Certaines écoles théologiques présentes dans des milieux défavorisés et marginalisés ont eu un impact négatif sur ces milieux en propageant des discours religieux obsolètes, à la place d’une prise de conscience religieuse fondée sur la tolérance, le respect des différences et l’acceptation d’autrui. Ce fait a alimenté la haine de certains jeunes envers non seulement ceux qui ne partageaient pas la même religion, mais également envers leurs coreligionnaires ayant une vision particulière et envers leurs gouvernants qui les ont frustrés de leurs libertés essentielles et qui les ont gardés dans un état de pauvreté et d’ignorance accrues. En parallèle, les extrémistes qui disposent de moyens financiers importants ont endoctriné les jeunes en faisant passer les appartenances idéologique et religieuse avant l’appartenance nationale et ont formé des imams envoyés à l’étranger pour diffuser ces discours de haine et multiplier les occasions d’extrémisme dans des sociétés occidentales peu habituées à une telle diversité, ce qui a abouti à un échec d’intégration et un renforcement du sentiment de haine.
En Occident, les États se sont construits sur les institutions et la Constitution a fondé l’organisation de l’État en garantissant le respect des droits fondamentaux des personnes et la souveraineté du peuple, qui constitue la source de toute autorité ; le pouvoir, n’étant pas figé entre les mains d’un seul groupe, passe d’un parti à un autre ; le bien-être social prime et l’économie se distingue par une solidité et une stabilité. Tous ces principes sont malheureusement bafoués dans notre région, même si les normes varient d’un État à l’autre, pour ne pas tomber dans la généralisation.
Les raisons qui ont conduit
à l’émergence de la violence
L’émergence de la violence dans les sociétés du Moyen-Orient ne se limite pas à un seul élément puisqu’il s’agit d’un phénomène complexe qui fait entrer en jeu une série de facteurs personnels et psychologiques qui viennent s’ajouter aux facteurs culturels, politiques et économiques. Et si notre région a toujours attiré les grandes puissances pour son importance stratégique et ses ressources naturelles, la création de l’État d’Israël aux dépens de l’identité palestinienne et la violence qui l’a accompagnée ont engendré un sentiment de frustration et de désir de vengeance, en particulier suite à l’échec des efforts diplomatiques et politiques et au non-respect des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations unies.
Nos pays se sont résolus à renverser les régimes démocratiques qui existaient dans les années 50 sous prétexte d’affronter l’ennemi israélien et de combler l’échec des régimes démocratiques face au projet sioniste. Mais ces coups d’État n’étaient en réalité qu’une excuse pour accaparer le pouvoir de la part d’autorités manquant d’expérience politique qui ont fini par épuiser les États, piétiner la société civile, échouer à établir des régimes stables et abandonner leurs slogans proclamés haut et fort aux dépens de l’égoïsme et des luttes de pouvoir.
Cette situation a abouti à la mise en place d’un système répressif qui visait le maintien du pouvoir et la soumission du peuple à une main de fer à l’ombre de laquelle la liberté était bafouée et les mécanismes de gouvernance démocratique perturbés, de sorte que les élections libres et transparentes cédaient la place au référendum et à la désignation du candidat unique plébiscité par la majorité de la population. Cette tyrannie s’est accompagnée de la perturbation des programmes de développement et de l’accroissement des taux de pauvreté et d’analphabétisme, faisant de la société un terrain propice et fertile aux courants extrémistes, notamment religieux.
La violence n’est pas exclusivement un phénomène du Moyen-Orient mais un phénomène mondial, auquel il est impossible de rattacher une identité spécifique ; elle surpasse toutes les religions, dépasse toutes les sociétés et surplombe toute civilisation et culture. Cependant, la violence est actuellement à la une en Orient puisque l’Occident, et en particulier l’Europe et les États-Unis, a connu une certaine stabilité et un climat calme qui se dérobe à toute idée de violence.
Les moyens pour sortir
de la situation de violence
L’éducation est sans aucun doute une nécessité tant que les méthodes d’enseignement et la substance enseignée auraient été révisées pour mettre en évidence les valeurs de liberté, de démocratie, des droits de l’homme et d’éducation religieuse de manière à garder la conviction religieuse dans la sphère privée en l’excluant de l’espace public avec un retour à son essence, ses premiers objectifs et sa spiritualité, pour renforcer la foi et éliminer l’exclusion et l’isolement.
Le fait de maintenir la répression dans certains régimes contribue-t-il à prévenir ou au contraire à envenimer l’extrémisme en alimentant les sentiments de colère, les comportements violents, le recours aux armes et au terrorisme pour changer l’état actuel des choses ?
L’omission d’assurer des opportunités d’emplois par les gouvernements dans le cadre du développement social et communautaire contribue-t-il à raviver l’extrémisme ?
Et qu’en est-il de l’efficacité des initiatives lancées par les organisations nationales et internationales afin de combattre l’extrémisme ? Il convient sans doute de noter ici que l’extrémisme pourrait devenir valable quand il touche à la créativité et à l’innovation, mais non point quand il s’associe à la violence, que ce soit au niveau politique, religieux ou autre.
Sur un autre plan, le système démocratique permet la représentation de toutes les tranches de la communauté et leur participation au pouvoir et à ses privilèges. Alors que le régime de la monarchie absolue alimente la haine entre l’État et son peuple tout en élargissant le gouffre qui sépare la tête de la base et en paralysant les divers programmes de développement.
Par conséquent, il est recommandé d’adopter la méthode du dialogue, du débat, de l’intégration et de la participation effective à la prise de décision et à la consultation par le biais des élections.
Le dialogue avec les groupes extrémistes
La question qui se pose est de savoir s’il est raisonnable de dire qu’un dialogue est envisageable avec des personnes s’étant réfugiées dans l’extrémisme en bloquant toute voie au dialogue, à la reconnaissance d’autrui, à l’acceptation et au respect des différences. Personnellement, j’estime qu’il ne peut y avoir de place au dialogue avec des personnes fanatiques mais uniquement une certaine forme de négociation allant jusqu’à utiliser la force pour les contraindre à se mettre autour de la table des négociations.
L’essentiel est de ne jamais les craindre. En effet, même si elles sont dotées d’un puissant pouvoir et de grandes ressources financières qui leur permettent de contrôler et d’imposer leur volonté par la force et la violence, elles restent néanmoins faibles en argumentation et raisonnement.
Par conséquent, une prise de position ferme et audacieuse de la part des institutions religieuses officielles est ici primordiale puisque ces autorités ont le devoir de réprouver fermement leurs politiques et leurs actes de violence, surtout ceux pratiqués au nom d’une religion comme l’islam. Il est vrai qu’une opposition à ces courants fondamentalistes s’est élevée de la part des adeptes d’un islam modéré mais, dans la crainte d’être taxée d’hérésie, elle est restée timide et a ainsi laissé le champ libre aux fondamentalistes et aux extrémistes.
L’extrémisme radical a besoin de la motivation et non de l’éducation, de l’intimidation et non de la religion, de la fermeté et non de la peur. Nous nous permettons ici de constater que le discours du grand imam d’al-Azhar contre les organisations qui pratiquent leurs barbaries au nom de la religion était légèrement timide; en effet, il aurait pu lutter contre ce fléau d’une manière plus saillante en leur retirant les bannières religieuses pour les dénuer audacieusement et les bannir pour crimes contre l’humanité et pour violation des droits de l’homme et des centres religieux.
Ancien magistrat, président du Groupe arabe pour le dialogue islamo-chrétien
Ce texte est le courrier d'un lecteur. A ce titre, il n'engage que son auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue de L'Orient-Le Jour.