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Nos Lecteurs ont la Parole - par Louis INGEA

L’imagination au pouvoir ou les dix commandements de la nouvelle République

Sans détour ni effets de style, une seule question se pose aujourd’hui à chacun de nous Libanais.

Souhaitons-nous un régime respectable, doté d’une gouvernance équilibrée et soucieuse du bien-être de ses citoyens ? Alors, attardons-nous un moment sur la vision proposée ci-après et que je vais essayer de clarifier du mieux que je puisse.

Partons tout d’abord du principe même du système démocratique qui base sa justification sur l’égalité des droits et devoirs entre les membres d’une société humaine. Et réalisons logiquement qu’il ne peut s’agir d’un programme passe-partout, indifféremment applicable à n’importe quel pays de la planète. Tout dépend, en effet, de la culture d’une population donnée ainsi d’ailleurs que de la position régionale du pays en question.

Aussi, pour une nation telle que le Liban, au territoire exigu et déjà surpeuplé, à la mentalité encore portée sur l’idolâtrie à tous les niveaux et à la diversité de ses communautés religieuses, faudra-t-il tenir compte des us et coutumes, et de l’idée que l’on se fait du pouvoir parmi les habitants.

Au cœur de l’actuel chaos économique et politique dans lequel se trouve englué le Liban après un siècle de souveraineté boiteuse et mal vécue dès le départ pour cause d’une Constitution hâtivement élaborée par les sous-fifres d’une puissance mandataire, il est heureux qu’ait explosé enfin une prise de conscience populaire mettant en défaut les racines mêmes du dysfonctionnement du pays.

Voyons sans complexe comment remédier à une situation désespérée et mettons à contribution le slogan de « L’imagination au pouvoir » selon le schéma qui suit :

1 – À la faveur d’un gouvernement d’exception, exiger, parallèlement aux premières urgences, la création d’un « comité de salut publique ». Composé de douze membres désignés par six groupements à raison de deux représentants par bloc, après en avoir délimité clairement les appartenances confessionnelles, à savoir : un bloc maronite – un bloc sunnite – un bloc orthodoxe, grec et arménien – un bloc chiite – un bloc des diverses fractions minoritaires chrétiennes et un bloc druze et alaouite. Soit six groupements confessionnels candidats à la direction du pays.

2 – Charger ce comité de douze sages de réécrire une nouvelle Constitution libanaise en renonçant à celle de 1920 et à son corollaire de Taëf. Et cela dans un délai fixé à trois mois. Un référendum sous contrôle de l’ONU devra légaliser le verdict populaire.

3 – Faire déclarer, en préalable, la fameuse distanciation en matière de politique étrangère ainsi que la neutralité positive selon le modèle de la Suisse. Plus question dans ce cas de déclaration ministérielle « ad hoc » dorénavant.

4 – Tout en rappelant les principes de base figurant déjà dans la première rédaction de 1920 quant aux libertés publiques et à la coexistence pacifique, annoncer la naissance d’une république n’ayant comme dirigeant suprême qu’une seule tête. Soit un chef d’État muni des pleins pouvoirs, éligible au suffrage universel en deux tours, chargé d’un mandat de cinq ans absolument non renouvelable. Et, afin de respecter les droits justifiés des six groupements confessionnels mentionnés au départ, ne procéder au renouvellement de la première magistrature qu’en confiant le pouvoir « à tour de rôle » aux six blocs précités. De sorte que chacun des blocs ne détienne ce pouvoir qu’une seule fois tous les 25 ans si nous savons bien compter.

5 – Le chef de l’État devra assurer d’emblée la responsabilité de la présidence du Conseil des ministres au nombre de douze ou dix-huit membres – chiffre divisible par six. Il choisira ses ministres sans consultations officielles et sera tenu de le faire dans un délai constitutif d’une semaine. Il évitera ainsi les crises fumeuses ayant empoisonné les régimes précédents et toute perte de temps.

6 – Créer deux Chambres parallèles pour les délégués de la nation en organisant des élections générales simultanées :

a – Un Sénat comprenant exclusivement des membres de l’appareil juridique, avocats ou juges au nombre de trente-six. Ils seront répartis à égalité entre mahométans et chrétiens sans distinction confessionnelle et incluant obligatoirement un tiers de personnes du sexe féminin. Sa mission unique : légitimer les lois votées par les députés dans un délai toujours restreint d’un mois et veiller surtout au respect intégral de la Constitution grâce à un droit souverain de « suspension d’exercice » tant à l’égard des ministres que du chef de l’État. Douze signatures suffiraient pour enclencher pareille procédure. Ce qui sera radical afin d’éviter les velléités de corruption.

b – Un Parlement de soixante-douze députés élus selon le système uninominal par district, couvrant tout le pays, en deux tours en cas de ballottage. À l’image du Sénat, la Chambre des députés comprendra un minimum d’un tiers de femmes, étant bien entendu formée à égalité de membres entre chrétiens et mahométans.

7 – Trois ministères-clés devront émerger du lot des portefeuilles. Celui du Tourisme considéré comme investissement numéro un dans un territoire comme le Liban. Celui de l’Éducation nationale qui doit former des générations conscientes de leurs devoirs et droits civiques. Et créer enfin un ministère de la Planification. Ce dernier aura la main haute sur l’urbanisme à travers tout le territoire, y compris le zoning, l’environnement et le réseau routier.

8 – Quant au reste des ministères, prévoir les priorités suivantes : égalité des droits et des salaires entre femmes et hommes ; suppression de la mention confessionnelle sur tout papier ou carton administratif ou identitaire; changement des mentalités à l’échelle des medias et interdiction de l’emploi de titres ronflants tels que « fakhama, ma’ali, saada ». Établir enfin la retraite garantie à toutes les couches de la population et généraliser l’assurance-maladie.

9 – Se pencher avec détermination sur la question des fuites scandaleuses de fonds publics. Non pas forcément recourir aux poursuites judiciaires longues et coûteuses, mais essayer le procédé du « deal » dans le but de gagner en temps et en efficacité. Proposer par conséquent aux personnes suspectées de prendre à leur charge et à leurs frais, contre suspension de procès, l’édification, au choix, des besoins les plus urgents du pays. Tels qu’une centrale électrique, des retenues d’eau sans recours aux barrages géants, des établissements sanitaires, cliniques et hôpitaux équipés, des installations de traitement de déchets... et j’en passe car la liste est interminable.

10 – Une dernière suggestion, mais de taille : privatiser momentanément pour 30 ou 40 ans toute la côte libanaise en l’offrant à des sociétés touristiques qui se chargeraient de nettoyer le rivage, de créer des centres balnéaires, de faire travailler les citoyens qui y étaient déjà établis et de payer une redevance annuelle au Trésor public. Cela impliquera sans doute la démolition de toutes les outrances hors la loi dont souffrent nos plages. L’exemple chypriote en la matière est une référence concluante.

Voilà ! Faisons confiance pour terminer à la compétence de nos juristes afin de peaufiner les nombreux détails de ce projet.

Je souhaite ardemment que le plus grand nombre de Libanais puisse reprendre contrôle de sa dignité nationale, dans l’espoir de voir le rêve devenir réalité.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Sans détour ni effets de style, une seule question se pose aujourd’hui à chacun de nous Libanais.Souhaitons-nous un régime respectable, doté d’une gouvernance équilibrée et soucieuse du bien-être de ses citoyens ? Alors, attardons-nous un moment sur la vision proposée ci-après et que je vais essayer de clarifier du mieux que je puisse.Partons tout d’abord du principe même du...

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