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Moyen Orient et Monde - Tunisie

Le président Béji Caïd Essebsi meurt à l’âge de 92 ans

Vétéran de la politique, il était le plus vieux chef d’État au monde en exercice après la reine Elizabeth II d’Angleterre.

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi s’exprimant durant une conférence de presse à Tunis le 8 novembre 2018. Zoubeir Souissi/File Photo/Reuters

Le premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, Béji Caïd Essebsi, est décédé hier à l’âge de 92 ans, ouvrant la voie à une élection présidentielle anticipée dans ce pays pionnier du printemps arabe. Aussitôt après son décès, le chef du Parlement Mohammad Ennaceur, 85 ans, a prêté serment pour assurer la présidence par intérim conformément à la Constitution. La télévision nationale a arrêté ses programmes pour diffuser des versets du Coran et annoncer le décès du président qui avait été élu fin 2014, trois ans après la révolution qui chassa du pouvoir le président Zine el-Abidine Ben Ali. Béji Caïd Essebsi est mort à quelques mois de la fin de son mandat en décembre, alors qu’un scrutin législatif est prévu le 6 octobre et une présidentielle le 17 novembre. Mais le président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) a assuré que la date de la présidentielle serait avancée « afin de respecter le calendrier prévu par la Constitution ». Celle-ci prévoit un intérim de 90 jours maximum, soit jusqu’à fin octobre. « Que Dieu préserve la Tunisie », a écrit sur sa page Facebook Hafedh Caïd Essebsi, fils du président décédé et chef de file du parti présidentiel Nidaa Tounes.

La commission électorale indépendante tunisienne a fait savoir hier soir que l’élection présidentielle aura lieu le 15 septembre prochain.

De nombreux hommages ont afflué. Le président français Emmanuel Macron a rendu hommage à Essebsi, « un ami » de la France et « un dirigeant courageux ». La chancelière allemande Angela Merkel a salué « un acteur courageux sur le chemin de la démocratie », et le président du Conseil italien Giuseppe Conte, « un homme d’État d’une grande humanité ». Le roi Mohammad VI du Maroc a rendu hommage « à l’un des grands hommes de la Tunisie ».

Deuil national

L’enterrement est prévu samedi, selon plusieurs médias locaux. Le Premier ministre Youssef Chahed a décrété un deuil national de sept jours, et ses services ont annoncé l’annulation de spectacles culturels et festivals. Le chef de file du mouvement islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi, un adversaire de Béji Caïd Essebsi devenu son allié, a rendu hommage à « un dictionnaire de la sagesse ». « Nous appelons au calme (...) Le président n’a pas laissé la Tunisie en guerre civile, le pays est entre de bonnes mains et il y a des institutions constitutionnelles », a dit M. Ghannouchi.

Vétéran de la politique, Béji Caïd Essebsi était le plus vieux chef d’État au monde en exercice après la reine Elizabeth II d’Angleterre. Ministre de l’Intérieur dès le milieu des années 1960 puis de la Défense et des Affaires étrangères sous le père de l’indépendance Habib Bourguiba, « BCE » a ensuite été président du Parlement au début de l’ère Ben Ali (1990-91), avant de s’effacer durant l’essentiel des années 90 et 2000. Il était revenu sur le devant de la scène à la faveur de la révolution, qui a entraîné la chute de Zine el-Abidine Ben Ali début 2011 et déclenché le « printemps arabe ».

En raison de sa longue expérience de l’État et malgré son âge avancé, c’est lui qui avait été nommé Premier ministre provisoire en février 2011, en plein tumulte révolutionnaire. Trois ans plus tard, il accède à la présidence tunisienne avec la mission paradoxale de consolider la jeune démocratie.

Sur le plan sociétal, en ligne avec son héritage bourguibiste, celui qui s’était targué d’avoir été élu « grâce aux femmes » avait fait annuler une circulaire empêchant le mariage des Tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans. Il souhaitait plus largement rester dans l’histoire comme l’artisan de l’égalité entre femmes et hommes en matière d’héritage, obtenant qu’un projet de loi soit présenté au Parlement sur ce sujet délicat qui touche au texte coranique. Mais le débat s’est enlisé à l’approche des élections prévues cette année, et il est décédé sans que le texte n’ait été soumis au vote. Doté « d’une intelligence politique extrême et d’un pragmatisme extraordinaire », il n’a toutefois « pas moralisé la vie politique alors que c’était pourtant nécessaire », a déclaré à l’AFP un responsable ayant collaboré à plusieurs reprises avec lui. La Tunisie est le seul des pays arabes touchés par les contestations à poursuivre sur la voie de la démocratisation malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques jihadistes sanglantes. Béji Caïd Essebsi disparaît le jour où la Tunisie célèbre la proclamation de la République en 1957. Il avait été hospitalisé une première fois fin juin, le jour où deux attentats-suicides avaient tué un policier à Tunis. Son hospitalisation avait déclenché une vague d’inquiétudes sur la fragilité des institutions tunisiennes. Mais après d’intenses tractations à l’Assemblée des représentants du peuple, de nombreux débats et mises au point sur la transition politique ont calmé les esprits.

Prestation de serment

« Cette fois-ci, l’inquiétude est moins grande », estime l’analyste Michael Ayari, soulignant l’importance de respecter le calendrier prévu par la Constitution. Toute la classe politique doit assumer sa « responsabilité », ont réagi des représentants de la société civile. « L’État continue à fonctionner », a assuré à la télévision nationale M. Ennaceur, victime fin juin d’un malaise qui avait soulevé des inquiétudes sur son état de santé et sa capacité à remplacer Béji Caïd Essebsi en cas de vacance du pouvoir.

Ce proche du président décédé a été investi dans l’après-midi par le Parlement pour un intérim qui peut durer 45 à 90 jours. Huit ans après la révolution, la Tunisie reste fragile aux plans économique et sécuritaire. Malgré une reprise fragile de la croissance après des années de marasme, le pays peine à répondre aux attentes sociales et à faire baisser un chômage persistant à 15 %.

Le pays a été frappé par de sanglantes attaques jihadistes ces dernières années, dont les plus meurtrières, revendiquées par le groupe État islamique (EI), ont eu lieu en 2015. La situation s’est beaucoup améliorée depuis, mais des attaques ponctuelles subsistent. La Tunisie reste menacée par le chaos libyen à ses frontières, tandis que des migrants sont arrivés de Libye par centaines ces derniers mois.

Source : AFP


Le premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, Béji Caïd Essebsi, est décédé hier à l’âge de 92 ans, ouvrant la voie à une élection présidentielle anticipée dans ce pays pionnier du printemps arabe. Aussitôt après son décès, le chef du Parlement Mohammad Ennaceur, 85 ans, a prêté serment pour assurer la présidence par intérim...

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