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Culture - Vient de paraître

Fady Noun, parmi ses sosies, à la recherche de lui-même

Le journaliste-poète publie un nouveau recueil, « Dans la nuit de diamant ».

Fady Noun, entouré d’Élie Maakaroun et de Tony Boulad (de g. à dr.). Complices. Photos Michel Sayegh

C'est une œuvre de maturité, le récit d'une plongée dans « la nuit totale de l'Occident » et d'une remontée vers la lumière que signe Fady Noun, qui publie chez L'Harmattan son quatrième recueil de poèmes, Dans la nuit de diamant *. Un livre qui s'inscrit dans le prolongement de son précédent recueil, Au Rendez-vous de l'aube (éditions Dergham), et dont la présentation a été faite à la librairie el-Bourj au cours d'un sobre et émouvant moment.
Comme analyste politique et reporter à L'Orient-Le Jour, Fady Noun observe depuis des années tout ce qui se passe au Liban et au Moyen-Orient. Il a déjà rendu compte, dans de remarquables articles, des flux et reflux, mutations et régressions de l'histoire tourmentée du Liban et de la région, au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Deux ouvrages parus à Beyrouth en témoignent aussi : Guerre et mémoire (éditions L'Orient-Le Jour) et Dévastation et rédemption (publications de l'Université Saint-Joseph).

Dans Guerre et mémoire, Fady Noun revient, à travers une sélection d'articles, sur la guerre civile au Liban et sur de grands événements régionaux ou internationaux qui ont ponctué les dernières décades du XXe siècle. De ces années de souffrance il tire, comme principale leçon, en une formule lapidaire : « On n'a rien appris de la guerre, si l'on n'a pas appris à haïr la guerre. »
Fady Noun a également rapporté dans un ouvrage unique en son genre, entre essai et reportage, des récits d'apparitions de la Vierge au Liban, entre 1960 et 2005, recueillis de la bouche même de certains voyants. L'ouvrage jette un éclairage singulier sur la guerre du Liban, la montée en puissance de l'islamisme jihadiste dans le monde arabe et l'importance de l'unité de l'Église. Sans lui, ces pages inconnues de la petite histoire du Liban en guerre auraient sombré dans l'oubli ou la légende.

Continuité
L'œuvre poétique très personnelle de Fady Noun s'inscrit dans la continuité de son travail de journaliste. Mais elle est également, et de façon synergique, imprégnée de la vie intérieure d'un homme qui a exploré, au sortir de l'adolescence, les abîmes de la pensée nihiliste de l'Occident, au risque de son propre naufrage, et pour lequel la question du sens ultime de l'existence et de l'histoire est vitale.
Dans la nuit de diamant est le recueil où cette aventure spirituelle est abordée avec le plus de sincérité. Ce recueil, qui a été précédé de trois autres, rend compte, dans un désordre de puzzle, de sa « saison en enfer ». Mais une saison où, en lieu et place du « dérèglement systématique de tous les sens » de Rimbaud, ce sont la perte de tous les repères moraux et la confusion totale entre le bien et le mal qui régnaient. Dans les termes utilisés par lui dans son recueil, un temps où « la voie du cœur, de la constance, vivant la pire obscurité ».
En tableaux successifs, Fady Noun retrace pour son lecteur différents moments de sa remontée à la lumière. D'une déambulation paradoxale « parmi ses sosies, à la recherche de lui-même », jusqu'à la plongée « dans les abysses de la lumière, pour en ramener l'homme vivant », il nous conduit dans un univers dont les clés se trouvent dans des vers parfois oniriques, parfois énigmatiques, des fenêtres sur le mystère de l'Être. Ces percées restent tout de même encadrées par des repères parfaitement identifiables qui n'épuisent pas pour autant leur poésie. Fady Noun a intériorisé les vérités chrétiennes, dont il rend compte parfois avec des images surprenantes, mais avec le détachement de quelqu'un qui ne se prend pas au sérieux, tout en respectant ce que le mystère fait en lui.

« Une nuit de matins »
De son travail poétique, il écrit lui-même : « Il me semble que ma poésie n'est plus celle du tâtonnement du monde, mais de l'exploration de la vérité. Il y a certainement des choses encore obscures, mais c'est l'obscurité d'une autre nuit, une nuit de matins. »
Dans la nuit de diamant a été salué par Vénus Khoury-Ghata qui, dans une lettre à l'auteur, a écrit : « Comment ne pas aimer ces poèmes tristes et tendres à la fois ? », Ritta Baddoura, qui en relève dans L'Orient littéraire la veine « douce-amère » ainsi que « la subtilité, l'humilité et la fantaisie », et Marwan Hoss, enthousiasmé par certains de ses « magnifiques » poèmes. Dans leur présentation, Antoine Boulad et Élie Maakaroun en ont relevé avec bonheur l'originalité. Gravement lus par la belle Michèle Gharios, écrivaine et poète elle-même, les vers de Fady Noun ont fait un bel effet dans le cénacle, chaleureux, de la librairie el-Bourj.
Le recueil est préfacé par le poète Michel Cassir, directeur de la collection Levée d'ancre, chez L'Harmattan, au catalogue de laquelle figurent certains des grands noms de la poésie contemporaine.

(*) « Dans la nuit de diamant », collection Levée d'ancre, L'Harmattan, février 2015.

 

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« Mystagogue du sens de notre présence au monde »

 

Peut-on être journaliste-poète ? C'est, selon Élie Maakaroun (*), le tour de force que réussit Fady Noun, dont il n'hésite pas à décrire la poésie comme une « mystagogie ». Voici de larges extraits de sa présentation :

 

 

 

«Journaliste-poète: l'expression elle-même est un paradoxe, pour ne pas dire un oxymore. En effet, tout oppose un véritable journaliste à un véritable poète. Le premier a pour tâche de rendre compte de la réalité temporelle perceptible dans sa complexité économique, politique, sociale et culturelle, et de le faire avec une méthode qui soit la plus exacte, la plus objective et la plus impartiale possible. Alors que le second a pour mission d'être un mage (Hugo), un phare (Baudelaire), un voyant (Rimbaud), un prophète (Gibran), dont la mission consiste à déchiffrer la forêt de symboles qui nous entoure, à projeter de la lumière dans le mystère de l'obscurité qui nous enveloppe et nous presse de toutes parts, à remuer nos cœurs, à nous faire voir et entendre la beauté du monde, à être le mystagogue qui nous initie au sens ou au non-sens que nous pouvons donner à notre présence au monde. Ne poussons pas plus loin l'antithèse (...).
Regardons donc attentivement comment Fady Noun dans son dernier recueil, Dans la nuit de diamant, réussit à réconcilier les cheminements et les poussées contraires du journaliste et du poète qui agissent en lui et sur lui.
Je choisis un poème qui, pour moi, est le plus beau, le plus significatif et le plus poignant du recueil : La nuit de l'Occident. Sur le seuil de son poème, le journaliste Fady Noun relate la visite que Mère Teresa fit au Liban en août 1983, poussant le zèle didactique jusqu'à faire précéder son texte d'une note explicative. Notre première impression, c'est que les premières phrases relèvent du modèle réaliste suranné de "la marquise sortit à cinq heures", nargué avec tant de subtilité par Paul Valéry. Je relis ces lignes / Au point du jour, elle se leva, il faisait encore sombre/ Elle avait dormi en habit. Il saute aux yeux et aux oreilles que nous sommes devant la prose d'un bon journaliste (...). Mais la suite du poème va montrer qu'il ne s'agit que d'un tremplin dont se sert le poète, pour nous entraîner ailleurs. Car de saut qualitatif en saut qualitatif, il va nous faire passer du compte rendu journalistique au cri éthique dans lequel Mère Teresa affirme haut et fort contre tous les cynismes et tous les aveuglements que le respect de la vie et en particulier de ce qu'elle a de plus fragile était, reste et demeurera une valeur intangible et irrécusable, pour déboucher enfin sur le renversant mystère religieux de la synergie entre Dieu et l'homme... Le journaliste a commencé le poème en témoin sérieux et objectif, mais c'est en poète qu'il l'achève (...). Une transsubstantiation de la vision et de l'écriture s'opère entre l'ouverture apparemment si banale et si neutre et la perspective finale, ce point d'orgue saisissant où se révèle à nous un Dieu qui s'avance déguisé en abîme, ce Dieu qui, écrit Fady Noun, en un fulgurant raccourci assume en la chair de Mère Térésa la nuit totale de l'Occident. Il n'y a pas de technique, pas de rhétorique, c'est de l'inspiration à l'état pur ; un condensé de l'expérience méthaphysique de l'Occident.
Tant de poèmes de ce recueil témoignent de cette même dynamique d'écriture où s'affrontent pour s'unir sans fusionner le poète et le journaliste... Dans le cadre de cette brève communication, je n'ai pas le temps d'analyser tous les procédés conscients ou inconscients de cette démarche (...) Mais en voilà assez pour la technique. Car ce n'est pas en elle que réside la puissance émotionnelle et spirituelle de l'ouvrage, mais en cette humaine, fragile, inquiète, douloureuse mais inébranlable et vivifiante foi chrétienne de son auteur affrontant les opacités auxquelles se heurte la présence humaine au monde et y traçant avec le soc de l'espérance les sillons d'amour et de lumière. »

(*) Élie Maakaroun est professeur agrégé de lettres modernes et écrivain. Derniers ouvrages parus aux éditions Pierre Téqui : « Saint Charbel prophète de l'amour » (2003) et « Vers un Liban harmonieux » (2009). Il vit entre Paris et Beyrouth.

 

 

Pour mémoire
Rencontre autour de l'œuvre poétique de Fady Noun

La guerre du Liban à travers le regard (et les larmes) de Marie

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