Le débat autour de la loi électorale devrait reprendre de plus belle, lors de la réunion conjointe des commissions parlementaires mixtes prévue mercredi à la Chambre. L’occasion pour les députés de poursuivre les discussions autour de la proposition de loi présentée par le groupe parlementaire du président de la Chambre Nabih Berry, qui suscite l’opposition d’une écrasante majorité des forces politiques. Le texte en question prévoit la proportionnelle appliquée au niveau du pays tout entier transformé en circonscription unique et sans vote préférentiel. Un projet longtemps défendu par le tandem chiite, notamment le Hezbollah.
Il est vrai qu’en mai dernier, soit un an après les législatives qui s’étaient tenues le 6 mai 2018, M. Berry ouvrait très tôt le bal de la réforme du système électoral en arguant de la nécessité de plancher sur un examen profond de cette question épineuse avant le prochain scrutin prévu, en principe, en 2022. Une façon de garantir la mise sur pied d’un nouveau texte dans les délais, en dépit de tous les atermoiements habituels. Il n’en demeure pas moins que la relance des débats concernant la loi électorale est intervenue dans un contexte politique tendu, notamment le bras de fer chronique entre le mouvement Amal de M. Berry et le Courant patriotique libre fondé par le chef de l’État Michel Aoun.
Le niet chrétien
Cela fait dire à certains observateurs politiques qu’à travers sa proposition de loi électorale, le président de la Chambre tenterait d’adresser un message politique au chef de l’État, mais aussi au reste des protagonistes politiques. Selon les mêmes observateurs, Nabih Berry et, plus globalement, le tandem Amal-Hezbollah, sont conscients de l’opposition quasi générale à une mouture prévoyant la proportionnelle appliquée au Liban en tant que circonscription unique. Mais il y tient pour des raisons liées d’abord aux équilibres politiques actuels.
C’est surtout sur les partis chrétiens que les regards seront braqués mercredi, dans la mesure où ces formations, plus particulièrement le CPL, n’ont jamais caché leur attachement au texte actuellement en vigueur, axé sur la proportionnelle appliquée à quinze circonscriptions, avec vote préférentiel au niveau du caza. Dans les milieux politiques chrétiens, on se félicite du fait que cette loi a amélioré la représentation des chrétiens en leur permettant de choisir leurs députés au moyen du vote préférentiel.
C’est d’ailleurs précisément sous cet angle que le CPL aborde la question de la proposition de loi Berry. À la faveur du fameux slogan du « recouvrement des droits des chrétiens » (brandi par le CPL lors de la présidentielle de 2016 pour mener le général Michel Aoun à la première magistrature de l’État en sa qualité de leader chrétien « fort » ), le parti de Gebran Bassil entend renouveler son opposition au texte élaboré par le groupe parlementaire du mouvement Amal. « Nous n’acceptons pas que certaines communautés prennent le rôle des chrétiens et choisissent leurs représentants à leur place », déclare ainsi à L’Orient-Le Jour Eddy Maalouf, député CPL du Metn, avant de poursuivre : « Nous continuerons à afficher cette prise de position tant que nous sommes dans un pays qui obéit à un système communautaire, en attendant que soient jetées les bases d’un État laïc en bonne et due forme. »
Il est vrai qu’il n’est toujours pas question d’un lobbying chrétien contre le projet Berry. Mais les Forces libanaises convergent avec le CPL sur l’opposition à la proposition de loi pour les mêmes raisons liées à l’amélioration de la représentation des chrétiens à l’hémicycle. « La loi électorale actuellement en vigueur a constitué un bond qualitatif en matière de représentation politique et parlementaire des chrétiens. La proposition de Nabih Berry n’est qu’un pas en arrière sur ce plan », estime Fadi Saad, député FL de Batroun.
Dans une déclaration à L’OLJ, il détaille les motifs du veto de sa formation au projet Berry, soulignant que faire du Liban une circonscription unique est à même d’accentuer le déséquilibre démographique (défavorable aux chrétiens), contrairement à la nouvelle loi adoptée en 2017.
Et M. Saad de faire état de certains obstacles d’ordres technique et pratique qui entraveraient la mise en application de la proposition Berry. « Il s’agit surtout de la difficulté, voire de l’impossibilité, de former des listes regroupant 128 candidats, tout en respectant une certaine hiérarchie communautaire, sans oublier le fait que cela réduirait les chances de plusieurs candidats de remporter le scrutin. »
À son tour, Élias Hankache, député Kataëb du Metn, assure à L’OLJ que son parti s’oppose à la mouture appuyée et élaborée par Nabih Berry. « Nous sommes favorables au scrutin uninominal parce que nous voulons en finir avec les rouleaux compresseurs », précise-t-il, insistant sur la difficulté de former des listes de 128 candidats. Et de souligner que le texte qui sera soumis à examen mercredi n’est certainement pas à même d’assurer une meilleure représentation des chrétiens ».
Le PSP et le Futur aussi
Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, les formations chrétiennes ne sont pas seules à s’opposer à la proposition du président de la Chambre. Il y a aussi le courant du Futur, qui préfère attendre l’issue des débats place de l’Étoile pour se prononcer sur la question, sans pour autant exclure la thèse selon laquelle le pensionnaire de Aïn el-Tiné adresserait des messages politiques à Michel Aoun.
Un tableau sur lequel se greffe naturellement le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt. Même si cela ne saurait être interprété comme une rupture du traditionnel partenariat liant le leader de Moukhtara à Nabih Berry. Se félicitant du fait que ce dernier « ait lancé le débat sur la nouvelle législation », Bilal Abdallah, député du Chouf, rappelle, via L’OLJ, que la mouture en question « était un des projets de Kamal Joumblatt, fondateur du PSP, sous la houlette du Mouvement national qui aspirait à l’édification d’un État laïc en bonne et due forme. D’ailleurs, M. Abdallah lui-même ne manque pas de préciser qu’il « est très tôt d’appliquer la proportionnelle sur base du Liban en tant que circonscription unique avant de lancer le processus d’abolition du confessionnalisme politique et de modification du système actuellement en vigueur ».
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UN PROJET DE MAINMISE TOTALE SUR LE PAYS SOUS LA HOULETTE FAKIHISTE. VOILA DE QUOI IL EN EST QUESTION.
LA LIBRE EXPRESSION
01 h 22, le 08 octobre 2019