C’est un important appui arabe que le Premier ministre Saad Hariri a reçu lors de sa dernière visite officielle aux Émirats arabes unis, clôturée hier. En témoignent bien entendu les investissements promis au Liban, mais aussi et surtout la levée par Abou Dhabi de l’interdiction de voyage au Liban, imposée depuis février 2016. Une annonce qui en principe devait s’inscrire dans le cadre d’une série de « bonnes nouvelles » auxquelles M. Hariri avait fait allusion à plusieurs reprises. Sauf que, contrairement aux attentes, aucune autre « bonne nouvelle » n’a été annoncée hier.
La visite de M. Hariri aux Émirats intervient à quelques semaines de son déplacement en Arabie saoudite, prévu en principe, selon des sources haririennes contactées par L’Orient-Le Jour, à la fin du mois. La visite officielle à Abou Dhabi intervient ainsi dans le cadre d’un « come-back » politique et économique arabe au Liban. Celui-ci devrait tourner définitivement la page des secousses que les relations libano-arabes ont subies ces dernières années, pour des raisons politiques liées à ce que les pays du Golfe perçoivent comme « l’emprise du Hezbollah sur l’État libanais et sa décision souveraine ».
Perçu sous cet angle, le retard mis à annoncer le reste des « bonnes nouvelles » promises aux Libanais est à même de susciter des interrogations autour d’éventuelles conditions que le Liban devrait remplir afin de bénéficier des aides qu’il attend de la part de ses partenaires, notamment pour ce qui est du règlement de l’épineuse question de l’arsenal illégal du Hezbollah, ainsi que la mise sur pied d’une stratégie nationale de défense et l’importance pour Beyrouth de s’attacher à la politique de distanciation du pays par rapport aux conflits régionaux. D’ailleurs, le chef de l’État Michel Aoun s’était engagé, peu avant les dernières législatives de mai 2018, à présider un dialogue national consacré à ce dossier après le scrutin. Mais il n’a pas donné suite.
Interrogé par L’OLJ, un proche de Baabda souligne que « plusieurs changements significatifs ont été observés sur le terrain depuis la tenue du dernier débat consacré à la stratégie de défense, notamment la guerre en Syrie, pour ne citer que cet exemple ». « Il s’agit d’éléments qui devraient être pris en considération lors de l’examen de la politique de défense. Mais en attendant, nous nous conformons à la politique de distanciation par rapport aux conflits extérieurs », précise-t-il. En face, dans certains milieux politiques, on rappelle qu’à son tour, Saad Hariri a été on ne peut plus clair en ce qui concerne la distanciation et le parti chiite. Dans une interview accordée lundi à l’agence émiratie WAM, il a déclaré sans détour : « Le gouvernement libanais a pris la décision de se distancier des conflits extérieurs et de ne pas interférer dans les affaires intérieures des pays arabes. »
Évoquant la question du parti chiite, M. Hariri n’a pas mâché ses mots : « Le Hezbollah doit être mis en cause en tant que composante d’un système régional, mais pas en tant que parti libanais. » À travers ces propos, le Premier ministre renvoyait implicitement la balle du problème suscité par le Hezbollah dans le camp de l’Iran, dont les Arabes semblent déterminés à réduire l’hégémonie dans la région.
Dans une optique strictement locale, il est évident que le Premier ministre réitérait son attachement au compromis politique conclu en 2016 avec Michel Aoun, allié de longue date du parti chiite et qui avait décroché la présidence de la République à la faveur de cette entente.
(Lire aussi : Hariri : Les Emirats nous ont promis une assistance économique)
Le feu vert de l’Arabie
Cette prise de position pragmatique, les Émiratis semblent en comprendre les motifs, surtout dans la conjoncture politique actuelle du pays, confie-t-on dans les milieux proches de M. Hariri. On souligne, toutefois, que c’est à la faveur d’efforts déployés par Hamad al-Shamssi, ambassadeur des Émirats arabes unis à Beyrouth, que ce pays a décidé de faire son come-back au Liban en investissant dans les secteurs dont le Hezbollah ne profite pas. « Une façon pour les Arabes de ne pas céder le pays à la République islamique, qui en profiterait pour y renforcer sa présence et son hégémonie », analyse un proche du Premier ministre qui croit savoir que les responsables émiratis auraient promis au Premier ministre un important dépôt bancaire à même de contribuer au redressement économique du pays.
Mais à en croire la LBCI, ce dépôt bancaire bute encore sur quelques obstacles qui font l’objet de négociations entre le Liban et les Émirats. Il s’agit surtout du taux d’intérêt – qui pourrait atteindre les 13 % – et une garantie en or qu’exigeraient les autorités d’Abou Dhabi.
Quoi qu’il en soit, on devrait attendre la visite de Saad Hariri en Arabie saoudite pour avoir le cœur net quant à un réel retour des Arabes du Golfe sur la scène libanaise, près de deux ans après l’épisode de la démission forcée du Premier ministre annoncée le 4 novembre 2017 depuis Riyad. Mais dans les cercles politiques du 14 Mars, on semble confiant que les Émirats n’auraient pas procédé à une conférence sur de futurs investissements au Liban sans le feu vert implicite de Riyad, engagé dans la confrontation avec Téhéran.
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commentaires (9)
Pourquoi une n ème aide? Qu'ont elles données les aides précédentes? Quelles poches vont elles remplir encore? Plus on a des aides et moins on voit de changement. Une fausse bonne nouvelle. De l'anesthésique pour dupes.
Citoyen
19 h 31, le 09 octobre 2019