Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Mode/manif

Dans le vestiaire de la révolution

Les sans-culottes portaient des pantalons, les maoïstes des vareuses, les baby-boomers de mai 68 avaient encore les costumes-cravates de leur éducation bourgeoise avant d’adopter les « flairs », cheveux longs et talons de la culture hippie. Chaque révolution sécrète ses propres codes. À quoi ressemblent les jeunes Libanais de la manif ?

Jeans, tee-shirts, foulards, masques, drapeaux libanais, la tenue de la Libanaise qui manifeste. Photo Alain SAUMA

Le tee-shirt

Ce vêtement universel, bon marché, frais et confortable, s’impose de lui-même. Le plus souvent en version marcel, il domine la scène, porté par 90 % des manifestants avec une dominante de rouge et de blanc. Le tee-shirt est surtout un bon support pour les divers slogans. Même si parfois, de manière plutôt incongrue, il n’affiche (surtout au féminin) que le logo souvent faux d’une marque de luxe, il permet aux protestataires d’exprimer leurs revendications qui, par leur diversité, partent évidemment dans tous les sens, preuve que cette révolution est surtout le fait d’individus et non de groupes dirigés. Chacun est ainsi sa propre pancarte et affiche son propre style. Guerrier, kaki ou noir pour les garçons, sexy pour les filles, le tee-shirt incarne la visibilité individuelle au sein de la foule. En coton, il est cependant déconseillé en cas de gaz lacrymogène du fait qu’il absorbe les matières irritantes. Il est donc recommandé aux émeutiers de privilégier le nylon. Mais de ce flot de simples citoyens en colère, la violence n’est pas vraiment de mise, et l’ambiance est surtout à la fête et à la célébration de la fraternité retrouvée. Le tee-shirt à lui seul, qu’il affiche des slogans disparates ou partisans, qu’il soit en coton ou en nylon, permet de distinguer les appartenances, les opinions et les intentions des manifestants.

Le foulard

Il est présent sous toutes les formes, soit pour masquer le visage contre la photographie sauvage et/ou pour se protéger des fumées et autres émanations toxiques, soit en ceinture ou en bandeau autour du front ou encore débordant d’une poche arrière. Le foulard est lui aussi un support de protestation. Certains portent un bandana sans savoir, peut-être, que ce carré de coton imprimé de motifs cachemire, créé à Glasgow au début du XIXe siècle et importé en Amérique par les colons espagnols, a été tour à tour adopté par la Révolution américaine, les cow-boys et les paysans et ouvriers, notamment les mineurs qui le préféraient en rouge et dont il devint l’emblème. À part le bandana, on verra évidemment une abondance de drapeaux libanais portés en écharpe ou en turban, le cèdre au milieu du front. D’autres foulards sont personnalisés avec des slogans, le plus souvent exprimant le dégoût. On ne sera pas surpris de la présence du keffieh, symbole de l’appartenance arabe, mais surtout de la révolte palestinienne. Le foulard, dans toutes ses déclinaisons, est le plus bavard des bouts de chiffon.

Le jeans, le track-suit et le pantalon de yoga

Le jeans est lui aussi une évidence. Son tissu robuste est à lui seul une armure en cas de chute ou d’agression. Mais il est le plus souvent porté déchiré, indice de rébellion, entre usure et expérience, sans négliger un petit côté aguicheur du fait qu’il laisse de larges parcelles de peau à nu. Pour la palette, on retiendra le classique bleu denim, le noir et l’imprimé militaire de circonstance. Le survêtement, souvent dépareillé, affiche l’identité sportive de celui qui le porte sans oublier de rappeler la récupération de cette tenue dans l’univers carcéral dont elle est devenue indissociable. Le pantalon de yoga, qui a envahi le paysage urbain ces dernières années, est souvent reproché aux femmes comme un signe de négligence et de manque d’élégance. Dans la foule de la manif, il signale au contraire souplesse et réactivité, ajoutant un côté félin à ceux et celles qui le portent.

La tenue de danseuse

Sur le plus ou moins d’un million de protestataires, on n’en a vu qu’une seule, et sa prestation aura duré moins d’une minute. Mais la danseuse a offert aux détracteurs de la manif un argument cruel pour la décrédibiliser. Jusqu’où peut aller la fête dans ce genre de circonstance ? Certes, nous sommes les « déprimés les plus joyeux de la planète », comme l’indique un slogan, mais on pourrait prendre les manifestants au mot et les laisser macérer dans leur dépression heureuse.

Les masques, Guy Fawkes et Joker

Le masque doré d’un manifestant immortalisé par une très belle photo de Roger Moukarzel montre bien le parti pris d’anonymat d’un grand nombre de jeunes et ajoute un symbole fort à un mouvement qui se veut avant tout transversal, rejetant sexisme, sectarisme et communautarisme. Le masque le plus répandu est celui de Guy Fawkes, exhumé et rendu célèbre par la bande dessinée V for Vendetta de David Lloyd. Adaptée au cinéma en 2006, cette série raconte l’histoire d’un révolté, « V », qui, pour provoquer le changement, engage de son propre chef un combat vengeur contre le régime fasciste et sa milice, « le Doigt », d’une ville dystopique dont le cadre est londonien. Ce personnage porte le masque de Guy Fawkes, un conspirateur qui a tenté, le 5 novembre 1605, de faire sauter le Parlement britannique et d’assassiner le roi Jacques Ier. L’attentat raté est encore commémoré chaque année en Grande-Bretagne lors de la Bonfire Night. Le masque de Guy Fawkes est fréquent dans les manifestations européennes depuis plusieurs années, notamment celles des mouvements Occupy et Anonymous.

Le Joker, ramené sur la scène publique par le film éponyme en salle au Liban, est évidemment l’ennemi de Batman incarné dans sa dernière version par Joaquin Phoenix. Ce marginal, méprisé, employé dans une société de clowns, va devenir un tueur public redouté de tous. Son maquillage de clown se prête aux couleurs du drapeau libanais. Visage blanc, nez rouge, et les losanges des paupières remplacés par du vert au lieu du bleu initial. Oui, les laissés-pour-compte peuvent devenir dangereux pour la société comme pour le régime. Le message est clair, même s’il est encore ludique. Sortir de ces codes, c’est déjà se distinguer. Rares seront dans cette manifestation les femmes en robe et les hommes en chemise. Clairement, elle appartient à une génération qui n’a pas connu la guerre et qui, en majorité, rejette le suivisme partisan et sectaire de ses parents. Si ses revendications sont disparates, son identité est une, tournée comme toutes les révoltes vers l’espoir d’un avenir meilleur et d’un Liban débarrassé des cloisonnements qui favorisent la corruption.

Le tee-shirtCe vêtement universel, bon marché, frais et confortable, s’impose de lui-même. Le plus souvent en version marcel, il domine la scène, porté par 90 % des manifestants avec une dominante de rouge et de blanc. Le tee-shirt est surtout un bon support pour les divers slogans. Même si parfois, de manière plutôt incongrue, il n’affiche (surtout au féminin) que le logo...

commentaires (2)

CHACUNE ET CHACUN DESCEND DANS LA RUE AVEC LES VETEMENTS QUE SA CONDITION ECONOMIQUE LUI PERMETTE. CE QUI COMPTE C,EST QUE TOUTES ET TOUS, TOUTES CONFESSIONS CONFONDUES, SONT DESCENDUS SOUS LE DRAPEAU LIBANAIS ! UNE PREMIERE !

LA LIBRE EXPRESSION

01 h 36, le 23 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • CHACUNE ET CHACUN DESCEND DANS LA RUE AVEC LES VETEMENTS QUE SA CONDITION ECONOMIQUE LUI PERMETTE. CE QUI COMPTE C,EST QUE TOUTES ET TOUS, TOUTES CONFESSIONS CONFONDUES, SONT DESCENDUS SOUS LE DRAPEAU LIBANAIS ! UNE PREMIERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 36, le 23 octobre 2019

  • le seul vètement de circonstance :le drapeau libanais!J.P

    Petmezakis Jacqueline

    00 h 21, le 23 octobre 2019

Retour en haut