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Liban - Culture

Citerne Beirut contraint de fermer ses portes à l’art

Les directeurs de l’espace polyvalent ont expliqué que les locaux devaient être abandonnés fin avril 2020. N’ayant pas pu obtenir le permis nécessaire pour poursuivre leurs activités jusqu’à cette date, ils ont été obligés de mettre la clé sous la porte.

Citerne Beirut met la clé sous la porte. Photo DR

Citerne Beirut, un espace polyvalent où sont organisés des spectacles artistiques et culturels dont le festival international de danse contemporaine Bipod, est en train d’être démonté. Située sur un terrain vague à Mar Mikhaël, du côté de Bourj Hammoud, la structure métallique qui abrite cet espace devait être déménagée vers un autre site fin avril 2020, mais « faute de permis, nous avons été obligés de la démonter » dès maintenant, a annoncé hier Maqamat, la compagnie qui gère l’endroit, dans un communiqué intitulé « Au Liban, on ferme un théâtre… pour construire un incinérateur ».

« Le terrain où se situe actuellement Citerne Beirut est une propriété du Forum de Beyrouth, explique à L’Orient-Le Jour Omar Rajeh, chorégraphe et directeur artistique de Citerne Beirut et Maqamat. Nous l’avons loué pour une durée déterminée, le temps de déménager vers un autre endroit, également à Beyrouth, l’an prochain. Lorsque nous l’avons installé, le mohafez de Beyrouth, Ziad Chebib, nous avait accordé une période de grâce de trois mois qui est arrivée à expiration le 31 juillet. Nous lui avons demandé de la renouveler jusqu’à la fin de l’année en cours, le temps de préparer le nouveau terrain. Il a refusé et a accepté de nous donner deux mois supplémentaires. Or en août et en septembre, nous n’avons prévu aucune activité. C’est en octobre que nos programmes devaient redémarrer avec un sommet culturel international qui se tient pour la première fois au Liban, alors qu’il se tenait en Égypte, ainsi que par un rassemblement organisé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à l’intention des jeunes. Ces deux événements, ainsi que d’autres représentations artistiques internationales et des activités destinées aux enfants en décembre, sont annulés. Nous ignorons les causes pour lesquelles le mohafez a refusé de nous accorder de nouveau cette période de grâce. »

Une source proche du dossier à la municipalité de Beyrouth explique à L’OLJ que le mohafez avait déjà accordé une période de grâce de trois mois à Citerne Beirut « pour encourager la culture qui manque tant à Beyrouth ». « Les responsables de cet endroit devaient, durant cette période, présenter une demande en bonne et due forme pour obtenir un permis, ajoute cette source. Ce qu’ils n’ont pas fait, sachant que la municipalité les a relancés à plusieurs reprises, sans obtenir une réponse favorable de leur côté. De plus, cet espace a été exploité à des fins non artistiques et non culturelles. Nous avons eu écho d’informations selon lesquelles il a été utilisé pour organiser des dîners de mariage et des soirées dansantes. »

« Désobéissance culturelle »

Omar Rajeh dément ces informations. Il affirme à L’OLJ que durant les trois derniers mois « pas une seule activité en dehors du domaine artistique n’a eu lieu ». « Je ne vous cache pas que nous pourrons envisager à l’avenir d’organiser des événements susceptibles de générer des fonds pour financer les activités artistiques et culturelles, mais au cours des trois derniers mois, nous n’avons rien organisé en dehors des spectacles artistiques, ajoute-t-il. En ce qui concerne le permis, nous avons commencé à préparer les papiers, mais vu les dépenses exorbitantes des formalités et compte tenu du fait que nous sommes dans un endroit temporaire et que nous n’avons pas les moyens financiers, puisque nous avons des dettes, nous avons décidé de les suspendre jusqu’à ce que nous déménagions. Nous avions espéré que le mohafez proroge la période de grâce jusqu’à la fin de l’année en cours, mais il ne l’a pas fait. Nous ignorons les causes. »

Et Omar Rajeh de reprendre : « Nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles le mohafez ferme les yeux sur des constructions en dur qui sont en état d’infraction et n’a dans sa ligne de mire que Citerne Beirut, alors qu’il est de la responsabilité de la municipalité, du mohafazat et du ministère de la Culture de soutenir ce genre d’initiatives qui manquent tellement dans ce pays. Nous aurions souhaité qu’ils soient un peu plus sensibles aux questions de la culture. Le fanatisme et l’ignorance prennent des dimensions effrayantes. Le pays a besoin d’espaces comme Citerne Beirut parce que la culture est le seul espoir de ce pays. Le Liban est en régression à tous les niveaux. De tels espaces, qui créent des partenariats avec des artistes, donnent une belle image de Beyrouth. Et la question qui se pose est de savoir si le but est de détruire les maisons historiques, le patrimoine, l’ouverture, la culture et les théâtres à Beyrouth pour continuer à vivre enfermés sur soi-même, entourés de déchets, à construire des incinérateurs, polluer l’air et ne rien offrir au peuple. Si nos responsables ne veulent pas travailler, qu’ils nous aident au moins à le faire. C’est triste de constater que nous sommes marginalisés dans notre pays, alors que nous sommes invités à présenter des spectacles dans les plus grands théâtres au monde. »

Dans son communiqué, Maqamat appelle à une « désobéissance culturelle (#Désobéissance_culturelle) jusqu’à ce que nous rétablissions la vie culturelle qui nous a été confisquée ». Les directeurs artistiques de Maqamat, Omar Rajeh et Mia Habis, affirment de leur côté qu’ils ont décidé de travailler « pour surmonter cette situation dangereuse », promettant de « poursuivre toutes les activités artistiques ». « À partir de ce moment, nous travaillons pour déménager Citerne Beirut et recherchons le soutien et l’assistance nécessaires pour mener à bien ce projet. Toute aide, conseil et soutien sont les bienvenus », conclut le communiqué.


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commentaires (4)

QUI CROIRE ? LE CITERNE LIEU ARTISTIQUE OU DE LOISIRS PAYANTS ?

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 53, le 07 août 2019

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Commentaires (4)

  • QUI CROIRE ? LE CITERNE LIEU ARTISTIQUE OU DE LOISIRS PAYANTS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 53, le 07 août 2019

  • Faut pas vous inquiéter, les gars du Citerne Beirut ! Nous avons une multitude de preux chevaliers qui se sont manifestés jour et nuit pour défendre Mashrou'Leila, la liberté d'expression et l'art avec un grand "A" sous toutes ses formes. Ils vont se précipiter pour trouver une solution, et même un endroit pour édifier un autre Citerne Beirut ! Qu'est-ce qu'on parie ? Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 38, le 07 août 2019

  • Soyons cartésiens. Le dirigeant de Citerne Beyrouth a voulu quelques mois de sursis et ces mois sont finis; donc la porte du Citerne doit etre fermee. Alors il fallait prévoire cela à l'avance et augmenter la durée demandee permise préalablement.

    Eddy

    14 h 23, le 07 août 2019

  • c'est bien fait. consequences de magouilles , avec relents de corruption ou pas !

    Gaby SIOUFI

    13 h 13, le 07 août 2019

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