Rechercher
Rechercher

Liban - Hommage

Sami el-Solh, patriote sans concession

À l’occasion du 50e anniversaire de son décès, LibanPost a lancé un timbre postal à l’effigie de l’ancien Premier ministre.

Bain de foule à Bourj Abou Haïdar pour Sami el-Solh, lors de la fête d’al-Adha, en 1957.

À l’heure où les responsables politiques font primer leur sensibilité communautaire et leurs calculs personnels sur leur appartenance nationale, il manque cruellement au Liban un homme comme l’ancien magistrat, Premier ministre et député Sami el-Solh, qui a œuvré pour l’intérêt des citoyens et du pays sans jamais tenir compte de son appartenance confessionnelle ou de ses intérêts privés. Pour rendre hommage à ce grand patriote à l’occasion de la 50e commémoration de sa mort (1968), la société LibanPost, dirigée par Khalil Daoud, a lancé hier, en coordination avec le ministère des Télécommunications, un timbre postal à son effigie, au cours d’une cérémonie organisée au Grand Sérail, parrainée par le chef du gouvernement Saad Hariri, qui était représenté par l’ancien Premier ministre Fouad Siniora.

Premier ministre à huit reprises – une fois sous le mandat français, deux fois à l’ère de l’indépendance et cinq fois sous le mandat de l’ancien président Camille Chamoun –, Sami el-Solh a rempli ses missions avec l’honnêteté et le sens de la justice inhérents à sa carrière de magistrat qu’il avait menée durant 22 ans. Il a continué jusqu’en 1968 à servir son pays en tant que député de Beyrouth élu en 1964.

Le chef du Parti national libéral (PNL), Dory Chamoun, garde de lui le souvenir d’« un patriote, fidèle à ses principes, en dépit de toutes les intimidations dont il a fait l’objet ». « Il avait les nerfs solides », se souvient M. Chamoun, interrogé par L’OLJ, indiquant que « son opposition au projet de la République arabe unie (RAU – Égypte et Syrie) lui a valu de voir sa résidence à Basta incendiée par des partisans nassériens, sans que cela puisse le convaincre de faire intégrer le pays dans cette union ». « Il n’a pas cédé à la pression de la rue musulmane qu’avaient enflammée en 1958 les partisans de Gamal Abdel Nasser », ajoute-t-il, soulignant qu’« il considérait que le Liban avait payé trop cher son indépendance pour qu’il soit englobé dans un tel plan ». Salim Yassine, petit-fils de l’ancien Premier ministre, indique que le refus catégorique exprimé par son grand-père « s’inscrit dans son engagement à rester fidèle au pacte national de 1943 conclu à l’occasion de l’indépendance, selon lequel les musulmans s’engagent à ne pas faire fondre le Liban dans les projets unionistes arabes, et les chrétiens acceptent de renoncer à la protection étrangère ».

« Il avait activement participé aux manifestations ayant conduit à l’indépendance, réclamant la libération des responsables politiques détenus alors à Rachaya », indique Sami el-Solh, son autre petit-fils, qui évoque également un autre aspect de son courage : « Il s’est fermement tenu aux côtés de Camille Chamoun en 1958, lorsque ses coreligionnaires sunnites, menés par Abdallah Yafi, Saëb Salam et (le leader druze) Kamal Joumblatt, réclamaient le départ de l’ancien président. » « Ceux-ci lui ont proposé de rejoindre les rangs de l’opposition pour le réhabiliter, mais il a refusé », poursuit M. Solh, faisant savoir que « bien plus tard, en 1971, Saëb Salam a participé avec l’ancien président de la République Sleiman Frangié au dévoilement d’une statue érigée en sa mémoire dans l’avenue qui porte son nom à Beyrouth ».

« Baba Sami »

C’est que ce leader sunnite était très apprécié et aimé. « Sa fonction politique a été influencée par sa carrière de juge au cours de laquelle il a côtoyé les problèmes des gens et s’est préoccupé de justice sociale », note M. Yassine, indiquant qu’outre « Sami Beik », on l’appelait « Baba Sami », « le père des pauvres », ou encore « le gouvernement du pain ». Et de raconter cette anecdote : « Lorsqu’en 1942 il a été nommé Premier ministre sous le mandat de l’ancien président de la République Alfred Naccache, en pleine crise économique et pénurie alimentaire, il s’est rendu en Syrie pour demander des ravitaillements, mais ce pays n’a pu lui procurer que vingt camions de blé. Rentré au Liban, il a annoncé publiquement que de multiples cargaisons allaient bientôt débarquer, ce qui a conduit les riches commerçants à ne plus cacher leurs marchandises et à les faire écouler sur le marché. »

« C’était un homme d’État qui savait faire l’intérêt de son pays », souligne encore M. Yassine. « À son époque, le Liban a adhéré à la doctrine Eisenhower consistant à lutter contre le communisme grâce à des aides économiques apportées aux États qui refusaient l’introduction de ce régime », ajoute-t-il, notant que Sami el-Solh « a également favorisé la justice sociale par d’autres moyens, notamment en participant à l’élaboration de lois dans le domaine du droit du travail ».

Salim Yassine évoque par ailleurs des scènes de la vie personnelle de son grand-père, qui montrent comment celui-ci défendait les plus vulnérables. « Alors que comme à son habitude il se rendait à pied au Grand Sérail, venant de son domicile situé à Basta, il a donné un jour une gifle à son garde du corps parce qu’il a brutalisé une femme qui a abordé (Sami el-Solh) dans la rue pour lui demander un service. » « Si tu veux faire le matamore, ne le fais surtout pas face à des femmes sans défense », l’avait-il réprimandé. M. Yassine affirme dans le même esprit que Sami el-Solh ne pouvait supporter de voir souffrir une créature, même un animal. « Alors qu’il se déplaçait une autre fois à pied, il a rencontré un boucher qui égorgeait un veau. Il lui a enjoint de mettre fin à son acte, lui demandant s’il aurait voulu que son fils subisse le même sort ! »

Visionnaire

Plus de 500 personnes ont assisté à la cérémonie commémorative, notamment le ministre sortant des Télécommunications, Jamal Jarrah, les présidents du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, respectivement Jean Fahd, Henry Khoury et Issam Sleiman, et des personnalités du monde politique, militaire et partisan. Dans l’allocution qu’il a prononcée, Abdel Rahmane el-Solh, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe et fils de l’éminent homme d’État, a évoqué le caractère visionnaire de son père, indiquant que ce dernier « avait mis en garde contre une explosion, une dérive vers un destin inconnu dans le cas où la tromperie politique et l’usurpation de l’argent du peuple persistent » au Liban.

Quant à M. Siniora, il a rendu hommage à « cet homme dont le souvenir est toujours présent dans la conscience de la patrie et dans l’histoire de Beyrouth ». Il a évoqué des passages de l’ouvrage du disparu, dans lesquels il déplore la situation politique et socio-économique qui prévalait en 1968, et qui, selon M. Siniora, rappelle beaucoup la situation actuelle. « Il pensait que les droits des gens ne sauraient être restitués sans une révolution de la conscience », a noté M. Siniora, appelant les responsables actuels à « ne plus transgresser les lois ».


Pour mémoire

Solh, Karamé, Salam et Hariri : ces dynasties de Premiers ministres


À l’heure où les responsables politiques font primer leur sensibilité communautaire et leurs calculs personnels sur leur appartenance nationale, il manque cruellement au Liban un homme comme l’ancien magistrat, Premier ministre et député Sami el-Solh, qui a œuvré pour l’intérêt des citoyens et du pays sans jamais tenir compte de son appartenance confessionnelle ou de ses intérêts...

commentaires (2)

D'abord respects à ces Messieurs patriotes et des grands visionnaires. Une fois pour toute disons-le avec franchise. Il n'y aura jamais, au grand jamais une fédération ou une forme d'union de pays arabes pour des raisons evidentes, d'intérêts propres, culturelles, politiques et autres. Une Syrie noyée dans un Égypte de 80 millions d'habitans qui ne partage pas vraiment le même dialecte, la même culture "pharaonnique" les mêmes visions du futurs, la même conception de la culture de la religion ou encore de centaines d'autres raisons ... Il en est de même entre le Liban et la Syrie, malgré la proximité il y a une infinie diversité et différences entre les deux peuples qui empêcheraient une telle sautise et dilemme insoluble. Que dire encore entre les pays du Maghreb et le Golf ... Il y a certes une volonté de certains pays de dominer d'autres pays, pacifiquement et culturellement mais il n'existe pas un tronc commun assez riche et solide pour de tels projets viables. Il n'y à pas non plus une classe d'intellectuels favorables à une fusion de pays. On en est très très loin.

Sarkis Serge Tateossian

16 h 05, le 29 décembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • D'abord respects à ces Messieurs patriotes et des grands visionnaires. Une fois pour toute disons-le avec franchise. Il n'y aura jamais, au grand jamais une fédération ou une forme d'union de pays arabes pour des raisons evidentes, d'intérêts propres, culturelles, politiques et autres. Une Syrie noyée dans un Égypte de 80 millions d'habitans qui ne partage pas vraiment le même dialecte, la même culture "pharaonnique" les mêmes visions du futurs, la même conception de la culture de la religion ou encore de centaines d'autres raisons ... Il en est de même entre le Liban et la Syrie, malgré la proximité il y a une infinie diversité et différences entre les deux peuples qui empêcheraient une telle sautise et dilemme insoluble. Que dire encore entre les pays du Maghreb et le Golf ... Il y a certes une volonté de certains pays de dominer d'autres pays, pacifiquement et culturellement mais il n'existe pas un tronc commun assez riche et solide pour de tels projets viables. Il n'y à pas non plus une classe d'intellectuels favorables à une fusion de pays. On en est très très loin.

    Sarkis Serge Tateossian

    16 h 05, le 29 décembre 2018

  • Y-a-t-il encore de politiques de ce calibre aujourd'hui?

    Shou fi

    08 h 49, le 28 décembre 2018

Retour en haut