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Liban - Prix

« La plume de Pierre » Sadek pour récompenser ceux qui osent dire leur liberté

La fondation qui porte le nom du caricaturiste disparu en 2013 a annoncé les lauréats de son concours annuel de dessins de presse.

Moukhallad Habib, 1er prix « indépendants ». Photos Marwan Assaf

Pierre Sadek. Dans la mémoire collective des Libanais, ce nom est naturellement synonyme de talent, d’humour et de politique. Pendant plus d’un demi-siècle, ce maître incontesté de la caricature au Liban a accompagné, par sa plume, le quotidien des gens. Sur les colonnes de notre confrère an-Nahar, ainsi que plusieurs autres quotidiens, Sadek se livrait à un commentaire sarcastique et intelligent des péripéties locales, traçant un sourire sur les lèvres des Libanais, en dépit de tous « les maux » de la politique politicienne.

Pierre Sadek, c’est aussi celui qui avait saisi au vol l’évolution technique et technologique des médias audiovisuels. Il était le premier à introduire la caricature animée au petit écran. Celle-ci accompagnait le journal télévisé de 20 heures de la LBCI, mais aussi de la Future TV, pendant des décennies. Perçu sous cet angle, Sadek est un artiste qui est parvenu à écrire l’histoire moderne du pays, transcendant toutes les querelles à ce sujet. Il serait, toutefois, peu rigoureux de tenter de cerner son lourd héritage (trente mille caricatures) aux strictes dimensions satirique et artistique.

Pierre Sadek, décédé le 24 avril 2013 des suites d’une longue maladie, était aussi et surtout cet artiste libre qui trouvait en l’art et la caricature une manière d’exprimer son opinion, voire même de critiquer ouvertement le pouvoir en place, sans se soucier d’éventuelles démarches répressives visant à étouffer les voix libres dans un pays qui se veut une oasis de démocratie dans un désert de dictatures. C’est d’ailleurs là que réside le legs le plus important de Pierre Sadek, et que cherche à perpétuer et transmettre aux nouvelles générations la fondation qui porte son nom.

Si elle est consciente de l’impossibilité de combler le vide qu’a laissé ce pionnier de la caricature politique, la Fondation Pierre Sadek offre aux étudiants dans les domaines de l’art, ainsi qu’aux artistes « indépendants », amateurs et professionnels, l’opportunité de s’exprimer par la caricature dans le cadre de la compétition baptisée « La plume de Pierre ».

Lancé en 2017 et organisé en partenariat avec l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) et l’École supérieure Estienne-Paris, ce concours permet aux participants de s’exprimer sur des sujets qui les intéressent. Mais pour la troisième édition de l’événement, la fondation a fixé le thème de la compétition : les libertés sous toutes leurs formes. Il va sans dire que bien au-delà du large éventail d’idées qu’un sujet aussi dense offre aux participants, ce choix revêt son importance dans la mesure où la compétition intervient à l’heure où les libertés publiques ont récemment subi de graves infractions, dont témoignent les poursuites judiciaires engagées contre plusieurs opposants et journalistes durant les dernières années.

Les candidats ont donc saisi l’occasion pour s’indigner contre les atteintes à la liberté d’expression et de presse, ainsi qu’à la liberté de l’enseignement. Certains en ont même profité pour s’opposer à la censure des spectacles. D’autres ont saisi l’occasion pour appeler les femmes à se libérer et se révolter contre le fait accompli et surtout la violence conjugale.


(Lire aussi : La caricature pour Mohammad Nohad Alameddine, une voix et une voie)


Les lauréats

Les résultats de la troisième saison du concours ont été annoncés lors d’une cérémonie tenue jeudi au siège de l’ALBA à Sin el-Fil, sous le patronage du ministre de la Culture, Mohammad Daoud. Étaient présents la ministre d’État pour le Développement administratif, May Chidiac, ainsi que les anciens ministres Melhem Riachi, Ziyad Baroud et Walid Daouk. Il y avait aussi Mona Hraoui, ancienne Première dame, et Rose Choueiri, PDG honoraire du groupe Choueiri.

Prenant la parole au début de la cérémonie, Ghada Sadek Abela, fille du caricaturiste disparu et présidente de la Fondation Pierre Sadek, a déclaré que son père est « toujours présent dans la conscience de toute personne libre ». « Par sa plume, Pierre a brandi une cause noble. À travers le trophée la plume de Pierre, la fondation cherche à retrouver, dans les rangs des jeunes générations, son courage et sa liberté », a poursuivi Mme Abela. À son tour, le ministre de la Culture, Mohammad Daoud, a rendu un vibrant hommage à l’artiste libre qu’était Pierre Sadek. Selon M. Daoud, les caricatures de ce pionnier de la critique politique « libéraient les consciences et poussaient les gens à parler à l’heure où le silence dominait ». Pour M. Daoud, « le legs le plus important de Pierre Sadek réside dans les valeurs et principes qu’il a laissés, tant sur le plan professionnel qu’en ce qui concerne la liberté de la pensée ».

À la fin de la cérémonie marquée par un vibrant hommage rendu à May Menassa, journaliste et écrivaine disparue le 19 janvier 2019 et membre du jury de la première édition de la compétition, la fondation a remis les prix aux lauréats de la troisième saison. Pour ce qui est de la catégorie étudiants, il s’agit de Bernard Bou Assi (3e prix, ALBA), Nour Ahmad (2e prix, AUST) et Nour Awad (1er prix, Lebanese International University-Békaa). Quant à l’Irakien Moukhallad Habib, il a remporté le prix décerné aux dessinateurs indépendants.

Interrogé en marge de la cérémonie par L’Orient-Le Jour, Melhem Riachi (président du jury pour 2019) a placé le concours sous le signe de la lutte pour les libertés. « À travers l’esprit et les idées de Pierre Sadek omniprésent parmi nous, nous affirmons notre attachement aux libertés, en dépit de toutes les pressions et les menaces », souligne-t-il, exhortant les journalistes à poursuivre leur métier noble envers et contre tout.

À son tour, Omar Sadek, fils de Pierre, perçoit le concours comme une « récompense à la liberté des jeunes générations » qui veulent comprendre et connaître Pierre Sadek. Il est rejoint par notre collaborateur Ivan Debs, illustrateur et membre du jury, qui explique que le concours vise à montrer aux jeunes qu’il est possible de s’exprimer librement loin des moyens habituels, et qu’ils peuvent même faire du dessin leur métier.



Pour mémoire

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Pierre Sadek. Dans la mémoire collective des Libanais, ce nom est naturellement synonyme de talent, d’humour et de politique. Pendant plus d’un demi-siècle, ce maître incontesté de la caricature au Liban a accompagné, par sa plume, le quotidien des gens. Sur les colonnes de notre confrère an-Nahar, ainsi que plusieurs autres quotidiens, Sadek se livrait à un commentaire sarcastique et...

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UN DES PRODROMES DE LA LIBRE EXPRESSION !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 17, le 02 mars 2019

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Commentaires (2)

  • UN DES PRODROMES DE LA LIBRE EXPRESSION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 17, le 02 mars 2019

  • A encourager mille bravos.

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 26, le 02 mars 2019

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