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Lifestyle - Semaine parisienne de la haute couture

Rabih Kayrouz : voir le monde pour s’en souvenir à Paris

Fraîchement adoubé par la Chambre syndicale de la haute couture, Rabih Kayrouz était parmi les premiers à dévoiler ses créations hiver 2019 au sein du calendrier officiel parisien. Son défilé a eu lieu le 21 janvier dans une orangerie contemporaine. Tout un symbole.

Une création Maison Rabih Kayrouz de la collection hiver 2019 présentée à Paris. Stéphane de Sakutin/AFP

Ce rose shocking, schiaparellade incendiée au soleil d’Orient, ce scandale de jaune et d’or crevant la grisaille parisienne, cette métaphore de vert où se cristallise un rêve d’oasis sur les chemins de caravanes, ces prunes de toutes nuances, de la quetsche à la mirabelle et jusqu’au Cinzano mauve qui n’existe que quand on est gris, ce blanc friable qui semble fondre à mesure qu’il avance, ce noir lustré, iridescent, indomptable, ces brocarts tissés dans une légende ottomane… et puis ces textures, ces tressages de vannerie, ces mailles plissées en ondes, comme traversées par un vent de sable, ces transparences en architecture de nuages… et ces coupes généreuses où l’urbain et le nomade se croisent, non pas en fusions confuses mais en citations élégantes et brillantes hybridations. Voilà. Nous reprochera-t-on de n’y trouver aucun reproche ? La collection hiver 2019 de Rabih Kayrouz est une anthologie sublimée de ses plus belles inventions, et ce n’est pas la récente appellation « haute couture » que vient de recevoir sa maison qui changerait quelque chose – en si peu de temps – à la vision de celui qu’on appelle à Beyrouth, depuis ses débuts,

«  le Petit Prince de la mode libanaise », et qu’à Paris on désigne comme « le plus Parisien des couturiers libanais ». De fait, Rabih Kayrouz n’a jamais joué les enfants terribles, infiniment amoureux qu’il est de la femme et simplement attaché à servir sa beauté. S’il n’en est pas moins enclin à certaines prises de risque, celles-ci se traduisent notamment au niveau des structures. Ses tours de main sont de véritables tours de force et souvent ses modèles ne semblent tenir qu’à un fil, mobiles, dansants, car le mouvement est essentiel à son vocabulaire couture.




(Lire aussi : Maison Rabih Kayrouz officiellement labellisée haute couture)



Sous une étoile d’Iznik

« Tu vis en ville et les rues de Paris sont ta respiration. Il y a en toi une poésie des faubourgs. Ces vestes à chevrons que tu aimes et qui te donnent de la morgue. Ce velours épais, côtelé, à l’humeur littéraire. Tu pourrais ainsi te promener sur les bords de Seine. Tu rêverais près du fleuve. Tu rêverais de partir ? Tu aimerais tant voir ce qu’il se passe au bout du monde. Tu en rapporterais des brocarts lumineux pour amuser tes pantalons. Tu broderais des rubans d’or pour en faire des jupes de soleil. Tu aimerais tant revoir sur une robe les dessins délicats d’une porcelaine d’Iznik, ceinturer ta taille de soie légère, te nimber dans des voiles ottomans. C’est ainsi que tu vois le monde, pour t’en souvenir à Paris » : le manifeste est à l’image de la collection, une poétique invitation au voyage. Infuser d’Orient la rigueur occidentale, entre volumes généreux et fluidités évanescentes, injecter ces ors opulents, ces palettes impertinentes, ces nervures sensuelles et sensorielles, appeler la caresse, combler les yeux, réjouir la peau, jeter Byzance, l’air de rien, sur une époque désenchantée, est pour Maison Rabih Kayrouz (MRK) bien plus qu’une esthétique, un sacerdoce.


(Lire aussi : Les 16 artistes libanais qui ont fait 2018)


« Je jouais avec un ruban doré »

« Après l’annonce de notre désignation haute couture, j’ai ressenti le besoin de défiler dans un lieu neutre, sans passé, comme pour ouvrir une nouvelle page », confie Rabih Kayrouz, encore porté par l’adrénaline du défilé. C’est ainsi que le couturier, en quête de ce lieu « blanc », porte son choix sur une orangerie, une serre contemporaine, située parc André-Citroën, où l’on préserve du froid les solaires orangers pour les ressortir au printemps. Sous le signe du soleil donc, au rythme d’une composition d’Agnès Olier, des femmes jeunes ou moins jeunes, mannequins professionnels ou amies de longue date qui ont emmené d’autres amies, ont présenté l’hiver selon MRK. Bianca Li, danseuse, chorégraphe, metteuse en scène, ou Charlotte, qui avait déjà fait le voyage en 2005 à Beyrouth pour un shoot autour de « Beyrouti », l’une des collections fétiches de Rabih Kayrouz, ou encore Amalia qui fut mannequin durant 27 ans pour Yves Saint Laurent, emmenée par Charlotte qui a aussi emmené Simon, son frère. Un homme ? Pourquoi pas, se dit Kayrouz, ou plutôt « yalla !  » dans le langage savoureux qui est le sien. Le couturier confie que dans cette collection qui célèbre le voyage, la pièce maîtresse est le manteau qu’il a voulu viril, pour la force de la structure, et même taillé sur un buste Stockman masculin. Entre autres détails, Kayrouz nous a révélé le secret de fabrication de ces incroyables robes dorées qui semblent tressées comme des chapeaux ou des paniers : « Je jouais avec un ruban de passementerie et j’imaginais ce qu’on pourrait en faire. Nous en avons commandé un métrage phénoménal et nous avons tourné les rubans et nous les avons travaillés en vannerie, moulés sur des bustes et chauffés au fer avant d’assembler les patrons. La robe présentée en finale représente à elle seule 250 heures de travail. Comme quoi la haute couture n’est pas uniquement une question de couture. » Kayrouz nous a confié par ailleurs que le motif d’étoiles brodé sur l’un des brocarts provient d’une céramique d’Iznik. « Quand je l’ai présenté au soyeux lyonnais chez qui nous faisons broder nos tissus, il a souri et m’a montré d’authentiques échantillons ottomans issus des archives de cette maison fondée au début du XIXe siècle, déjà fournisseur de la Sublime Porte. »

Une collection est toujours une aventure et un saut dans le vide. Pour Maison Rabih Kayrouz, le défilé parisien représentait cette saison un enjeu de taille : se montrer à la hauteur d’un savoir-faire qui lui est pourtant naturel. Comme toujours, à la beauté de ce défilé s’est ajoutée l’émotion d’une déclaration d’amour aux femmes de tous âges, toutes représentées, et de tous horizons.




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Ce rose shocking, schiaparellade incendiée au soleil d’Orient, ce scandale de jaune et d’or crevant la grisaille parisienne, cette métaphore de vert où se cristallise un rêve d’oasis sur les chemins de caravanes, ces prunes de toutes nuances, de la quetsche à la mirabelle et jusqu’au Cinzano mauve qui n’existe que quand on est gris, ce blanc friable qui semble fondre à mesure...

commentaires (3)

Un article taillé sur mesure pour être lu le sourire aux lèvres de plaisir et de fierté. Il était temps Fifi!

Tina Chamoun

18 h 33, le 23 janvier 2019

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Commentaires (3)

  • Un article taillé sur mesure pour être lu le sourire aux lèvres de plaisir et de fierté. Il était temps Fifi!

    Tina Chamoun

    18 h 33, le 23 janvier 2019

  • C est tres special. Souhaitons lui Bonne Chance .

    Cadige William

    09 h 15, le 23 janvier 2019

  • Oufffffff enfin quelque chose de gai venant de Fifi. Fallait il un couturier pour cela ?

    FRIK-A-FRAK

    04 h 22, le 23 janvier 2019

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