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Lifestyle - Entretien

Le (parfait) Alibi de Vincent Prieur et Jinks Kunst

C’est un duo de rêveurs, d’artistes idéalistes qui, à leur manière, tentent d’embellir la réalité. D’installer des sourires, de faire justice à un monde injuste souvent très malmené. Leur première aventure libanaise vient de prendre fin.


Vincent Prieur avec des enfants de Bar Élias.

Le premier, Vincent Prieur, français né en 1976, est un photographe reporter, « humaniste engagé », précise-t-il, qui souhaite mettre son art, images et textes, au service de populations en difficulté et d’une prise de conscience collective. Pouvoir, à travers ses voyages et toutes les rencontres bouleversantes glanées en chemin, rapporter des images fortes. Les témoignages de ce qu’il a vu, senti et retenu. Le second, Jinks Kunst, est né à Vevey en 1976. Street artist multidisciplinaire, il a sillonné le monde, plus de 30 pays, et déposé au coin des rues, sur des panneaux de signalisation, dans des camps de réfugiés ou des bidonvilles, des œuvres qu’il qualifie de « peintures citadines éphémères ». Entre humour et émotions, son travail de poète embellit les villes et sans doute la misère de certaines personnes défavorisées. Ensemble, leur parcours dans la région les a menés au Liban où, durant deux mois, et sous l’appellation Alibi 1.0, ils ont été à la recherche… d’émotions, de sourires, d’espoir. Alibi qui, en latin, signifie ailleurs , illustre bien pour eux ce voyage vers ailleurs, aux limites du permis, un voyage parfois proche des « zones rouges ». En associant 1.0 au nom du projet, « nous espérons réaliser une suite de reportages solidaires sous ce même nom très symbolique », précisent-ils en chœur.

Au nom des deux artistes, Vincent Prieur s’est confié à L’Orient-Le Jour, encore bouleversé, et décidé à donner suite à ce beau projet.


Parlez-nous de votre rencontre avec Jinks Kunst.

Nous nous sommes rencontrés il y a une vingtaine d’années à Pornic, petite ville balnéaire de la façade atlantique proche de Nantes. Nos vies respectives nous ont conduits vers des destinations très différentes, mais des retrouvailles sur les réseaux sociaux nous ont permis de suivre nos travaux et projets respectifs depuis presque dix ans.


Comment est né ce projet ?

Après de longues années, la vie nous a rapprochés à nouveau, et le récit de nos expériences multiples nous a mis sur le chemin d’un possible projet en commun. Jinks ayant pour projet d’aller réaliser des fresques dans des zones rouges et moi-même voulant réaliser un reportage avec une ONG syrienne, nous avons décidé de fusionner nos projets pour n’en faire qu’un. En allant à la rencontre des populations locales vivant dans des conditions désastreuses, à la découverte de leurs cultures et des différents acteurs qui œuvrent à l’amélioration de leurs conditions humaines, nous souhaitions créer un lien social à travers l’art, grâce à la réalisation d’œuvres picturales collectives.

Plusieurs objectifs permettent cette renaissance de ce lien social dans certains endroits sinistrés et dévastés : favoriser l’expression et la créativité, développer des compétences artistiques chez les jeunes, s’ouvrir au monde extérieur en proposant aux habitants de faire parler leurs murs et leurs quartiers...Tout simplement apporter un moment de répit et de joie à ces populations trop souvent oubliées par l’ensemble de la communauté internationale.

Quels ont été les problèmes rencontrés en chemin ?

Après avoir débuté notre projet en Turquie, nous nous sommes rendus en Iran. Arrivés en pleine nuit à Téhéran, il nous a fallu 8 heures d’attente pour apprendre que notre demande de visa était refusée en raison de nos statuts d’artistes ; le calvaire ne s’arrêtait pas là. Afin de ne pas rester dans un hall froid, à même le sol et en compagnie de voyageurs afghans au passé assez trouble, le paiement d’un bakchich nous a permis d’être placés dans une salle plus confortable pendant 24 heures… Sans pouvoir sortir de cette salle, nous étions sans bagages et sans passeports. Une véritable garde à vue en attendant de prendre le prochain vol (retour) pour Istanbul. Après avoir été escortés comme de véritables clandestins, nos passeports nous ont été rendus par la police locale. Aussi nous avons passé plus de temps que prévu au Kurdistan Irakien, trois semaines à Erbil où certains de nos projets, prévus dans deux camps de réfugiés, ont été annulés en raison des conditions climatiques désastreuses. Une météo que les habitants n’avaient pas vue depuis plusieurs décennies. Enfin après s’être fait refuser l’accès en Syrie, suite à une « arnaque aux visas », nous voici arrivés au Liban, la dernière étape de ce passionnant projet.

Quels ont été les moments les plus intenses ?

De par l’importante densité démographique de réfugiés au Liban et en raison du caractère historique de certains camps comme Chatila, nous avons attribué, à cette dernière étape, une part importante de notre budget à travers de nombreuses réalisations.

Ainsi, nous avons pu participer au « changement » du quartier de Ouzaï en participant au projet Ouzville. Jinks y a réalisé une belle fresque que j’ai eu le bonheur de photographier en compagnie des habitants, fiers de poser devant ce mur fraîchement décoré.

Après un court passage dans le camp de Chatila, où Jinks a peint un petit chat sous le regard émerveillé des quelques enfants présents, nous avons réalisé du 15 au 17 avril, une série de photo-conférences et un atelier de street art au sein du Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth, avec la présence de deux autres street artistes, Meuh et EPS.

Cette opération nous a permis de transmettre notre passion pour la peinture, la photographie et le voyage. Mais aussi et surtout, nous espérons avoir ouvert les yeux d’un maximum d’élèves rencontrés, sur les conditions extrêmement difficiles où vivent les populations déplacées.

Enfin, à la veille du week-end de Pâques, nous sommes retournés à Chatila, dans une école située en plein cœur du camp. En partenariat avec la très active ONG libanaise Basmeh & Zeitooneh et avec la participation de l’ONG Ahla Fawda, fondée par une grande humaniste, Imane Nasreddine Assaf, nous avons pu de nouveau apporter un moment de joie et de bonheur à de nombreux enfants. Ils étaient heureux de pouvoir peindre au côté d’un artiste français. L’œuvre réalisée par Jinks représente deux enfants, main dans la main, ayant la chance de pouvoir marcher sur le chemin de l’école… C’était très émouvant d’immortaliser au travers de mes objectifs ces nombreuses scènes de vie dans un endroit chargé d’une si triste histoire.

Comment avez-vous financé le projet Alibi 1.0 ?

Notre projet a été financé en parti par l’association Solid’Art International et par deux cagnottes solidaires. Nous avons également dû puiser sur nos fonds propres, d’autant plus que les problèmes rencontrés au cours de notre périple ont fortement augmenté les dépenses et notre petit budget s’en est vu directement impacté.

Il est très difficile de réaliser un projet personnel de cette ampleur et nous remercions toutes les personnes qui nous ont permis, grâce à leur participations financières, de réaliser ce magnifique projet solidaire.

Pourquoi ce nom ?

Nous avons trouvé intéressant d’associer ce nom à notre projet pour plusieurs raisons. C’est un mot emprunté du latin, signifiant Ailleurs… En réalisant ce voyage qui nous a conduit dans plusieurs pays proches des « zones rouges », nous avons voulu nous rendre sur place et ainsi constater par nous-mêmes la dramatique situation, trop souvent faussement relatée par les médias et les gouvernements impliqués dans ces nombreux conflits.

En associant 1.0 au nom de notre projet, nous espérons réaliser une suite de reportages solidaires sous ce même nom très symbolique : Alibi.

Vos projets pour 2019 ?

À l’issue de ce long périple qui s’est achevé le 24 avril, grâce à la réalisation de mon reportage photo et aux nombreux témoignages recueillis sur place, nous allons réaliser un livre et plusieurs expositions aussi bien en France que dans les pays visités. Aussi, nous espérons pouvoir concrétiser, dès 2019, différents projets artistiques au Kurdistan irakien ainsi qu’au Liban, où nous avons été reçus de manière exemplaire.

Le premier, Vincent Prieur, français né en 1976, est un photographe reporter, « humaniste engagé », précise-t-il, qui souhaite mettre son art, images et textes, au service de populations en difficulté et d’une prise de conscience collective. Pouvoir, à travers ses voyages et toutes les rencontres bouleversantes glanées en chemin, rapporter des images fortes. Les témoignages...

commentaires (2)

Du beau street-art. Bienvenue au Liban!

Tina Chamoun

09 h 41, le 16 mai 2019

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Commentaires (2)

  • Du beau street-art. Bienvenue au Liban!

    Tina Chamoun

    09 h 41, le 16 mai 2019

  • Accès refusé presque partout, reçus au Liban de manière exemplaire: tout est dit!

    Marie-Hélène

    07 h 15, le 16 mai 2019

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