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Moyen Orient et Monde - Vatican

François et la diplomatie de la périphérie

La politique du pape est simple : il ne suffit pas d’attendre que les gens viennent, il faut aller vers eux, affirme le nonce apostolique au Liban, Mgr Joseph Spiteri.

Le pape François se penche pour saluer des fidèles venus assister à la messe à Tokyo, le 25 novembre 2019. Remo Casilli/Reuters

Il s’agissait du 32e déplacement à l’étranger du pape François. Cette nouvelle tournée asiatique du 20 au 26 novembre l’a emmené en Thaïlande et au Japon, deux pays où la communauté catholique est petite. En Thaïlande, elle constitue à peine 0,6 % de la population, moins de 400 000 personnes. Dans l’archipel nippon, sur une population totale de 126 millions d’habitants, on compte 440 000 catholiques japonais.

« La diplomatie du pape François est le résultat de sa pensée générale depuis qu’il est arrivé au Vatican. Il voit sa mission comme un apôtre qui doit aller à la rencontre de la périphérie de son Église. Il a ainsi appelé l’Église à ouvrir ses portes et accueillir tout le monde. Or il ne suffit pas d’attendre que les gens viennent, il faut aller vers eux », explique le nonce apostolique au Liban, Mgr Joseph Spiteri, à L’Orient-Le Jour.

Pour le pape, les marges sont aussi importantes que le centre. Et ce pour plusieurs raisons. « D’abord il faut s’intéresser à ceux qui sont dans le besoin, de la population et de la société. Ensuite, il faut découvrir la vie qui existe dans ces environnements, ce qui donne une autre vision de la réalité de l’Église », précise Mgr Spiteri.

La politique du Saint-Père est donc simple : porter le centre vers la périphérie et inversement. « La diplomatie du Vatican est donc la traduction matérielle de ce concept théologique d’action pastorale. L’idée principale vient donc de la volonté du pape d’être dans l’action, et non pas d’être différent. Il est convaincu par cette mission », précise le nonce.

Il ne s’agit pas uniquement d’une idée philosophique ou théologique. Le souverain pontife l’applique sur les terrains, non seulement diplomatique, mais pastoral et administratif. François s’intéresse aux communautés chrétiennes marginalisées, aux minorités, mais aussi aux migrants et aux réfugiés.

On comprend ainsi mieux le sens des visites du pape au Bangladesh, en Birmanie, aux Émirats arabes unis, au Maroc, en Azerbaïdjan, en Bulgarie, à Madagascar, et aujourd’hui en Thaïlande et au Japon. Son tout premier voyage a été à la petite île méditerranéenne de Lampedusa, qui est un symbole, parfois oublié, à la fois du drame mais aussi de l’espoir des milliers de migrants qui y échouent annuellement.


Diplomatie efficace

Depuis Jean-Paul II, la diplomatie du Vatican est considérée comme l’une des plus efficaces au monde. De près de 70 nonciatures à travers le monde au début du pontificat du pape polonais, elles sont maintenant 183. Le Vatican a des relations diplomatiques établies avec presque tous les pays du monde, sans oublier les missions permanentes auprès des institutions internationales.

Historiquement, la diplomatie du Vatican diffère d’un pape à un autre. À l’époque de Jean-Paul II, plusieurs controverses avaient éclaté, concernant l’appui du souverain pontife à des dictatures, notamment en Amérique latine, pour former un barrage contre l’expansion communiste. Pour Mgr Spiteri, « les situations politiques changent et continuent de changer à travers le monde. Ce n’est pas une question de combattre l’extrême droite ou l’extrême gauche ». « Jean-Paul II venait d’un pays qui a autant souffert du nazisme que du communisme athée. Il est donc réducteur de dire qu’il a uniquement lutté contre le communisme, qui était considéré à cette époque comme une vraie menace contre l’Église. Jean-Paul II a combattu ces deux idéologies », précise le prélat.

Le nonce apostolique précise par ailleurs que tous les papes ont pour but principal l’annonce de l’Évangile. « Aujourd’hui, François vient de l’Amérique latine. Il a d’autres sensibilités. Il connaît bien la situation dans ces pays de l’intérieur. Et le monde a changé aussi. »

La ligne directrice de tous les papes reste l’annonce de la Bonne Nouvelle. Et la problématique actuellement du pape argentin est comment le faire dans un monde sécularisé, très matériel et où la spiritualité disparaît. D’où la capacité de François à trouver des valeurs communes autour desquelles on peut tous dialoguer, comme l’écologie, la défense des droits humains et des libertés fondamentales. Le meilleur exemple ? La publication de l’encyclique Laudato si’ qui traite des problèmes environnementaux et qui a reçu d’excellentes réactions dans les milieux chrétiens, politiques et scientifiques de par le monde. « À partir de ces valeurs, on peut discuter avec ceux qui ont des religions différentes, mais aussi avec ceux qui n’en ont pas », dit Mgr Spiteri.


(Lire aussi : L’arme nucléaire est « un crime » et la dissuasion erronée, dénonce François)

Diplomatie de la patience

Pierre Maurel, un ancien ambassadeur de France au Saint-Siège, parle de la diplomatie du Vatican comme d’une diplomatie de la patience. « Le Vatican ne lâche jamais, même quand les autres puissances abandonnent. Et quand tout le monde quitte un pays, à cause de la guerre par exemple, les nonces restent sous les bombes. On l’a vu en Irak et plus récemment en Syrie. » Les nonces ont ainsi un rôle de témoignage et de solidarité avec les personnes qui restent dans ces pays.

La patience du Vatican s’illustre aussi par sa relation avec la Chine, un pays où il a fallu attendre longtemps avant qu’une solution au problème des évêques catholiques ne soit trouvée grâce à la diplomatie du pape François. « Aujourd’hui, à cause de cet accord (signé en septembre 2018), ces évêques sont tous en communion avec Rome, alors qu’ils étaient auparavant en dichotomie entre une Église souterraine et une Église nationale. Le souci principal du Vatican est de ne plus avoir une communauté catholique fracturée et divisée. Ces discussions ont permis au gouvernement chinois de mieux comprendre l’idée fondamentale de la communion des évêques dans l’Église. Ce n’est pas une question de proposer des noms ou d’imposer des évêques. Cette compréhension est en outre réciproque. Elle a permis au Vatican de comprendre la situation particulière de la Chine. Cela ne signifie pas que nous ayons trouvé des solutions à tous les problèmes », précise Mgr Spiteri.


Diplomatie critiquée

Malgré son action en faveur du dialogue et de la paix, le Vatican fait face toutefois à des critiques acerbes. La diplomatie du Saint-Siège semble avoir deux visages. D’une part, une approche humaniste avec la défense des droits de l’homme et de l’environnement, la recherche de la justice et de la paix, et d’autre part, une politique sociale très conservatrice concernant la sexualité, le sida, l’homosexualité, qui font que le Vatican s’allie aux dictatures et aux théocraties musulmanes pour faire valoir ses positions. « Il y a certaines valeurs qui sont fondamentales pour l’Église, concernant notamment la vie (et l’avortement), le mariage et la famille. Il est donc normal de défendre ces valeurs communes avec d’autres religions dans les institutions internationales. C’est pour l’Église le même combat que pour les personnes âgées délaissées, les handicapés… » précise le nonce.

Le Vatican a également été attaqué pour ses liens présumés avec certains gouvernements autoritaires. Jean-Paul II avait été critiqué pour ses visites dans certains pays d’Amérique latine, comme cité précédemment. François pour ses contacts avec certains pays arabes, comme le Maroc, les Émirats arabes unis ou la Chine. « Dans la diplomatie, on cherche toujours à maintenir le contact. C’est une de ses raisons principales. Pour le Saint-Siège, ce qui est important, c’est la communauté catholique présente dans chaque pays. C’est notre devoir de les aider. Pour le faire, on doit traiter avec les autorités de ces pays », insiste Mgr Spiteri, avant de demander : « Dans quel pays au monde il n’y a pas des violations des droits humains ou des discriminations ? »

Chrétiens d’Orient

En Thaïlande, la semaine dernière, la visite de François a été axée sur le dialogue interreligieux dans ce pays à majorité bouddhiste, où là aussi les catholiques sont très minoritaires. Toutefois, la véritable ouverture de François a été vers le monde musulman. Le pape a beaucoup visité des pays musulmans : le Bangladesh, la Turquie, les Émirats, le Maroc, l’Égypte, l’Azerbaïdjan…

C’est dans ce contexte de dialogue interreligieux que vient le rôle des chrétiens d’Orient qui subissent violences et discriminations. « La réponse (au problème) se trouve dans le document sur la fraternité humaine d’Abou Dhabi : c’est le dialogue. Il faut donc œuvrer ensemble pour réaliser cette fraternité. C’est la possibilité de considérer chaque personne comme frère ou sœur. Ce n’est pas une vision idéaliste », estime Mgr Spiteri. Elle doit être traduite dans le contexte régional, sur les plans légal, social, éducatif et politique de chaque pays.

Ensuite, il faut œuvrer pour faire aboutir le concept de citoyenneté. « C’est grâce à elle qu’on peut sortir des crises identitaires qui secouent la région. Il faut bâtir une société fondé sur l’égalité de tous les citoyens au-delà de leur appartenance communautaire », ajoute-t-il. « C’est d’abord à nous les chrétiens de donner cet exemple, cette possibilité de vivre ensemble », conclut le nonce.


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commentaires (2)

Nous attendons donc Sa Sainteté au plus tôt chez nous au Liban , c'est urgent !

Chucri Abboud

11 h 53, le 29 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • Nous attendons donc Sa Sainteté au plus tôt chez nous au Liban , c'est urgent !

    Chucri Abboud

    11 h 53, le 29 novembre 2019

  • Notre Pere

    Eddy

    11 h 38, le 28 novembre 2019

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