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Culture - Musique

Donna Khalifé, la liberté guidant sa voix

Le 18 novembre au soir, l’artiste présentait à Metro al-Madina son deuxième album « Hope is the thing with feathers », composé de créations et d’adaptations. Neuf titres qui coïncident avec l’espoir d’une nation rêvée.

La chanteuse, compositrice, arrangeuse et contrebassiste Donna Khalifé lors de son concert au Metro al-Madina. Photo Sally Mire

En 2015, quand Donna Khalifé rentre au Liban pour s’y installer après 12 ans d’absence, la chanteuse, compositrice, arrangeuse et contrebassiste prend très vite conscience de la « décadence du pays », de l’injustice, et du chaos qui y règnent et surtout de « l’indifférence des Libanais face à tout cela ». « Je n’aimais plus ni mon peuple ni mon pays. Et pourtant, dit-elle, j’étais convaincue d’avoir fait le bon choix pour ma carrière. Alors à défaut de pouvoir modifier le monde extérieur, je décidais de changer l’intérieur et de faire un travail sur moi afin d’arriver à percevoir du positif. » En mars 2017, elle sort son premier album : Heavy dance, un album, dit-elle avec beaucoup d’improvisations libres, mais beaucoup d’écrits aussi. « Elle s’entoure de musiciens français avec lesquels elle avait déjà collaboré et de Khaled Yassine comme batteur. Donna Khalifé n’avait pas prévu la révolution et hésite de maintenir le lancement de son second album Hope is the thing with feathers dont le titre est inspiré d’un poème d’Emily Dickinson. » Je finis par réaliser que ce qui animait ma voix était le vrai, la spontanéité et ce sentiment d’espoir. Je n’étais pas hors-sujet et composait parfaitement avec la révolution. Pour la première fois depuis longtemps, j’étais fière d’être libanaise. Tantôt dans la rue et tantôt en train de composer, mon cœur est aujourd’hui plein d’amour à partager. La France m’a beaucoup appris, mais le Liban me fait grandir. Je revendique avec espoir tous nos droits et ne regrette à aucun moment mon retour au pays. 


J’étais la mémoire de mon père

C’est dans une ambiance musicale, de jazz, de classique et quelques relents de musique internationale que Donna Khalifé a grandi. Lorsque son père, musicien autodidacte, s’installait pour créer une composition, il comptait sur la mémoire de sa fille et sur son ouïe pour les répétitions. Elle avait dix ans à peine et mémorisait tous les rythmes afin de lui donner un coup de main (ou un coup d’oreille !). Donna aimait la musique et aimait chanter, mais subit de 7 à 12 ans, comme des milliers d’enfants avant et après elle, les leçons de piano et les professeurs revêches et sévères, jusqu’à l’âge de la rébellion (dire que cela correspond à l’adolescence serait un pléonasme). Elle décide de s’essayer à la guitare, écoute Joan Baez et Bob Dylan en boucle, regarde et mémorise le concert de Woodstock plus d’une cinquantaine de fois. Quand à 17 ans, à chaque retour d’université, elle se réconcilie avec son piano, et recommence à flirter avec les touches, elle a déjà un rêve : diriger un orchestre. Des allers-retours sans cesse pour écouter l’Orchestre philharmonique du Liban à l’œuvre confirmera son désir ardent. « Comme des milliers d’enfants qui rêvent d’être médecins, pilotes ou architectes, j’ai peut-être rêvé d’être égyptologue, ou de faire de l’audiovisuel pour filmer les orchestres, mais la musique était plus forte que tout. »

Après une année passée à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, elle part pour la France et y résidera douze années durant lesquelles elle étudie la direction orchestrale, accumule les diplômes de conservatoire en conservatoire (Boulogne, Conservatoire régional de Paris et Conservatoire d’Evry) jusqu’à rencontrer un prof de jazz et intégrer, ainsi, la classe de jazz d’Evry. « Matières théoriques, harmonies, contrepoints, orchestrations, plus j’étudiais plus je mettais le doigt sur ce que je voulais faire. »

L’improvisation réfléchie

À 35 ans, Donna Khalifé embrasse une carrière de jazziste à la hauteur de ses rêves d’enfant. Elle signe son second album CD réalisé avec les musiciens Fouad Afra (batterie), Raffi Mandalian (guitare), Arthur Satian (piano Rhodes), Philippe Lopes de Sa (saxophones) et le quartet suédois Vindla String Quartet, autour des thèmes de la beauté, de la nature, de la poésie et de l’espoir. « Un album qui m’a accompagnée dans une phase de ma vie où j’ai ressenti l’urgence de me rapprocher des gens en général et de ceux que j’aime en particulier. » L’artiste se produit dans les « jazz venues » « qui sont, avoue-elle, de plus en plus nombreuses à Beyrouth », elle enseigne et dirige un ensemble vocal fait d’amateurs et répartis en deux groupes et différents répertoires. Donna Khalifé aime le flamenco, la poésie, marcher dans la nature et cueillir des fleurs. À propos du jazz, elle confie : « Il faut savoir que le jazz, c’est un peu d’écriture mais beaucoup d’improvisation, mais une improvisation qui se travaille bien plus que l’écrit. C’est pareil à un moule dans lequel on travaille. On y improvise à l’intérieur et on s’octroie des digressions libres. » Et d’ajouter : « Sur scène, je fais les deux : j’ai deux micros et une pédale, c’est comme si le vocabulaire musical choisi était dans mes poches et pareil à un prestidigitateur qui décide de sortir un mouchoir ou un pigeon, je sors le vocabulaire musical que je trouve adéquat. Tout dépend de mes musiciens, de mon humeur et du public. »

L’écriture de Donna Khalifé est faite de vécu et de rêves, sa voix qu’elle laisse naviguer en liesses virevoltantes ou en gravité déconcertante est souvent son instrument principal. Pour elle, le timbre, le souffle et la voix sont aussi importants que les mots, ils sont l’âme profonde qui s’exprime, sans frontières.

En 2015, quand Donna Khalifé rentre au Liban pour s’y installer après 12 ans d’absence, la chanteuse, compositrice, arrangeuse et contrebassiste prend très vite conscience de la « décadence du pays », de l’injustice, et du chaos qui y règnent et surtout de « l’indifférence des Libanais face à tout cela ». « Je n’aimais plus ni mon peuple ni mon pays....

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