux qui continuent de pratiquer une certaine «social responsibility», qui s’adaptent au nouveau « modèle financier », qui savent se restructurer et réduire leurs coûts, qui réalisent que leur survie à long terme dépend du service offert aux clients dans les moments difficiles et de la confiance qu’ils inspirent, ce sont ceux qui pensent à de nouveaux instruments financiers adaptés à la situation à même d’alléger les peines des clients, ceux qui ne comptent pas sur l’appui infaillible que leur donne la BDL par ses circulaires et ses ingénieries.

Espérons qu’ils ont conclu qu’ils ne devront plus à aucun moment dépendre des finances de l’État libanais car leurs déposants (libanais et étrangers) confient leurs économies à une banque privée et non aux politiques !

Président honoraire de l’association des diplômés de Harvard au Liban

Président du Harvard Business School Club

Économiste et financier

Honorer les eurobonds ou ne pas les honorer à échéance est le grand débat en raison de ses répercussions sur les importations de première nécessité, la confiance des investisseurs et les finances de l’État. Cependant, la vente récente présumée par quelques banques de leurs portefeuilles d’eurobonds à des fonds étrangers à près de la moitié de leur valeur initiale...