Dans un contexte de corruption qui ravage depuis des décennies le secteur public au point de provoquer l’effondrement de l’économie et des finances, les partis au pouvoir prônent à qui mieux mieux un gouvernement à même de sauver le pays, sans toutefois s’exprimer de manière concrète sur la forme et la composition d’un tel gouvernement, ni sur les mesures que celui-ci aurait à prendre pour restituer les fonds dilapidés et enrayer la corruption. Le ministre sortant du Travail, Camille Abousleiman, un technocrate connu pour avoir contribué aux financements internationaux pour le redressement de plusieurs pays, dont l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et la Jordanie, donne pour L’Orient-Le Jour son avis sur ces questions.
De qui devrait être composé un gouvernement capable de relever le pays et susceptible d’être accepté par les Libanais ?
La prochaine équipe ministérielle devrait être formée de nouvelles figures indépendantes, c’est-à-dire qui ne soient pas des représentants déguisés des partis actuellement au pouvoir. Les gens jugent que ceux qui les gouvernent sont voleurs et corrompus, ou du moins, ils les accusent d’avoir mal géré les affaires de l’État. Ils refusent donc que ceux-là mêmes puissent prendre des décisions drastiques touchant à leurs finances. La restructuration de la dette, les coupures budgétaires et d’autres mesures à adopter pour redresser le pays doivent être l’œuvre de personnes crédibles et non de ceux qui ont réalisé des bénéfices illégaux. Même les personnes crédibles auront d’ailleurs à payer le prix parce que les gens sont réticents à faire des sacrifices. À mon avis, il faudrait deux ou trois cabinets de crise pour régler les problèmes, sachant que les politiques d’austérité sont impopulaires et peuvent provoquer des chutes de gouvernement. Ces politiques sont pourtant nécessaires parce que nous vivons au-dessus de nos moyens, c’est-à-dire que les dépenses de l’État sont bien plus importantes que ses revenus.
Préconisez-vous des mesures concrètes pour enrayer la corruption et restituer les fonds dilapidés ?
Nous avons proposé un amendement du projet de loi anti-corruption qui attend d’être voté en séance plénière de l’Assemblée nationale, afin que soit renforcée l’indépendance de la Haute Commission nationale pour la lutte contre la corruption créée en vertu de ce texte. Les six membres de cette commission ne devront plus être désignés par un décret du Conseil des ministres. Tout comme le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) élira les deux juges qui font partie de la commission, nous suggérons que les barreaux de Beyrouth et Tripoli élisent l’avocat et que le syndicat des experts-comptables choisisse les trois experts. Quant au membre désigné par le ministère d’État pour la Réforme administrative, il devra être choisi parmi les membres de la société civile.
Il faudrait en outre renforcer les prérogatives de la Haute Commission, pour lui permettre de fournir une immunité totale ou partielle aux personnes ayant payé des pots-de-vin à de hauts responsables dont ils dévoilent de la sorte les malversations. La commission devrait pouvoir aussi conclure des accords à l’amiable avec ceux qui reconnaissent leurs crimes et délits, remboursant une partie ou la totalité des fonds usurpés, et qui verront ainsi leurs peines réduites ou supprimées. Il faudrait en outre donner à la commission le droit de poursuivre les fonctionnaires sans obtenir les autorisations des ministres de tutelle, ainsi que le droit d’enquêter sur des questions de corruption liées à des députés et ministres. Et ce, en attendant que soit un jour amendé l’article de la Constitution qui confère l’immunité à ces hauts responsables. Il est par ailleurs important que la commission ait la possibilité de procéder à la levée du secret bancaire sans l’accord de la Commission spéciale d’investigation au sein de la Banque du Liban. À l’international, il faudrait lui donner le pouvoir de correspondre directement avec les autorités et administrations légales étrangères en vue de prendre des mesures conservatoires, comme par exemple geler des comptes bancaires, et intenter des procès le cas échéant.
Comment le Liban pourrait-il sortir de la crise ?
La crise ne se règlera pas par elle-même. Chaque jour qui passe sans la mise sur pied d’un plan visant à la résoudre la rend plus longue et difficile à résoudre. Il faut que les parties au pouvoir prennent en main leurs responsabilités plutôt que de chercher constamment à se disculper et à se rejeter mutuellement les torts. Le gouvernement doit ainsi impérativement dresser un plan global de sortie de crise visant à remédier aux problèmes du déficit budgétaire, de la dette extérieure, de la liquidité immédiate, de la réforme structurelle et de la protection sociale ; sachant, sur ce dernier point, que la moitié des Libanais sont sous le seuil de pauvreté. Ce plan constitue un besoin vital, d’autant que le nombre de pertes d’emplois et de faillites s’accroît au quotidien.
Pour le réaliser, il faudrait des financements internationaux. Le recours au Fonds monétaire international (FMI) est à cet égard inévitable. Il y a un mois, le chef du gouvernement sortant Saad Hariri était entré en contact avec cette organisation pour lui affirmer son engagement à préparer un plan urgent de sauvetage et solliciter son aide, mais le processus d’échanges s’est arrêté. Il faudrait qu’il se poursuive et s’intensifie.
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DES FIGURES CORRECTES ET DECIDEES A FAIRE DES CHANGEMENTS POUR LE BIEN DU PAYS. WA LAKEN LE HEZBO, AMAL ET LE CPL WAFIIIN BEL MERSAD POUR EMPECHER.
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 25, le 14 janvier 2020