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Nos Lecteurs ont la Parole - par Michel FAYAD

Plan d’action pour bâtir l’État-nation réclamé par le peuple libanais

Presque 100 ans après la proclamation de l’État du Grand Liban, on assiste aujourd’hui à l’enfantement d’une nation libanaise dépassant les clivages confessionnels. Il faut donc penser comment ériger enfin un État-nation tant au niveau institutionnel qu’au niveau socioéconomique. Voici un plan d’action en douze mesures.

1. Faire du président de la République le chef de l’exécutif

L’histoire montre qu’un État-nation est bâti par un chef de l’exécutif. Au Liban, le pouvoir exécutif est entre les mains du Conseil des ministres au sein duquel les principales communautés sont représentées. Toute décision est donc soumise au mieux au compromis entre les formations politiques qui les représentent, au pire au compromis entre les puissances étrangères auxquelles certaines d’entre elles ont fait allégeance.

Pour bâtir l’État-nation libanais, il faut donc faire constitutionnellement du président de la République libanaise le chef de l’exécutif.

En effet, l’expérience actuelle montre que la représentativité populaire du président, la taille du bloc parlementaire dont il est issu et le nombre de ministres constituant sa part (et celle du bloc parlementaire dont il est issu) ainsi que la nouvelle loi électorale assurant une meilleure représentativité chrétienne ne sont pas suffisants pour combler l’amputation des prérogatives de la présidence de la République réalisée à Taëf.

2. Former un gouvernement de technocrates

Afin d’ériger un État-nation, les ministres doivent constituer l’équipe du président de la République. Cela ne signifie pas qu’ils doivent être issus de la même formation politique que lui.

Bachir Gemayel l’avait compris en formant le groupe Gamma, sorte de cabinet composé de dix-huit branches équivalentes à dix-huit ministères et rassemblant des technocrates : des spécialistes, des universitaires et des intellectuels. L’objectif ? Penser l’État-nation. Le projet était appelé « 10 452 km2 » ou encore « L’État de l’an 2000 ».

Un gouvernement est dit d’union nationale quand il rassemble presque toutes les principales formations politiques.

Au Liban, ces principales formations politiques représentent les principales communautés et parfois même des puissances étrangères et non la nation libanaise. L’action gouvernementale est ainsi, de fait, paralysée.

Ces dernières années nous ont montré que dans un cabinet dit d’union nationale, l’action gouvernementale est tributaire de compromis, souvent négociés entre le président du Conseil sunnite et le chef de la principale formation chrétienne (ou son représentant), et qu’écartés des décisions (comme ils le prétendent) ou pas, les ministres des anciens chefs de milice sont dans une logique d’opposition.

Un gouvernement de technocrates investi par la Chambre des députés peut agir car les oppositions se trouveraient non au sein du cabinet mais seulement au Parlement.

3. Proclamer la neutralité et demander une garantie internationale

L’accord de Taëf est le fruit d’un compromis régional et international qui n’existe plus. La République de Taëf ne peut fonctionner qu’avec un tuteur.

L’occupant syrien jouait ce rôle de tuteur tant que le compromis régional et international prévalait. Malgré sa puissance militaire, le Hezbollah ne peut pas jouer ce rôle en l’absence de compromis régional et international.

Pour être libre, indépendant et souverain, le Liban doit sortir de Taëf et proclamer sa neutralité.

Cela l’immuniserait contre luttes intercommunautaires pour le pouvoir par l’intermédiaire de formations politiques ayant souvent des allégeances étrangères.

La neutralité du Liban doit être positive, permanente et garantie internationalement.

4. Instituer un code civil unifié

Afin d’édifier un État-nation, l’identité communautaire doit laisser la place à une identité citoyenne. À cette fin, il faut instituer un code civil unifié pour le statut personnel, première étape vers la séparation avec la religion et donc vers l’État civil.

5. Décentraliser, ou plutôt régionaliser

L’État-nation a besoin de transformer les luttes intercommunautaires pour le pouvoir en compétition régionale saine et de favoriser une concurrence économique et sociale entre les régions permettant de pallier les carences et les défaillances du pouvoir central, et de résoudre rapidement des problèmes locaux. C’est ce qu’offre le régionalisme qui va plus loin qu’une décentralisation administrative.

6. Améliorer la représentativité parlementaire et renouveler la classe politique

Pour améliorer la représentativité parlementaire et renouveler la classe politique, il faudrait d’une part choisir entre la circonscription uninominale (chaque circonscription élit un seul représentant) et le projet dit orthodoxe (chaque communauté élit ses propres représentants) – ou choisir la première pour la Chambre des députés et la seconde pour un Sénat qui verrait ainsi le jour –, et d’autre part retirer l’immunité des anciens députés et ministres et des députés et ministres actuels, limiter le nombre de mandats des députés à deux et le nombre de fois qu’une personnalité pourrait être ministre à deux, et mettre fin au cumul des mandats (député et ministre).

7. Lutter contre la corruption par le biais du digital grâce à la jeunesse et l’éducation

Pour lutter contre la corruption, la transformation digitale est essentielle. En effet, l’e-administration et l’e-gouvernance entraîneraient plus de transparence.

Cela assurerait également de l’emploi à une jeunesse plus à l’aise que les générations précédentes avec les outils du numérique et des nouvelles technologies.

Il faudrait aussi des formations dans les domaines du numérique et des nouvelles technologies pour ne pas créer des chômeurs mais produire plutôt des travailleurs. Le monde bouge, le Liban ne peut pas rester à la traîne. L’économie libanaise ne peut pas rester la même que celle d’hier. Elle doit se tourner vers l’avenir. Ces formations doivent donc couvrir les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services (banques et assurances, santé, commerce et tourisme notamment).

8. Organiser le retour des réfugiés syriens en Syrie

L’armée a vaincu Daech. Toutefois, la présence de 2 millions de réfugiés syriens constitue un danger, les hommes, pour la plupart sunnites ayant fait leur service militaire, peuvent être instrumentalisés par certaines puissances régionales, voire internationales, pour combattre le Hezbollah chiite pro-iranien.

Les Syriens représentent 40 % de la population carcérale. Un bébé sur deux qui naît est syrien. Près de 30 % de l’électricité leur est allouée. Ces « réfugiés » sont devenus des « expatriés », des « travailleurs » ou des « immigrés » dans le sens économique du terme puisqu’il n’y a plus de problème sécuritaire sur l’essentiel du territoire syrien.

Il faut donc organiser leur retour au plus vite.

9. Désarmer les Palestiniens et faire en sorte qu’ils puissent émigrer et annuler les naturalisations illégales

Il faut désarmer les Palestiniens à l’extérieur mais aussi à l’intérieur des camps. L’Autorité palestinienne doit délivrer des passeports palestiniens aux réfugiés palestiniens au Liban pour qu’ils puissent émigrer.

D’autre part, les centaines de milliers de non-Libanais dont des Palestiniens qui ont été naturalisés en toute illégalité par le décret 5247 doivent se voir retirer la nationalité libanaise.

10. Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité et instaurer une Sécurité sociale solidaire et pour tous et un système de couverture santé généralisé.

Un Libanais sur deux vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Il faut supprimer la TVA sur les produits de première nécessité et contrôler les prix.

En effet, il faudrait faire en sorte qu’une telle mesure qui constitue une perte de recettes pour l’État se répercute au profit du consommateur et ne se traduise pas par une augmentation des marges des distributeurs. Il faut également instaurer une Sécurité sociale solidaire et pour tous et un système de couverture santé généralisé, la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) revêtant plutôt un caractère d’assurance (puisqu’elle protège contre des risques) et ne couvrant pas tous les salariés.

11. Changer de politique économique et financière

Il est essentiel que la Banque du Liban (BDL) change de politique car celle-ci est en grande partie responsable de la crise socioéconomique caractérisée par de fortes inégalités, une grande pauvreté, un chômage élevé et une émigration massive. Il faut réorienter l’économie libanaise vers l’industrie et l’agriculture.

En effet, une économie basée sur les services, notamment financiers, est fragile.

Le Liban a fait le choix de la stabilité monétaire avec une devise internationale forte (le dollar) et une devise locale faible (la livre) et une économie rentière – des taux d’intérêt élevés pour attirer des capitaux (notamment par le biais du secret bancaire mis en place par Raymond Eddé) et investir dans l’immobilier –, au détriment de l’industrie, de l’agriculture et des exportations, mais aussi des investissements.

Il faut désormais passer à une économie régulée et libérale avec la fin des agences exclusives et des monopoles.

12. Créer un fonds souverain financé par les revenus pétroliers et les réinvestir dans l’économie

Une compagnie nationale pétrolière et gazière doit voir le jour ainsi qu’un fonds souverain chargé d’investir les revenus dégagés dans d’autres secteurs de l’économie libanaise.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Presque 100 ans après la proclamation de l’État du Grand Liban, on assiste aujourd’hui à l’enfantement d’une nation libanaise dépassant les clivages confessionnels. Il faut donc penser comment ériger enfin un État-nation tant au niveau institutionnel qu’au niveau socioéconomique. Voici un plan d’action en douze mesures. 1. Faire du président de la République le chef de...

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