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Culture - En librairie

Fady Noun : Le poète, aussi, est un homme de frontières

« Permis de séjour » est le cinquième recueil d’un poète qui a « la passion de la limpidité ».

Fady Noun, à la recherche de tout « ce qui aide à comprendre et à faire sens du monde. » Photo Mohammad Yassine

Il voue une grande admiration à Rimbaud, Apollinaire, Aragon et Saint-John Perse. Mais c’est avec Georges Schéhadé qu’il est « né à la poésie ». Comme tout poète qui se respecte, Fady Noun tente de « fixer des vertiges » dans un monde qui donne le vertige. Avec Permis de séjour (Oser Dire éditions, 2019), notre collègue en est à son cinquième essai.

Il a lu André Breton, qu’il a « aimé passionnément », dit-il, et certains de ses poèmes rappellent de manière troublante ceux du grand maître surréaliste :

« La saison n’était pas finie/ Des fruits étaient toujours au programme/ Je cherchais mes mots dans les phonèmes. Mais il fallait défaire des liens/ Dans ce bel été, seul mon chagrin était artisanal/ Des voyous envoyaient promener leur ballon chez nous. »

Cet infatigable poète a publié ses premiers poèmes au début des années 70. Son recueil s’appelait On dessine toujours des mots habillés. Sa vie est ensuite bouleversée par une profonde expérience de foi. Il semble bien, de prime abord, que sa carrière d’écrivain s’achève. Un silence de 30 ans s’ensuit. Mais un beau jour, il décide à nouveau de publier les lignes qui continuent de venir et qu’il griffonne hâtivement sur des bouts de papier, aux premières heures du jour. Ce sera l’insurrection des mots. « Ma poésie continue, consciemment ou pas, de compléter ce qui reste inachevé dans ma vie et celle de chacun de nous. Je reprendrais volontiers à son sujet une phrase du théologien français disparu, Maurice Bellet : j’écris pour “aider les gens à mettre des paroles sur leur vie”. J’ai intitulé l’une de mes constellations poétiques Le Poète inachevé. Plus profondément, il y a quelque part, en moi, un sens inné de la justice qui s’exprime : justice envers tous, envers Dieu, envers les petits, envers la patrie, envers ceux et celles qui souffrent injustement, envers la veuve et l’orphelin si présents dans les Psaumes, qui sont les chants de l’Église. Cette plaidoirie peut devenir plaintive et teinter de tristesse jusqu’à mon espérance », confie le poète à L’Orient-Le Jour.

Beyrouth, il en parle « comme d’un trésor qu’on nous a volé, en même temps que le Liban ». Sous le titre Les derniers jours de Pompéi, le chant d’adieu qu’il lui adresse est l’un des plus beaux du recueil :

« Beyrouth, où es-tu ?/ Je ne retrouve plus ta place des Canons criarde/ Tes rues ont perdu la mémoire/ Leurs pierres ont changé de couleur et de destin/ Elles ne nous conduisent plus l’un vers l’autre/ Elles nous attirent vers un rêve oisif et paresseux/ Où nous nous côtoyons sans nous connaître/ Où nous consommons sans être rassasiés/ Où le vent des saveurs nouvelles se lève dans des palais ans âme/… »

« J’appartiens à une époque antérieure à la malédiction de l’identité. Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre notre guerre, pour y discerner quelques héros, et pas nécessairement parmi ceux qui sont tombés – mais aussi parmi eux », souligne cet ancien militant de la gauche universitaire.

Sa foi chrétienne (retrouvée) se voit clairement dans certains poèmes.

« Après avoir recommandé mon âme à Dieu/ Je céderai au dernier sommeil/ Mon âme franchira la mort/ Comme à l’aube le soleil franchit les montagnes/ Penchée sur la table d’opération/ La Vierge affairée présentera au Père le fil de suture… »

Aux thèmes de l’indifférence à Dieu ou de l’injustice de l’histoire s’ajoute une certaine hantise des temps derniers, c’est-à-dire, selon ses mots, « de ce que pourrait être la fin de l’histoire et son sens ». « J’ai eu la chance de m’entretenir à Paris, l’an dernier, avec un grand poète chrétien, Jean-Pierre Lemaire », reprend Fady Noun, qui a passé quatre ans de sa jeunesse dans la capitale française. « Le premier poème de mon livre, Pour un fils absent, s’inscrit dans le prolongement de ce que j’ai le mieux appris de son écriture : marier interrogation spirituelle et vie quotidienne, trouver le juste ton et la juste place, ne pas hésiter à incarner le moment poétique, à la manière d’une grande famille de poètes que je découvre en ce moment avec émerveillement, dont Paul de Roux, à qui j’emprunte le titre de mon recueil », explique-t-il encore.

« Assumer l’humanité de l’homme, aller avec lui jusqu’aux profondeurs lumineuses de l’être, là où Dieu nous touche et nous crée, voilà l’une des fonctions de la poésie et du poète. À sa manière, le poète est aussi un homme de frontières, un homme à la fois de l’aventure et de l’enracinement. Je n’ai pas d’autre talent, sinon d’écrire des articles et des lettres, confie le poète journaliste. J’ai la passion de la clarté et de la limpidité. Par ailleurs, j’avoue que je manque de patience pour lire des romans. Par contre, je me jette sur les livres d’histoire, les essais, les carnets, je lis des encycliques et les lettres apostoliques, bref tout ce qui aide à comprendre et à faire sens du monde. »


Pour mémoire
Fady Noun, « croix du Mérite » de l’Association des chevaliers de Malte

Fady Noun, parmi ses sosies, à la recherche de lui-même

Il voue une grande admiration à Rimbaud, Apollinaire, Aragon et Saint-John Perse. Mais c’est avec Georges Schéhadé qu’il est « né à la poésie ». Comme tout poète qui se respecte, Fady Noun tente de « fixer des vertiges » dans un monde qui donne le vertige. Avec Permis de séjour (Oser Dire éditions, 2019), notre collègue en est à son cinquième essai.Il a lu...

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