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Liban - Conférence

« La démocratie citoyenne participative » en débat à l’USJ

Le panel sur la situation libanaise : Ziyad Baroud, Georges Corm, Ghassan Moukheiber, Amani Salamé et Karim Daher, avec Pascal Monin à la tribune.

En dépit du fait que l’université ne donnait pas de cours jeudi, les étudiants sont venus nombreux à l’USJ pour assister à une conférence exceptionnelle organisée par le directeur de l’Observatoire de la fonction publique et de la bonne gouvernance, le Pr Pascal Monin. Il est vrai que le sujet est devenu particulièrement d’actualité avec le mouvement de protestation populaire qui a commencé le 17 octobre. Les jeunes et les moins jeunes ont donc soif d’écouter l’avis des spécialistes pour tenter de mieux comprendre ce qu’il faut encore faire pour préserver les acquis de ce que les professeurs qui se sont exprimés hier ont appelé « l’élan citoyen ».

Le Pr Monin a d’ailleurs qualifié ce que les Libanais vivent depuis 29 jours d’« historique et exceptionnel ». Beaucoup de choses ont été dites hier sur le thème « Démocratie en crise, démocratie en mutation : de la défiance populaire à la participation citoyenne ». Mais le clou de ce colloque qui a duré toute une journée a été la conférence de l’après-midi portant sur la situation libanaise et sur la véritable participation citoyenne. Un panel prestigieux formé de l’ancien ministre Ziyad Baroud (modérateur), du Pr Georges Corm, de l’ancien député Ghassan Moukheiber, de la présidente du Club des juges Amani Salamé et de Me Karim Daher de l’Aldic (Association libanaise pour la défense du contribuable) s’est donc exprimé sur la question pour faire un constat déprimant de la situation de l’État et de ce qui a été appelé « l’oligarchie confessionnelle corrompue de façon systémique ». Un panel qui a aussi lancé un formidable message de foi et d’espoir suite au mouvement populaire qui est en quelque sorte la concrétisation de cette fameuse démocratie participative que les démocraties modernes cherchent à établir. L’ancien ministre Ziyad Baroud a d’ailleurs souligné le fait que lorsque la préparation de ce colloque a commencé, le mouvement populaire n’avait pas encore eu lieu. Mais il prend aujourd’hui une tout autre signification, puisque ce qui pouvait n’être que de la théorie est en train de devenir réalité, avant d’ajouter : « Il arrive que les rêves se réalisent ! »

Le Pr Georges Corm a développé le thème de la participation citoyenne au niveau local, insistant sur le fait qu’elle dépasse les collectivités locales. Mais il faut, pour la réaliser, adopter une décentralisation fiscale et alléger ainsi la tutelle du ministère de l’Intérieur sur les municipalités. Selon lui, elle comporte des avantages comme celui de l’apprentissage de la démocratie et du contrôle par les citoyens du bon usage des dépenses, mais en même temps, elle peut favoriser la corruption, notamment à travers la mainmise des notables locaux et des partis politiques sur les fonds municipaux. Il a précisé qu’il y a 1 047 municipalités au Liban, dont la plupart n’ont pas beaucoup de moyens. C’est pourquoi il serait bon de transformer la Caisse autonome des municipalités en une véritable banque et de créer un ministère des Collectivités locales et de l’Environnement.



(Lire aussi : Raisons et horizons du sursaut libanais)



Participation citoyenne
Ghassan Moukheiber a évoqué, pour sa part, son expérience en tant que « législateur », précisant que trois lois ont été votées dans le domaine du renforcement de la démocratie participative : la loi sur l’accès à l’information, la loi sur la protection des lanceurs d’alerte et la loi sur l’instance autonome et indépendante pour la lutte contre la corruption. Il a aussi évoqué une stratégie nationale pour la lutte contre la corruption et la loi sur la déclaration des avoirs et sur l’enrichissement illicite. Mais il a précisé à ce sujet que c’est leur application et parfois des dispositions particulières qui neutralisent leur résultat.

Par exemple, la loi sur la déclaration des avoirs remonte à 1953 et la déclaration est secrète. C’est ainsi qu’il y a à la Banque du Liban 74 000 déclarations d’avoirs qui sont dans des enveloppes fermées qui n’ont jamais été ouvertes...

Selon Ghassan Moukheiber, la participation citoyenne est partie intégrante de la démocratie et elle doit être continue, c’est-à-dire qu’elle ne se limite pas aux élections législatives. Il reconnaît toutefois que jusqu’à récemment, son travail ne donnait pas beaucoup de résultats car il était minoritaire dans un système d’oligarchie communautaire corrompue de façon systémique et que les législations ressemblaient à un récipient dont le fond était troué et qu’il était contraint à procéder à des « réformes furtives ». Mais avec la révolte qui a commencé, tout cela est en train de changer, notamment le sentiment blasé qui paralysait toute action de fond. Ce thème a d’ailleurs été repris par la juge Amani Salamé, présidente du Club des juges qui s’est imposé au sein du corps de la magistrature, en luttant notamment contre les contraintes du droit de réserve. Reprenant la citation selon laquelle « la tyrannie d’un prince dans une oligarchie n’est pas aussi dangereuse que l’apathie du citoyen dans une démocratie », elle a ainsi insisté sur le rôle du juge dans le renforcement de la démocratie. Il doit, selon elle, avoir une image indépendante, impartiale et honnête, mais en même temps, il ne peut pas être privé de la liberté de s’exprimer sous couvert du devoir de réserve. Il faut donc redéfinir ce devoir de façon à lui permettre de s’exprimer sur les questions d’intérêt public. « Indépendance toujours, neutralité jamais », a-t-elle dit en guise de conclusion.

Me Karim Daher a quant à lui consacré son intervention au civisme fiscal, sachant qu’il a longtemps fait défaut aux Libanais, pour de nombreuses raisons, dont la faiblesse des services publics, l’iniquité verticale et horizontale des lois d’imposition et le manque d’une culture de l’État, sans parler de ce qu’il a appelé « la culture de la malignité ». Pourtant, payer ses impôts, c’est rendre des comptes pour pouvoir ensuite demander des comptes. De même, le fait de ne pas payer des impôts réduit les ressources financières de l’État et on se retrouve dans un cercle vicieux. L’État devient fragile et failli et le Fonds monétaire international propose alors ses solutions... Aujourd’hui, tout ce système est remis en cause. Les citoyens revendiquent leurs droits, un gouvernement de technocrates avec des pouvoirs exceptionnels pour ne plus avoir à passer par le Parlement devenu illégitime. Pour conclure, il a repris une phrase de Winston Churchill qui disait : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, alors qu’un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. »



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