Dire que les élections législatives qui se tiennent aujourd’hui en Iran ne devraient pas bouleverser la donne relève de l’euphémisme. Certes, la future Assemblée sera, si l’on en croit les sondages, beaucoup plus conservatrice qu’elle ne l’est aujourd’hui, alors que les modérés avaient remporté les élections en 2016, dans la foulée de la signature de l’accord nucléaire avec les 5+1 (États-Unis, Chine, Royaume-Uni, France, Russie, Allemagne). Plus de la moitié des candidats modérés ont été empêchés de se présenter par le Conseil des gardiens (CG), une façon d’assurer la victoire d’un camp contre l’autre et de faire taire les voix critiques dans une période où l’Iran a besoin de présenter un front uni. Certes, les élections devraient mettre en exergue la déception d’une partie de la population vis-à-vis du camp modéré et le désenchantement d’une plus grande partie encore de cette même population vis-à-vis de la République islamique. Certes, enfin, ce scrutin pourrait permettre de mieux comprendre les dynamiques politiques internes à venir alors que l’élection présidentielle devrait avoir lieu en 2021 et que le guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei, a franchi la barre des 80 ans. Mais c’est le contexte à la fois interne et surtout externe qui donne aujourd’hui le la de la vie politique iranienne indépendamment des rapports de force au Parlement, organe qui est de toute façon limité dans ses prérogatives. Le bras de fer américano-iranien s’impose face à tous les autres dossiers et ne laisse quasiment aucune marge de manœuvre au régime iranien. Est-il prêt à céder à la pression américaine et à accepter de renégocier non seulement son programme nucléaire, mais surtout son influence régionale et sa politique balistique ou préfère-t-il poursuivre l’escalade et ne rien lâcher quitte à prendre le risque d’une guerre ouverte avec la première puissance mondiale ? C’est la seule question qui compte vraiment désormais sur la scène politique iranienne.
Le régime iranien a pour l’instant décidé de faire le dos rond tout en faisant monter la pression afin de faire payer aux États-Unis le prix de leurs politiques de sanctions à son encontre. La stratégie iranienne a été relativement efficace jusqu’à maintenant : elle a permis de démontrer que l’Iran avait les moyens de résister à la pression américaine et en même temps de mener des actions précises et très symboliques sur les alliés des États-Unis dans la région. Les sanctions américaines ont eu pour leur part pour principal effet de faire le jeu des durs du régime et d’amener Téhéran à être encore plus agressif dans sa politique régionale. Mais le temps ne joue clairement pas en faveur de Téhéran. Surtout si Donald Trump est réélu en novembre prochain. L’élection américaine pourrait en effet être décisive pour l’avenir de la République islamique. « Ça va être difficile pour l’Iran de survivre à quatre ans de plus de Trump », confirme un diplomate occidental. « Les mouvements sociaux risquent de se multiplier et il y a le double risque d’un effondrement du régime ou d’une guerre civile », ajoute-t-il.
Les sanctions américaines frappent très durement une économie iranienne à la base structurellement défaillante. Tous les voyants sont actuellement au rouge pour l’Iran. Les manifestations de novembre, maté dans le sang par le régime, ont mis à jour l’ampleur de la colère de la population. Les révoltes libanaises et surtout irakiennes ont fragilisé la politique régionale de Téhéran, désormais critiqué par une partie des populations chiites arabes. L’élimination le 3 janvier dernier du général iranien Kassem Soleimani a été le coup le plus dur porté à l’encontre du régime iranien et l’a obligé, malgré ses discours bellicistes, à tempérer sa réponse pour éviter un conflit général avec les États-Unis.
Plus que les élections législatives, c’est la mort du charismatique général iranien qui pourrait faire évoluer les choses en interne. « Avec Soleimani, il n’y avait aucun espace pour des opinions qui existent au sein du système iranien et qui considèrent que la confrontation avec les Américains amène l’Iran au bord de la falaise », dit le diplomate occidental. « Après sa mort, la ligne que défendent les modérés pourrait trouver plus d’écho auprès du guide suprême et finir par percuter », ajoute-t-il.
À moins d’une nette évolution de la politique iranienne, la possible réélection de Donald Trump en novembre prochain promet des années éprouvantes pour la République islamique et, par conséquent, pour la région. Alors que les candidats à la primaire démocrate se sont tous démarqués de la politique iranienne du président américain, le régime iranien doit, plus que jamais, espérer que l’un d’entre eux l’emporte dans quelques mois.
commentaires (5)
Ce Trump va faire exploser la planète terre .
Chucri Abboud
16 h 46, le 21 février 2020