Le président libanais, Michel Aoun, entouré par le Premier ministre, Saad Hariri (d) et le président du Parlement, Nabih Berry, le 6 février 2018 au palais de Baabda. Photo Dalati et Nohra
Commencée dans la fièvre électorale, l’année 2018 se termine sur une déception. Un survol rapide pourrait pousser à croire que le Liban a passé la plus grande partie de l’année dans l’attente, d’abord de la tenue des élections législatives, puis de la formation du gouvernement. Mais 2018 a été riche en développements, notamment sur le plan de la consolidation de l’État et de la cohésion autour de certains dossiers, comme ceux de l’armée et de la sécurité, des ressources pétrolières et gazières, ainsi que de l’affaire des tunnels et des dépôts d’armes du Hezbollah, lancée par les Israéliens.
Au cours de cette année, le chef de l’État, le général Michel Aoun, a redonné au palais de Baabda sa place sur le plan des décisions. C’est peut-être d’ailleurs là que réside la clé des nombreux obstacles qui ont entravé son action. En même temps, il n’a cessé de chercher à relancer les institutions, à travers notamment la tenue des élections et l’adoption de la loi sur le budget.
L’année 2018 a commencé par une crise, celle du décret de promotion des officiers, qui a opposé le chef de l’État au président de la Chambre Nabih Berry à travers le ministre des Finances Ali Hassan Khalil qui voulait signer le décret, alors qu’il n’entraînait aucune charge financière pour le Trésor. Cette crise a mis en évidence les relations difficiles entre le président Aoun et le chef du législatif. Mais derrière le problème des « ego » se profile un refus de la part des forces politiques de redonner au chef de l’État un rôle prépondérant, sachant que depuis l’adoption de l’accord de Taëf, il a perdu une partie de ses prérogatives, et que les présidents qui se sont succédé à la tête de l’État libanais depuis 1989 n’ont pas cherché à modifier le nouveau rapport de forces dû à la fois à la nouvelle Constitution et à la personnalité hors normes du Premier ministre assassiné Rafic Hariri. Le seul qui avait tenté de faire bouger les choses en s’appuyant sur le soutien du président syrien Hafez el-Assad avait été Émile Lahoud, mais il s’est retrouvé isolé à partir de février 2005.
Les efforts du président Aoun ont donc été consacrés, tout au long de l’année 2018, à rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’État, et en particulier de l’exécutif, en cherchant à exploiter toutes les subtilités de la Constitution, sans toutefois toucher au texte. Il bénéficiait au début de l’appui du Premier ministre Saad Hariri, avec lequel il avait renforcé sa relation depuis l’épisode de « la démission de Riyad » (novembre 2017). Le président Aoun s’est donc essentiellement heurté au président de la Chambre dont le rôle était devenu prépondérant au cours des dernières années en raison du fait que le Hezbollah, occupé à l’extérieur du pays, lui avait délégué tous les dossiers internes, de même que le chef de l’État s’est aussi heurté à l’allié indéfectible de M. Berry, le leader du PSP Walid Joumblatt. Il a d’ailleurs fallu attendre le dernier trimestre 2018 pour que les relations entre le président Aoun et M. Joumblatt s’améliorent et se stabilisent dans une coopération positive, après notamment l’entente sur la part de Joumblatt au sein du gouvernement en gestation. De même avec M. Berry, les relations se sont nettement améliorées, grâce aux positions communes sur les questions stratégiques.
Le président Aoun s’est donc heurté à ceux qui l’accusaient de vouloir modifier le système, et à ceux qui ne voulaient pas de sa guerre déclarée contre la corruption, sans le dire ouvertement. Un tollé médiatique et politique a ainsi surgi après l’adoption du décret sur les naturalisations, mais il s’est tassé après quelques rectifications sur ce plan.
Il reste que le fait marquant de 2018 réside dans la tenue des législatives en mai. Toutefois, les Libanais n’ont pas saisi la chance que représentait pour eux le mode de scrutin proportionnel. Il y a eu 51 % d’abstention et, au final, un Parlement légèrement modifié en faveur du 8 Mars et alliés.
La seconde moitié de l’année a été consacrée à la gestation d’un nouveau gouvernement. Mais il y a eu en outre des développements importants, notamment le refus présidentiel de céder 45 % du bloc 9 aux Israéliens malgré la demande expresse du secrétaire d’État américain de l’époque Rex Tillerson. Il y a eu aussi deux conférences internationales, celle de Rome 2 pour l’armée et celle de Paris (CEDRE) pour la relance de l’économie. En parallèle, le chef de l’État a mené, sur toutes les tribunes internationales, de New York à Erevan en passant par Strasbourg, une bataille pour le retour chez eux des déplacés syriens, initiant un début de retour, malgré les réserves de la communauté internationale. Cette bataille devrait se poursuivre en 2019, alors que des échéances importantes attendent le Liban, avec la tenue du sommet économique arabe en janvier à Beyrouth, sur fond de relations libano-syriennes compliquées et de crise économique et sociale... Sans parler de l’absence de gouvernement !
commentaires (7)
Il est tout à fait normal que les nouvelles donnes régionales poussent à un rééquilibrage national. Pourquoi chercher midi à quatorze heure, la résistance du hezb a pris tous les risques, a su réussir dans ses différentes entreprises et on voudrait que cela soit pour des prunes ? Le PHARE AOUN a su choisir son camp, tout visionnaire qu'il est. Je ne m'explique pas ce sarcasme bala ta3meh. Heureux de vous lire à nouveau Scarlett, bonne année.
FRIK-A-FRAK
00 h 03, le 08 janvier 2019