Plusieurs milliers d’enfants ont été évacués du village de Baghouz, l’ultime réduit aux mains de l’État islamique en Syrie. Ils ont été recueillis dans des camps de déplacés dans le nord-est du pays, où se trouvent parmi eux plus de 2 500 enfants de jihadistes étrangers issus de 30 pays différents. Les ONG sont confrontées à une situation de crise humanitaire qui se double en plus d’un casse-tête politique, sécuritaire et judiciaire autour de la question des jihadistes étrangers. Dans ce contexte, l’avenir s’annonce encore incertain pour ces enfants qui n’ont connu rien d’autre ou presque que le « califat » de l’EI. Joëlle Bassoul, porte-parole de Save the Children au Proche Orient, témoigne auprès de L’Orient-Le Jour de la nécessité d’agir pour leur venir en aide.
Comment venir aujourd’hui en aide à ces enfants ?
Les gens qui arrivent ont passé des mois, parfois des années, dans des régions qui étaient assiégées et bombardées. Pour l’instant, on pare au plus pressé : la nourriture, les tentes, l’eau et les médicaments. Mais à long terme, le soutien dont les enfants ont besoin pour pouvoir reprendre une vie normale n’existe pas en Syrie. Les enfants se trouvant dans les camps de réfugiés dans le nord-est de la Syrie doivent retrouver une vie normale dans un pays en paix. Cela dépasse le cadre de la région, puisqu’il faut que la communauté internationale fasse davantage d’efforts pour faire avancer un processus de paix qui est pour l’instant inexistant en Syrie et faire en sorte que les civils soient protégés. Dans le camp d’al-Hol où sont envoyés la majorité des femmes et des enfants, les conditions sont très difficiles. Avec plus de 40 000 personnes, le camp est plein à ras bord, il y a beaucoup trop de monde et un nombre insuffisant d’organisations qui répondent aux besoins humanitaires. Il y a juste quelques organisations internationales et locales comme le Croissant-Rouge kurde.
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Quelles séquelles ont-il gardé des atrocités qu’ils ont vécues ?
Les enfants syriens ont été les premières victimes de ce conflit. Ils ont vu des atrocités qui vont les marquer à vie, certains enfants vont même avoir des séquelles physiques. Dans les centres pour enfants où ils peuvent venir jouer ou dessiner, ils parlent aux équipes de protection et racontent ce qu’ils ont vu et vécu. Une petite fille nous a raconté avoir vu des gens lancer des pierres à un couple parce qu’ils marchaient dans la rue, d’autres ont assisté à des scènes de décapitation. Beaucoup d’enfants montrent des signes de peur liés au conflit, notamment lorsque la nuit tombe, ce qui est synonyme pour eux de raids aériens. Il est important qu’ils puissent avoir accès au soutien psychologique, éducatif et médical approprié pour pouvoir réintégrer la société. Plusieurs milliers d’entre eux n’ont pas été scolarisés depuis longtemps, ce sont des années d’éducation qu’ils vont avoir du mal à rattraper. Une fois qu’ils pourront être dans un environnement sûr, accueillant et aimant, c’est là que la différence va se faire pour eux.
Que faire des enfants des jihadistes étrangers ?
Même si leurs parents ont participé à un conflit dans un pays étranger, ce sont des enfants et des personnes innocentes qui n’ont pas choisi d’être là. Il n’y a pas de raison que ces enfants ne soient pas réintégrés dans la société. Il faut que leur pays d’origine les rapatrie et leur apporte le soutien nécessaire. Car même dans le cas d’une hypothétique paix en Syrie, où vont-ils rentrer ? Dans quel village? Dans quelle ville ? Ils ne sont pas syriens et beaucoup d’entre eux sont nés sur place, sans papiers d’identité. Après 8 ans de guerre dans un pays réduit à néant et où tout reste à reconstruire, les Syriens ont du mal à s’occuper de leurs enfants et à subvenir à leurs propres besoins. Les pays d’origine sont mieux organisés et mieux préparés que la Syrie à accueillir ces familles, ces enfants, et à prendre les mesures nécessaires. Si les parents doivent être soumis à une action en justice pour des actes commis en Syrie, cela doit être au pays d’origine de prendre les mesures légales nécessaires, mais ça ne doit pas être aux enfants de payer pour les actes de leurs parents. C’est aussi important de conserver l’unité familiale et d’éviter autant que possible de séparer les parents des enfants.
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19 h 53, le 03 mars 2019