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Liban - Opinion

Lettre ouverte de Samy Gemayel au président de la République

Monsieur le Président de la République,

Je vous adresse cette lettre ouverte, en ce moment grave de notre histoire, parce que le temps presse. Il se compte en jours. Les Libanais souffrent alors que leurs institutions sont bloquées et que la convocation des parlementaires aux consultations constitutionnellement nécessaires à la désignation d’un Premier ministre est déjà très en retard. Déjà avant votre élection, j’étais convaincu que le système destructeur de gouvernance mis en place au Liban ne pouvait pas être combattu de l’intérieur, mais par une opposition résolue dans laquelle je me suis engagé sans concessions. C’est fort de cette conviction que nous avions décidé de démissionner du gouvernement Salam et refusé de faire partie de l’entente qui a conduit à votre élection.

Vous souvenez-vous de mes mises en garde répétées ? Vous souvenez-vous lorsque les membres du système qualifiaient mes déclarations de démagogiques ?

En apparence, les dernières élections législatives auraient octroyé à ce système une nouvelle légitimité. Les partis qui étaient les fers de lance de votre mandat ont considéré que les électeurs leurs ont donné une couverture politique indiscutable. Trois ans sont passés sans que ces partis ni les gouvernements de votre mandat ne se soucient aucunement de la catastrophe annoncée. Trois ans qui n’ont nullement servi à redresser la barre, mais qui, bien au contraire, ont considérablement aggravé la situation jusqu’à en accélérer l’effondrement.

En fait, les électeurs n’avaient pas donné une légitimité nouvelle aux prédateurs du système ; ils leurs avaient donné une dernière chance. La chance de changer le système, celle de s’amender et celle d’agir dans l’intérêt général. Cette chance hélas n’a pas été saisie !

Monsieur le Président, peut-être que le plus grand événement de votre mandat se soit produit sous vos yeux, mais en dehors de votre volonté. Cet immense événement est le soulèvement des Libanais. Oui, les citoyens libanais se sont soulevés dans un mouvement sublime d’unité, de résolution, de justice, de créativité, d’humour et de sagesse. Les citoyens se sont engagés avec force et résolution contre le système qui détruit leur pays et conduit les Libanais à la catastrophe sociale et économique, au chômage et à la pauvreté.

Les politiques de ce système moribond ont mené à placer le Liban en tête des classements mondiaux de la mauvaise gouvernance, pour ne pas dire plus, alors que le soulèvement a forcé par sa qualité le respect du monde.

Le retard dans la convocation aux consultations parlementaires aux fins de garantir que la formation du gouvernement soit conforme aux exigences des partis, qui ont pourtant largement démontré leur incurie, conduit non seulement au détournement des règles de la Constitution, mais contribue à maintenir le système de partage du butin, que tous condamnent et qui nous a mené vers le gouffre.

Monsieur le Président,

Les deux précédents gouvernements de votre mandat ont été dans l’incapacité de gérer le pays et d’éviter la crise. Ils ont au contraire démontré, de l’aveu même de tous les partis qui les composaient, qu’ils étaient paralysés par les zizanies, les calculs d’intérêts et la très mauvaise gouvernance. Essayer de reproduire dans le nouveau gouvernement les mêmes logiques que celles qui ont été appliquées dans les équipes précédentes serait absurde et catastrophique pour le pays.

Les citoyens demandent, à juste titre, qu’un Premier ministre soit nommé dans les règles et qu’ensuite soit formé un gouvernement composé exclusivement de professionnels indépendants des partis, de tous les partis, et dont le seul souci serait le sauvetage du pays.

Lorsqu’il est fait référence à des professionnels indépendants, cela veut dire refuser la logique de la répartition des parts entre les partis partenaires du pouvoir, refuser la logique des prête-noms et refuser la désignation par chacun de ces partis d’un nombre de ministres qui seraient en apparence professionnels mais en réalité leurs représentants.

Pourtant face à cette revendication on ne peut plus légitime et qui permettrait de rétablir la confiance, vous continuez malgré l’urgence à retarder les échéances et à les vider de leur sens et à préserver le système en place. Le retard et les tractations en cours ont en effet déjà détourné les consultations parlementaires de leur objet, puisqu’au moment où vous les organiserez, tout aura déjà été décidé. Lorsque enfin vous les convoquerez, les députés devront-ils alors se prêter à une comédie lamentable pour ratifier le résultat des tractations en cours ? N’avez-vous pas observé que les pourparlers qui sont menés relèvent d’une époque révolue ?

Le soulèvement a tracé une ligne de séparation entre la vision moderne portée par les citoyens et les combines qui ont constitué le seul mode de fonctionnement du système encore en place.

Un argument pour justifier ces tractations et ne pas faire droit à la demande populaire et au respect de la Constitution a été avancé. Selon cet argument, il faudrait que le gouvernement obtienne à la fois la confiance des gens et celle des partis majoritaires au Parlement. Quel aveu ! Alors comme cela, sans aucune vergogne, il serait admis que les « intérêts du Parlement » pourraient diverger de ceux du peuple et de l’intérêt général ?

Est-il possible, après avoir avancé un tel argument et après avoir admis que le Parlement est en rupture avec le peuple, que de nouvelles élections ne soient pas organisées ?

À cet égard, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons déjà déposé un projet de loi pour raccourcir la durée du mandat du Parlement actuel au 6 mai 2020.

Monsieur le Président,

Le divorce entre deux visions du Liban est aujourd’hui consommé. Je ne peux que regretter l’insistance à maintenir sous respiration artificielle la vieille vision moribonde.

Le temps presse, le pays s’effondre, les citoyens souffrent et par leur seule existence les tractations en cours sont déjà une atteinte à la construction d’un Liban moderne.

Un Premier ministre doit être désigné, au terme de consultations parlementaires et non par suite de négociations douteuses. Un gouvernement de professionnels véritablement indépendants, capable d’instaurer une bonne gouvernance, combattre la corruption et faire face à la crise, doit être formé. Enfin des élections législatives anticipées doivent être organisées.

Vous avez le choix, Monsieur le Président,

Soit vous vous engagez, même avec retard, au service de la nouvelle vision du Liban que les Libanais ont décidé de construire, soit vous laissez les petits intérêts politiques des uns et des autres entraîner votre mandat et le pays dans les abîmes de l’histoire.

Monsieur le Président de la République,Je vous adresse cette lettre ouverte, en ce moment grave de notre histoire, parce que le temps presse. Il se compte en jours. Les Libanais souffrent alors que leurs institutions sont bloquées et que la convocation des parlementaires aux consultations constitutionnellement nécessaires à la désignation d’un Premier ministre est déjà très en retard....
commentaires (22)

les électeurs leurs ont donné LEUR ils leurs avaient donné une dernière chance. LEUR

Tomb Roland

01 h 27, le 05 décembre 2019

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Commentaires (22)

  • les électeurs leurs ont donné LEUR ils leurs avaient donné une dernière chance. LEUR

    Tomb Roland

    01 h 27, le 05 décembre 2019

  • Je salue le contenu de cette lettre et suis surpris (en bien) de la distance qu'à pris Samy Gemayel par rapport à la ligne historique du parti Kataeb, pilier majeur du féodalisme et du clivage religieux qui ont détruit le Liban. Il nous reste un os majeur: le Hezbollah, état dans l'état. Seul un Etat fort peut assurer la sécurité de tous et nous libérer du sectarisme. Espérons que l'Iran - au bord du gouffre - coupera bientôt les vivres, pour nous permettre d'offrir aux combattants du Hezbollah un avenir brillant au sein de l'Armée.

    El moughtareb

    20 h 24, le 04 décembre 2019

  • Très bonne lettre qui résume la plupart des demandes du Peuple!

    Wlek Sanferlou

    17 h 50, le 04 décembre 2019

  • Une lettre d'un homme de bonne volonté, lucide! Mais une fois qu'on a dit ça et que l'on a applaudi, qu'arrivera-t-il? Michel Aoun, semble non seulement sourd au besoin du peuple et de la nation, mais entendrait-il qu'il paraît incapable de la moindre initiative, comme paralysé. Il semble que Gebran Bassil, Machiavel de boulevard, l’entraîne inexorablement dans le cul de basses-fosses de l’histoire. Si j’osais une comparaison, ils me font penser au duo Laval/Pétain. L’ignoble Laval qui forçant continuellement la main du vieux soldat et l’entraînant vers la déchéance. Il est triste de voir un homme qui aspirait à la postérité, sombrer dans une telle déchéance. Mais l’important, ce ne sont pas les hommes, mais le Liban et les Libanais. N’attendons rien de ces gens et avançons tout de même.

    Rana Raouda TORIEL

    17 h 34, le 04 décembre 2019

  • M. Samy Gemayel n'a rien à voir avec ceux qui l'ont précédé! Ceux-ci seront peut être un jour jugés, mais celui qui n'a jamais péché keur jette la première pierre! M. Samy est d'un franc-parler rare et fait preuve d'intégralité et d'un raisonnement politique très sincère. Malheureusement il semble qu'il prêche dans le désert! Ça me rappelle feu M. Maurice Gemayel!

    Zaarour Beatriz

    17 h 19, le 04 décembre 2019

  • Belle constance, belle solidité des propos et des prises de positions en effet. Mais est-ce vraiment des petits interêts de petites gens qu'il s'agit? Ou d'intérêts majeurs de grandes puissances marionettistes? Decadence ou impuissance, entre les deux, un peuple magnifique qui refuse d'être pris en otage... Une lettre ouverte aux libanais s'impose à présent!

    Maya Chehab

    14 h 55, le 04 décembre 2019

  • le president cest Hasan Nasrallah...

    Jack Gardner

    14 h 20, le 04 décembre 2019

  • MERCI QUAND MÊME, MAIS CES PAROLES ONT ÉTÉ DITES ET PRONONCÉES ET ÉCRITES À PLUSIEURS REPRISES. QUAND ON VOIT QUE JOUMBLATT HIER CHEZ BERRI RÉCLAMANT SA PART ! LUI QU'ON CROYAIT QU'IL SOUTENAIT LA SAOURA. IL CONFIRME SES ORIGINES DE CAMELION. MALHEUREUSEMENT, CE SONT CES COMPORTEMENTS LÀ QUI ENCOURAGENT ENCORE BASSIL "L'OFFICIEL PRÉSIDENT" À Y CROIRE TOUJOURS EN SON ÉTOILE. LE CHACUN POUR SOI A TOUJOURS LA CÔTE DANS CE SYSTÈME. SE CONSACRER POUR SON PAYS LE LIBAN, CE N'EST PAS SUR L'ORDRE DU JOUR CHEZ LE PRÉSIDENT OFFICIEL BASSIL. À QUAND LE "MIA CULPA" CHEZ GEAGEA ET HARIRI QUI NOUS ONT AMENÉ AOUN SUR LA TÊTE DU PAYS ? À QUAND ??????? IL FAUT PAS RÊVER NON PLUS QUE AOUN VA SE RETOURNER CONTRE HASSAN NASRALLAH POUR LE BIEN DE SON PAYS. QUE DIEU NOUS PROTÈGE DE L'AVENIR QUI S'ANNONCE TRÈS SOMBRE.

    Gebran Eid

    14 h 02, le 04 décembre 2019

  • Les points sur les i. Bien résumé clairement et objectivement les faits et les conclusions. Mais, est-ce que le président est vraiment libre de ses choix?

    Esber

    12 h 37, le 04 décembre 2019

  • pas mal ,mais c est la lettre ouverte des citoyens qui est priorité !!!! elle a été écrite depuis le début ,avec des exigences concrètes qui ne sont toujours pas entendues!jusqu'à quand le peuple le supportera -t-il?J.P

    Petmezakis Jacqueline

    12 h 29, le 04 décembre 2019

  • Lettre ouverte de Samy Gemayel au président de la République Vous avez le choix, Monsieur le Président, Soit vous vous engagez, même avec retard, au service de la nouvelle vision du Liban que les Libanais ont décidé de construire, soit vous laissez les petits intérêts politiques des uns et des autres entraîner votre mandat et le pays dans les abîmes de l’histoire. CHER SAMY GEMAYEL DESOLE DE DEVOIR VOUS DIRE QUE VOUS VOUS ETES TROMPE D'INTERLOCUTEUR VOTRE LETTRE AURAIT DU ETRE ADDRESSE A GEBRAN BASSIL ET PAS A MICHEL AOUN QUI A DEPUIS LONGTEMPS LAISSER LE POUVOIR A CE GENDRE INCAPABLE MEME DE DONNER EN 10 ANS DE L'ELECTRICITE AU PEUPLE ET QUI A EU LE TOUPET DANS SA DERNIERE DECLARATION DE DEMANDER DE L'ELECTRICITE QUE C'EST TRISTE D'ENTENDRE ENCORE DIRE AUJOURDH'UI QUE JOUMBLATT NOMMERA LES MINISTRE DRUZES, AMAL ET HB LES CHIITES, HARRIRI LES SUNNITES ET SURTOUT BASSIL TOUS LES CHRETIENS CAR IL A OBTENU LE PLUS DE DEPUTES DANS CETTE ELECTION FORGE PAR EUX COMME SI LE 17 OCTOBRE N'A JAMAIS EXISTE PATIENCE ENCORE CETTE REVOLTE DEVIENDRA REVOLUTION ET NOUS SAVONS TOUS LA DIFFERENCE ENTRE REVOLTE ET REVOLUTION

    LA VERITE

    12 h 17, le 04 décembre 2019

  • Qu’on soit pour ou contre Mr Gemayel, et l’histoire du parti qu’il dirige, on ne peut raisonnablement que reconnaître qu’il tient des propos constants et une ligne souverainiste sans concession depuis plusieurs années. Le refus de la participation au pouvoir et donc le partage du gâteau est tout à son honneur. Il me semble que cette lettre est fort proche de ce que le peuple souhaite, l’édification d’une nation et d’un état.

    Bachir Karim

    12 h 14, le 04 décembre 2019

  • Belle lettre au demeurant. Il faut une nouvelle constitution, pas un nouveau gouvernement.

    TrucMuche

    12 h 13, le 04 décembre 2019

  • L'hôpital qui se fout de la charité.

    Tanzim Champollion

    11 h 56, le 04 décembre 2019

  • Cette lettre ouverte, sera ignorée, comme le cri du peuple, pourtant, le président a une opportunité historique de profiter de ce soulèvement et d'écrire l'histoire de notre nouveau Liban par le peuple, lui qui vient du peuple et n'appartenait pas au sérail... la rupture entre les libanais et le système politique clanique, la ligne tracée par les manifestants, cet élan qui refuse le confessionalisme , le clientélisme, la présence des milices armées, qui réclame la vraie indépendance du Liban. Hélas, vous ne le ferais pas, car, vous faites parti du système. Mr le président je vous en supplie il est encore temps ne restez pas isolé dans votre tour d"argent. l'occasion est trop belle saisissez la. on peut toujours espérer.....

    Élie Aoun

    10 h 56, le 04 décembre 2019

  • Excellente lettre Samy. Mais le président n'écoute que son gendre. Ils finiront tous les 2 dans les abîmes de l'histoire.

    Achkar Carlos

    10 h 50, le 04 décembre 2019

  • Lettre ouverte juste dressant le bilan désastreux des 3 premières années de la présidence de Michel Aoun et de son gendre .

    Tabet Ibrahim

    10 h 48, le 04 décembre 2019

  • Jolie lettre, qui ne sera probablement lue qu'à moitié hélas. les tenants de ce système politico-mafieux ne peuvent rien réformer. Autant demander a Bashar Assad ou aux Irakiens de réformer. Mais das d'inquietudes ! L'Iran et la Chine viendront à notre secours et nous aurons des rivières de lait et de miel...puisque le Sayyed l'a dit pardis !

    Lebinlon

    10 h 17, le 04 décembre 2019

  • L'évidence même, mais ce président a déjà prouvé son incapacité à gérer la crise. Malheureusement, il n'est pas l'Homme qu'il nous faut présentement.

    Tabet Karim

    09 h 34, le 04 décembre 2019

  • LETTRE -SI LUE- CAR CERTES ELLE NE L,EST PAS, SON CONTENU EST ENTRE D,UN OEIL ET SORTI DE L,AUTRE. VAINE PEINE. ON NE LIT NI ON N,ENTEND QUE PAR GENDRE INTERPOSE ET CE QUE CE DERNIER SERT.

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    09 h 11, le 04 décembre 2019

  • Des lettres de ce genre ne peuvent pas cacher qu'il devrait balayer devant sa porte ou devant le palais familial .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 05, le 04 décembre 2019

  • Excellent résumé de la situation, mais un prêche dans le désert. Comment l'écouterait-il, celui qui refuse d'entendre le cri de deux millions de ses concitoyens?

    Yves Prevost

    07 h 08, le 04 décembre 2019

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