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Nos Lecteurs ont la Parole - par Abdel Hamid EL-AHDAB

Le retard dans les consultations parlementaires, une violation manifeste de la Constitution

Selon l’article 53(2) de la Constitution libanaise, le président de la République est dans l’obligation de lancer les consultations parlementaires impératives. Toutefois, cet article n’a pas fixé un délai pour le lancement desdites consultations. Il est communément admis que si la Constitution impose une obligation au président de la République sans pour autant fixer un délai, cette obligation est à être honorée dans le « délai raisonnable » au sens constitutionnel, à moins qu’il n’y ait une force majeure entravant ou faisant obstacle à son exécution.

Selon le président de l’association « Justicia pour le développement et les droits de l’homme », Paul Morcos, la doctrine administrative et constitutionnelle couvre la notion du « délai raisonnable » qui doit être respecté par le pouvoir constitutionnel ou administratif pour procéder à des démarches constitutionnelles ou administratives quelconques. Le délai raisonnable pour que le président de la République appelle à des consultations parlementaires pourrait donc durer quelques jours, mais non des semaines ou des mois.

Dans la situation qui règne actuellement, la force majeure requiert le raccourcissement du délai et non pas sa prorogation. Vu les circonstances, une décision ou une position doit être prise dans un délai de quelques jours, sinon il y aura un retard. Il convient de noter que le président de la République est dans l’obligation, conformément au « délai raisonnable », d’accomplir sa mission en exerçant une diligence raisonnable, sinon son retard constituera une violation de la Constitution au sens de l’article 60 de cette dernière.

Le législateur libanais donne au délai raisonnable un contenu moral. L’article 287, alinéa 3, du Code des obligations et des contrats dispose que « l’approbation ne peut intervenir qu’après que les parties ont donné communication de la reprise au créancier et elle doit intervenir dans le délai fixé au cours de ladite communication, sinon, dans un délai moralement nécessaire pour prendre parti. Une fois ce délai expiré, l’approbation est considérée comme ayant été refusée ».

La notion morale du délai raisonnable dans le droit constitutionnel s’impose, car la Constitution prévaut sur toutes les lois nationales. Et si ladite Constitution comporte des lacunes, elles seront comblées en ayant recours non seulement aux règles de bon sens mais aussi à la règle morale.

Le droit international, plus particulièrement le droit européen, a suivi cette orientation en adoptant le critère qualitatif du délai raisonnable. Il a prévu que le délai raisonnable, au cas où des besoins économiques et sociaux urgents existent, tel que dans les circonstances actuelles, doit être interprété comme « promptitude », équivalente à des mesures immédiates.

Un exemple illustrant ceci est le suivant :

« 52. Il ne faut pas oublier non plus que l’affaire présentait un enjeu considérable non seulement pour les requérants, mais aussi pour la société espagnole en général, en raison de ses vastes incidences sociales et économiques. Le grand nombre des personnes impliquées – salariés, actionnaires et tiers –, ainsi que le volume des capitaux en cause, militaient pour une prompte solution du litige. »

« 53. À la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause, la Cour conclut au dépassement du délai raisonnable prévu à l’article 6, par. 1 (art. 6-1), lequel a donc été violé sur ce point. »

[CEDH, Cour (Plénière), 23 juin 1993, no. 12952/87.

Lire en ligne :

https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/1993/CEDH001-62395

La Constitution impose une obligation au président de la République d’appeler aux consultations parlementaires impératives dans un « délai raisonnable », et ce dans le sens susmentionné.

La promptitude, même plus « les mesures immédiates », s’impose dans les circonstances actuelles, car le pays s’enfonce de plus en plus dans le noir et est au bord du gouffre.

Dans les circonstances exceptionnelles qui règnent dans le pays, le pouvoir discrétionnaire – à supposer qu’il existe – est limité au maximum. Dire le contraire rend le pouvoir discrétionnaire, un pouvoir qui est en quelque sorte similaire au pouvoir arbitraire.

Le recours au raisonnable pour qualifier le délai viserait « à tracer une limite entre discrétionnaire et arbitraire ». (J. Salomon, Le concept de raisonnable en droit international public, pp. 462-467).

Le retard qui dépasse les limites du « délai raisonnable » mène davantage à la détérioration de la situation au pays. Et malgré le fait que plus de trois semaines se sont écoulées depuis la démission du gouvernement, le président n’a toujours pas lancé les consultations parlementaires.

Les Constitutions des pays développés donnent au président de la République la qualité de « bon père de famille ». Ce dernier doit donc, en cas d’absence de délai dans la Constitution de son pays, adopter la notion du « délai raisonnable » au sens susmentionné.

« […] L’administration ne doit-elle pas ainsi se conduire de manière raisonnable, prudente tel un bon père de famille ? » (« Le raisonnable en droit administratif » [Sous la direction de Mme Sophie Theron], 1re édition, vol. 13).

Le retard dans le lancement des consultations parlementaires impératives prévues à l’article 53, alinéa 2, de la Constitution constitue non seulement une violation dudit article mais aussi une violation du serment qu’a prêté le président, prévu à l’article 50 de la Constitution.

Abdel Hamid EL-AHDAB

Avocat

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Selon l’article 53(2) de la Constitution libanaise, le président de la République est dans l’obligation de lancer les consultations parlementaires impératives. Toutefois, cet article n’a pas fixé un délai pour le lancement desdites consultations. Il est communément admis que si la Constitution impose une obligation au président de la République sans pour autant fixer un délai,...

commentaires (2)

ILS ONT FAIT DE LA CONSTITUTION UNE CATIN...

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 50, le 07 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • ILS ONT FAIT DE LA CONSTITUTION UNE CATIN...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 50, le 07 décembre 2019

  • ce n'est pas la 1ere fois qu'ils foulent aux pied la constitution. il faut donc eviter d'elaborer la dessus . par contre il faut les mettre au pied du mur- car malheureusement nous avons encore Besoin d'eux - et les obliger a le dire ouvertement : oui ou non voulez vous donner leur chance aux revolutionnaires, appliquer leur desiderata- vous sacrifier ne serait ce que le temps de nouvelles elections parlementaires- sans plus de conneries qui nous menent a la ruine !

    Gaby SIOUFI

    13 h 11, le 07 décembre 2019

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