Il n’y a pas que la Saint-Valentin. Il n’y a pas que les messages sirupeux, les ours en polyester et les roses rouges hors de prix qui parlent d’amour. L’amour, c’est. Point. Mais l’amour, c’est quoi au juste ? Qu’est-ce que l’amour aujourd’hui ? Qu’est-ce que l’amour pour les nouvelles générations ? Qu’est-ce que l’amour pour les anciennes générations ? Qu’en est-il des romans, des films, des poèmes ? Des déclarations, des preuves ? De Barthes, Albert Cohen, Tolstoï ? Qu’en est-il de Belle du Seigneur, L’Écume des jours, La Dame aux camélias, Autant en emporte le vent, La Princesse de Clèves ? Qu’en est-il de Casablanca, Annie Hall, Paris Texas, Out of Africa, Jules et Jim ?
À l’ère de Tinder, YouTube, Youporn, de la consommation Kleenex et du manque de temps, l’amour, pour certains, a pris une autre forme. Une forme que n’auraient probablement pas compris Laclos ou Stendhal. Les correspondances ont changé. On ne s’envoie plus de lettres, mais des messages truffés d’emoticons plus incohérents les uns que les autres. On abrège les mots, les phrases. Les déclarations ont pris la forme de messages imagés sur Instagram, de statuts sur Facebook.
On ne passe plus prendre, mais on se retrouve. On swipe et on consomme. On consume les uns, on fait souffrir les autres. Et on disparaît. On baise, on ne baise pas, ou plus. Et l’amour se transforme. Mais peut-on reprocher aux jeunes d’aujourd’hui de ne pas connaître les règles ? De ne pas savoir ce qu’est l’amour que nous connaissons ? Peut-on le leur reprocher quand la plupart d’entre eux n’ont pas été bercés par les mots de la littérature ; bercés par la séparation des amants maudits à Casablanca ? On ne peut pas, et c’est probablement nous qui sommes dans l’anachronisme, accrochés au romantisme noble de la vieille époque.
Les normes ont été redéfinies. Le discours amoureux a changé. Les amours sont devenues plurielles ou peut-être l’ont-elles toujours été, tout simplement. Peut-être que l’interdiction de vivre ces différentes amours qui parsèment nos vies nous a empêché de voir les choses venir. Peut-être avons-nous trop été leurrés par ces récits qui sont probablement le témoignage d’histoires extraordinaires. Ce pourrait donc être les nouvelles générations et les nouveaux codes qui sont dans le vrai. Qui ont compris que l’amour devait être multiple. Qu’il devait se décliner. Qu’il devait se conjuguer à plusieurs temps. Qu’il devait être à la fois rationnel, sexuel, passionnel. Mais pas dans une unicité. Que le désir, le sentiment amoureux, la passion, le mariage se trouveraient dans plusieurs histoires, dans le même temps. Qu’on se devait de séparer le plaisir et un projet de vie commun.
Mais comment donc s’adapter à son temps quand le décalage et le fossé se font de plus en plus grands ? Comment rêver encore quand le leurre n’existe plus ? Comment penser l’amour lorsqu’on n’a pas été abreuvés de princesses et de princes charmants ? Comment le comprendre ? Et comment le vivre ? Et comment parler d’engagement quand plus rien n’engage personne ? Quand les millenials ne veulent pas d’attaches ? Quand les regards ne se croisent que sur un écran ? Quand on ne fait que regarder au lieu de se voir ? Quand le meilleur amant devient Netflix et les compagnons de route, les amis qui nous entourent, et que le choix est immense et les relations rapides ?
Sauf que l’amour, ce n’est pas quelque chose qu’on décide. Ça nous tombe dessus sans crier gare. Au coin d’une rue, au croisement d’un regard. Dans un aéroport, un restaurant. Lors d’une conférence, d’un entretien. Ça brise nos préjugés, nos jugements péremptoires. Ça fait dévier les rails sur lesquels on avait décidé de conduire notre avenir. Ça bouleverse. Ça emporte. Ça fait vibrer. Ça noue les viscères. Ça fait mal. Ça détruit quand on s’était juré de ne plus se laisser souffrir. Ça s’éteint et ça se rallume. Mais il faut être préparé. Même si on ne l’est jamais assez. Il faut être préparé à se faire bouffer tout cru. Préparé aux nuits d’insomnie. À l’attente. À la force de cette révolution qui va foudroyer notre cœur, notre cerveau et notre âme.
Les jeunes ont redéfini les normes, le cadre et le discours. Ils ont balisé leur chemin. Il faut juste se laisser aller à dérailler. Et nous déraillons tous.
Y en a qu'il ne faut surtout pas chatouiller quand on parle d'amour. En faire trop aussi , peut conduire à une indigestion de mjaddara. Lol.
13 h 15, le 16 février 2019