Les larmes de Lourdes

Lourdes est une petite fille qui a versé des larmes précieuses mercredi soir. C’est une gamine qui souffre depuis pas mal de temps de ce dont beaucoup de nos enfants souffrent sur les bancs de l’école. L’émission de Malek Maktabi, Ahmar bel khat el-aarid, sur la LBCI, a reçu mercredi soir sur le plateau, dans un décor féerique de ballons multicolores, des enfants aux interventions touchantes, pertinentes et surtout précoces. Mais ce sont les larmes de Lourdes qui ont fait la différence. En recevant Lourdes, Malek Maktabi a réussi à mettre le doigt sur la plaie. Non seulement au Liban, mais partout ailleurs, nos enfants souffrent en silence de leurs différences, sur les bancs de l’école et dans la cour de récréation : un ou deux points de plus à la taille, un appareil dentaire, un accent prononcé, des lunettes, une lenteur, une timidité, une hypersensibilité, un talent, une faiblesse, un statut social jugé inférieur, une tendance à être marginalisé, une maladie, un divorce des parents, une tenue vestimentaire originale, des chaussures bon marché, des accessoires bas de gamme, un sac à dos, une voiture cabossée ou ancienne, un teint plus foncé ou plus clair, une religion, une tradition, une langue, tout peut justifier une moquerie qui se transforme rapidement en un cauchemar quotidien.

L’école semble être l’un des environnements les plus violents et les plus traumatisants, et Lourdes l’a si bien décrit en quelques mots : « Je n’aime pas l’école car mes camarades me blessent et me traitent d’obèse. » Et avec toute son innocence dans sa petite robe de couleur rose elle les appelle toujours par « mes camarades ». Sa candeur était touchante surtout lorsqu’elle évoque les quolibets et autres humiliations dont elle est la cible du fait du travail de sa mère. « C’est la première fois que je le dis ; je n’ai d’ailleurs même pas dit à maman qu’ils se moquaient de son travail. » Malek Maktabi lui demande alors : « Que fait maman? » Lourdes lui répond sans ciller : « Elle fait le ménage à l’école. » Lourdes finit par pleurer et ses larmes n’étaient pas sans raviver des souvenirs douloureux dans le cœur de tous ceux pour qui le parcours scolaire ne fut pas évident pour une raison ou pour une autre. Le programme télévisé a semblé être salvateur dans un sens où il propose un regard différent, celui de la tolérance et de l’acceptation de l’autre sans se soucier de ses différences. Accepter l’autre dans sa totalité sans le juger et sans l’amoindrir mais en le guidant et lui proposant une aide à un problème qu’on aurait remarqué tout comme le journaliste qui a gentiment proposé à Lourdes de faire du sport. Malek Maktabi a fait preuve de professionnalisme durant son émission car il est de loin plus difficile de faire face à un enfant dans toute sa spontanéité et sa fraîcheur qu’à un adulte chevronné. Mercredi soir, petits et grands ont témoigné de la gravité des dégâts laissés par l’humiliation. Ils ont appris également avec Lourdes comment respecter les valeurs humaines et morales en toute personne indépendamment de tout autre facteur.

Ahmar bel khat el-aarid, mercredi après le journal télévisé de 20h00 sur la LBCI.