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Culture - Livre

La vie secrète d’une immortelle

Ceux qui cherchent des affaires scabreuses ou croustillantes dans « Mes vies secrètes » de Dominique Bona seront déçus. Avec le halo de « l’immortelle », le huitième siège féminin à l’Académie française et sa benjamine lors de son élection a plus d’un atout, et des plus édifiants, dans ses manches. Notamment sa vie secrète...


Dominique Bona. Photo Francesca Mantovani ©Éditions-Gallimard

À soixante-cinq ans, féministe chevronnée, Dominique Bona est une auteure qui a déjà à son actif une œuvre plus que considérable (plus de 17 opus entre biographies et romans) et auréolée de plusieurs prix dont l’Interallié en 1992 pour Malika, le prix Méditerranée en 1994 pour Gala et le prix Renaudot en 1998 pour Le Manuscrit de Port-Ébène.

Aujourd’hui, de sa plume (im)pertinente, prolifique et allègre, qui scanne les vies, les interroge et leur fait dire ce que les conventions taisent ou camouflent, elle publie Mes vies secrètes chez Gallimard (320 pages). Confessions d’une écrivaine à plusieurs vies pour avoir côtoyé les traversées humaines de Stefan Zweig, Gala Dali, Camille Claudel, Romain Gary, Colette, Paul Valéry, Debussy… Et on ne les a pas tous nommés, ces illustres personnages qu’elle a fréquentés assidûment, et en toute familiarité !

À la fois compagnonnage enrichissant et perturbant que ce monde qui a rayonné de sa pensée et de son inspiration, car tout biographe qui s’immerge dans la vie des autres n’en sort pas totalement indemne. Et ce qui reste en coin d’ombre ou déteint sur celui ou celle qui porte la plume pour analyser, reproduire un passé ou en faire la lumière sur une œuvre, pour défendre un personnage ou s’en écarter, c’est tout une autre histoire… Et c’est de cela qu’il s’agit dans ces pages.

C’est cette ligne invisible, qui forme ou déforme, influence dans le bien comme dans le mal, que Dominique Bona, en tentant de rendre au plus clair le portrait posthume des autres, retrace pour faire le point sur sa propre personne. Ainsi, elle dégage les traits de sa propre personnalité, ses craintes, ses aversions, ses sympathies, ses empathies, ses hésitations, son évolution, ses décisions.

En plongeant corps et âme dans ces existences loin d’être banales, et pas souvent super agitées, ce ne sont pas des vies de papier que Dominique Bona fait surgir pour les lecteurs du monde entier, mais l’essence même de ce que la chair a produit et inspiré… Dans ses envolées au ciel comme dans ses descentes aux enfers.


(Pour mémoire : Dominique Bona, huitième Immortelle reçue à l’Académie française)


Enquêtes et confidences

Pour l’académicienne, on n’entre pas impunément dans l’intimité des autres. C’est avec tact et finesse qu’elle aborde des thèmes graves et souvent aux confins du scandaleux, qu’elle a dû brasser pour brosser un portrait cohérent et crédible, sans heurter les sensibilités rétives et parfois même dépasser son propre entendement, sa propre retenue ou les limites de ses valeurs…

Elle parle sans demi-teintes de ses patientes enquêtes, de ses coups de foudre, de ses recherches souvent bloquées par les légataires des héros de ses biographies ou même des personnes qu’elle voudrait pourtant décrypter à leur propre encontre et celui de leur entourage, des archives qu’il faut dépoussiérer en tout courage et honnêteté, des désillusions quand la réalité n’est pas celle des mots couchés sur le papier…

D’abord Romain Gary. Un homme hors norme et hors du commun avec sa double signature (Gary –

Ajar, mais il y en aussi d’autres !) qui se dérobe constamment, en multipliant les images et les paradoxes. Aussi bien à lui-même qu’aux autres. Fuyant comme une anguille, il y avait là bien matière à la dissuader pour le mettre dans les filets des pages de son livre, mais elle affronte vaillamment toutes les faces cachées, les névroses aussi bien que la part de lumière d’un romancier génial… C’est alors que la biographe se ravise sur sa propre vie et reçoit les éclats des autres pour mieux se découvrir, se chercher, se confier, se dépasser.

On découvre aussi avec amusement non seulement des pans de vie –

Colette et sa sexualité libre et frénétique, Debussy mené par le bout du nez par une mère autoritaire, la nuit de la révélation de Valéry pour ce qu’il nomme « la vie de l’esprit » –

mais aussi des détails ahurissants. Auriez-vous jamais imaginé, par exemple, le jeune André Malraux pillant le temple de Banteay Srei à dos de mulet ?

Voilà l’aspect anecdotique, le sel et le poivre en quelque sorte, de cet ouvrage dont la vraie richesse reste surtout l’impact que ces créateurs ont eu sur la vie de l’immortelle. En mettant ses projecteurs sur cette galerie de personnages (peintres, sculpteurs ou écrivains), l’académicienne fait aussi, par-delà tous ces propos de coulisses, un joyeux clin d’œil à la vie qui n’est pas toujours maîtrisée, ni maîtrisable. Et il faut en convenir, il faut bien s’en accommoder.

Mes vies secrètes reste, au final, une leçon de sagesse, un bain de culture, un excellent moment de littérature, avec un style au-dessus de tout éloge. D’académicienne, bien entendu !

À soixante-cinq ans, féministe chevronnée, Dominique Bona est une auteure qui a déjà à son actif une œuvre plus que considérable (plus de 17 opus entre biographies et romans) et auréolée de plusieurs prix dont l’Interallié en 1992 pour Malika, le prix Méditerranée en 1994 pour Gala et le prix Renaudot en 1998 pour Le Manuscrit de Port-Ébène. Aujourd’hui, de sa plume...

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