Le Liban est pluriculturel, pluriconfessionnel, plurilinguistique, pluri-tout, en fait. Cette multitude de qualificatifs font notre spécificité et rendent notre petit pays charmant. Si, aujourd’hui, le fossé se creuse de plus en plus entre les Libanais, que ce soit à cause de différences sociales, économiques, religieuses, culturelles ou politiques, il subsiste encore des choses, ces petits riens, qui nous unissent. La nourriture bien évidemment, mais aussi les traditions.
Le 6 janvier, on célébrait à la fois l’Épiphanie et la Noël arménienne. Repas familiaux et galettes des rois étaient au menu. Mais pas seulement. Dans la nuit que l’on appelle leylet el-ader à l’instar de celle qui existe lors des 10 derniers jours du ramadan, les lumières ont scintillé sur les balcons de certaines maisons. Il fallait allumer son extérieur parce que le Christ allait rendre visite à ses fidèles. Balcon éclairé et prières des mères pour leurs enfants. Retrait du sapin aussi (certains le retirent le 2 février désormais), ce sapin qu’on avait installé à la Sainte-Barbe. Berbara, son ame7, ses déguisements et les portes auxquelles on frappe, mais aussi ses atayef. Au Liban, nous avons des douceurs pratiquement pour chaque célébration. Maamoul à Pâques et durant le ramadan où l’on mange des kellèjes et du amareddine également. Du méghli aux naissances et à Noël, une soupe de blé et de 2loubet pour la snayniyé. Sans parler des dragées et des chocolats quand on se fiance, on se marie ou on accouche. Et, bien évidemment, des baklavas toutes les fois qu’on fête quelque chose.
C’est qu’on a le sens de la fête, dans tous les sens du terme. Tout est occasion de festoyer. Les fiançailles quand le jeune homme demande la main de sa dulcinée, qu’il ramène ses parents chez elle pour une demande officielle. Sachant que c’est sa famille à elle qui s’occupe des fiançailles, et sa famille à lui qui prend en charge le mariage. Le mariage, justement, où les traditions et autres superstitions se succèdent. Les femmes de la famille du marié viennent la chercher de chez elle, où se trouvent également toutes ses amies. La belle-mère offre une parure, un collier ou un quelconque bijou. Puis viennent la zaffé, les ewiihaa de la zalghouta, la messe, le katb el-ktèbe, la nuit de noces où la jeune femme utilisera certains accessoires de son jihèse (trousseau qui comporte draps, chemises de nuit et un tailleur noir pour les condoléances) et l’entrée dans la maison conjugale où elle mettra au-dessus de sa porte une 3ajiné (pâte de levure) dans laquelle elle aura inséré une pièce pour la prospérité de son foyer. Un 2eyn si elle croit au mauvais œil, un balai pour dégager les mauvais esprits et une petite médaille au seuil de la porte principale. Dans certains villages, subsistent les batailles de zajal, laylet al-henné, raddel ejer, ou quand la jeune mariée rend visite à ses parents pour la première fois depuis son nouveau statut. Ces traditions ont du bon. Tout comme lorsqu’on déménage et qu’on fait bénir sa nouvelle maison, qu’on accroche la chaussure de son enfant à l’arrière de sa voiture pour se préserver des accidents. Qu’on reçoit des visites lorsqu’un enfant apparaît, qu’on offre des souvenirs de naissance et que, lorsque la première dent pointe le bout de son nez, on prépare une snayniyé. Comme lorsqu’on mange un plat blanc pour la nouvelle année, un agneau pascal à Pâques, un kharouf à l’Adha, que l’on égorge également à chaque grande occasion.
Il y a ces traditions, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, ou propres à tous les Libanais, que l’on perpétue sans en connaître parfois la signification ou l’origine. Il y a la Chaaniné, jour des Rameaux où petites filles et petits garçons sont bien habillés et arborent un joli cierge qu’ils échangeront contre une branche d’olivier. Il y a la tournée des 7 églises et khamis el-sakara, trois jours avant le début du Carême, censé être le jour du souvenir, mais que tout le monde célèbre dans l’ivresse. Il y a les s7our et les iftars où l’on partage à plusieurs de beaux moments de convivialité et de générosité. Il y a les rituels des condoléances, les boué7ir pour connaître les prévisions météorologiques des mois à venir. Et les proverbes qui accompagnent tous ces us et coutumes.
Ces moments-là nous (ré)unissent. Nous rapprochent. Et nous rassurent. Ils sont les indéfectibles liens à notre passé et à notre histoire. Nous en avons besoin. Encore plus aujourd’hui.
Du plus loin que je me retrouve, par moins 18o de froid, dans les glaces et les neiges, votre article est un rayon de soleil, toutes ces coutumes oubliées dans ces pays lointains qui ne les connaissent pas du tout, m'ont fait rêver et oublier que je viens de ces contrées qui ont encore des traditions généreuses de partage et de joies communes. Quel bon sujet à débattre par ces temps sinistres que nous traversons à travers la terre entière... Au Liban, tout se fête, c'est continuel et enrichissant. Merci pour avoir trouvé un parfait sujet pour retrouver une certaine sérénité.
22 h 51, le 12 janvier 2019