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Monde - Interview express

« La question du successeur de Poutine, à ce stade, n’est pas tranchée »

Florent Parmentier revient pour « L’OLJ » sur l’annonce du président russe concernant la réforme de la Constitution.

Le nouveau Premier ministre russe, Mikhaïl Michoustine (à gauche), en compagnie de son prédécesseur, Dmitri Medvedev, le 17 janvier 2020. Dmitry Astakhov/Sputnik/AFP

À la surprise générale, le président Vladimir Poutine a annoncé mercredi dernier une réforme de la Constitution russe. Celle-ci vise notamment à conférer une partie des prérogatives présidentielles au Parlement, qui aura dorénavant le pouvoir de nommer le Premier ministre. Des changements « significatifs » pour lesquels Vladimir Poutine a jugé la Russie assez « mûre ». Dans la foulée de cette annonce pour le moins inattendue, le président russe a également accepté la démission de son Premier ministre Dmitri Medvedev et de son gouvernement. La réforme, qui sera soumise à un référendum, annonce les prémices de la succession de celui qui dirige la Russie depuis maintenant vingt ans. Contacté par L’Orient-Le Jour, Florent Parmentier, docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po, revient sur ce qui est déjà considéré comme le plus gros bouleversement qu’ait connu la Russie depuis la chute de l’URSS.


Ces amendements constitutionnels représentent-ils une rupture dans la manière d’exercer le pouvoir en Russie ?

Il convient tout d’abord de revenir sur les amendements constitutionnels proposés, allant dans le sens d’une redistribution des pouvoirs. En effet, tout en gardant le cadre d’un régime présidentiel fort, le Parlement verra ses prérogatives augmenter, puisque celle de désigner le Premier ministre lui reviendrait. On peut donc avancer que le rôle de président du Parlement se retrouverait lui aussi renforcé. En outre, le président pourra compter sur un Conseil d’État pour l’appuyer dans sa fonction de contrôle, et il pourrait même démettre des juges suprêmes.

Ces évolutions sont évidemment à interpréter dans le cadre de la succession de Vladimir Poutine, dont le mandat se termine en 2024 et qui ne devrait plus être en mesure de se représenter, ayant atteint la limite du nombre de mandats. Les modifications aboutissent à la distinction entre un Premier ministre qui conduit la politique économique de la nation et un président qui concentre l’essentiel des pouvoirs régaliens. Cette nouvelle organisation devrait permettre, pour Vladimir Poutine, d’éviter une remise en cause radicale de son héritage.


(Lire aussi : Le nouveau Premier ministre de Poutine promet des changements)



Que disent ces réformes sur le projet de Vladimir Poutine concernant sa succession ?

L’un des faits marquants de ces annonces est la nomination d’un nouveau Premier ministre, qu’il faut interpréter. Il est tout d’abord faux de dire que Dmitri Medvedev disparaît du paysage puisqu’il conserve des attributions importantes en tant que n° 2 du Conseil de sécurité. La question des ministres restants et partants reste encore ouverte et devra être observée avec attention.

Une question essentielle se pose au sujet du nouveau Premier ministre Mikhaïl Michoustine : s’agit-il d’un ajustement technique, comme cela avait pu être le cas avec deux anciens Premiers ministres de Vladimir Poutine des années 2000, Mikhaïl Fradkov et Viktor Zoubkov, ou plutôt d’un avant-goût de la succession de Vladimir Poutine ? Âgé de 53 ans, docteur en économie, son profil de technocrate efficace dans les services fiscaux (où il a combattu la corruption) et féru de nouvelles technologies semble indiquer que son attention devra être portée sur la relance de l’économie, puisqu’il n’a pas un profil de siloviki (homme des structures de force) ou d’un membre des renseignements.

La question du successeur de Poutine, à ce stade, n’est pas tranchée, et ne peut vraisemblablement l’être avant 2023. Ce successeur aura un rôle un peu en deçà du président actuel : même s’il parvenait à se libérer de l’emprise de son prédécesseur, il serait sans doute limité à deux mandats, et dans une position moins favorable vis-à-vis du Premier ministre. Il n’est pas sûr que Vladimir Poutine veuille réellement partir : il pourrait fort bien envisager de trouver une place au sein du Conseil d’État, afin de contrôler la politique de son successeur.


(Lire aussi : Poutine annonce une révision de la Constitution et nomme un nouveau Premier ministre)


Pensez-vous que ces réformes répondent aux attentes de l’électorat russe et qu’il y votera favorablement lors du référendum ?

L’électorat russe n’est pas prioritairement préoccupé par des réformes constitutionnelles, ce sont les résultats économiques qui sont au cœur des interrogations des citoyens. En effet, le consensus poutinien – stabilité et croissance contre une restriction des libertés individuelles – s’effrite depuis plusieurs années. Cela s’illustre par l’impopularité de Dmitri Medvedev, qui finissait par gêner le président. On peut s’attendre à un taux de participation limité allant de pair avec un vote en faveur des amendements constitutionnels proposés.


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