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Liban - Social

À Tripoli, Offre-Joie s’engage à « bâtir des ponts » entre les citoyens

Volontaires, ouvriers et habitants du quartier de Baal Darwiche s’activent pour effacer les stigmates des conflits armés et compenser l’absence des pouvoirs publics.


Chaque vendredi soir, quelques dizaines de volontaires – libanais ou d’autres nationalités –, notamment des jeunes filles – se retrouvent dans l’un des centres d’hébergement d’Offre-Joie pour se rendre le lendemain à Tripoli. Le temps d’un week-end, les volontaires consacrent leur temps libre pour recréer un lien social en réhabilitant un quartier défavorisé de la principale ville du nord du Liban. L’initiative, lancée depuis 2002 par Offre-Joie dans ce territoire négligé, constitue une implication de longue haleine pour le collectif.

Samedi matin, dès 7 heures, les volontaires se rendent à Tripoli à bord d’un minibus d’Offre-Joie. Sur les lieux du quartier à rénover, on ne peut qu’être frappé par les façades défigurées par les obus tombés lors des conflits qui avaient opposé entre 2008 et 2014 les miliciens des deux quartiers alaouite et sunnite de la ville.

Le travail d’Offre-Joie se fait sur plusieurs fronts : du ravalement des façades jusqu’à la remise en état d’escaliers tombant en ruine, en passant par le rétablissement des canalisations… Les travaux s’enchaînent toute la journée. Des chaînes humaines sont formées pour faire monter des parpaings à travers les étages des immeubles désaffectés ou des seaux remplis de béton préparé à même le sol.

Les traces de combats sont partie prenante du quotidien des habitants comme une réaction épidermique mal soignée. Des plus vieux, jouant aux cartes dans la rue, aux enfants rentrant de l’école, personne n’échappe à cette violente réalité devenue ordinaire. Il s’agit pour les ouvriers, les volontaires et les riverains de venir à bout de ces lésions visibles attisées et entretenues par la spirale d’une violence aveugle. Cette force constituée par Offre-Joie se compose dans la conjugaison entre le travail rémunéré des ouvriers et celui de bénévoles venus prêter main-forte. Ce stratagème coordonné en amont permet aux professionnels du métier de prouver leurs compétences tout en transmettant aux volontaires leur savoir-faire.


Déclencher une réaction positive et sincère

L’association est connue par tous les habitants de la ville pour son engagement dans le rétablissement du dialogue grâce à la réduction de l’insalubrité. Cela est d’ailleurs évident lorsqu’on se balade dans les rues de Tripoli. Les regards se fixent sur les célèbres salopettes bleues d’Offre-Joie comme on fixe sa concentration sur un proche ou une célébrité. Ce défi humain et sanitaire est implacablement relevé par le collectif, mais aussi, encore une fois, par les habitants du quartier qui, voyant défiler des individus étrangers, se montrent davantage concernés.

Pour exemple, les deux journées de présence d’Offre-Joie permettent la métamorphose d’un lieu en commun situé entre un immeuble et un pan de rocher. Débordant de déchets en tout genre, allant des chaussures pour enfant à la bouteille plastique, l’opération a consisté à extraire ces déchets afin de couler une dalle de béton pour rendre cet espace à nouveau viable. « Je n’aurais jamais mis les mains dans ces déchets, mais quand j’ai vu les volontaires le faire, j’ai eu honte », confie un des résidents participant aux travaux. Cette réaction fait corps avec la démarche d’Offre-Joie qui entend déclencher une prise de conscience dans les esprits. Dans tous les cas, les habitants de l’immeuble se sont engagés à ne plus jeter, même « un mouchoir blanc » dans cette cour. Preuve que les mentalités peuvent évoluer vers davantage de citoyenneté.


Bâtir pour apaiser

Ce dialogue renoué est perceptible entre deux figures majeures des communautés alaouite et sunnite. Ali et Fouez se sont affrontés par le passé, mais aujourd’hui, aux côtés de Melhem Khalaf dans le rôle de médiateur, ils s’entendent pour mener jusqu’au bout la rénovation du quartier. Melhem Khalaf passe pour « un fou » à son arrivée en 2002, mais depuis cette date, les deux constatent une amélioration. « Avec le temps, les gens ont retrouvé la joie et les enfants des deux communautés se réunissent pour jouer ensemble », confie Ali. Selon Fouez, Offre-Joie a « apporté une discipline ainsi qu’une éthique de vie qui n’existaient quasiment pas auparavant ».

Existe-t-il des regrets après toute cette violence gratuite ? « Tout le monde regrette, et on voit même des mariages mixes se faire, ce qui favorise l’entente entre nous », explique Ali. Désormais, grâce à la participation de Melhem Khalaf, « tous les jours il y a des rencontres entre nous, surtout au stade de foot », raconte pour sa part Fouez, fervent supporter de l’Argentine. À la question de savoir si, avec le départ de l’association, ce dialogue demeurerait, les deux cadres répondent positivement. Pour autant, ces derniers n’attendent rien de l’État et estiment s’en sortir « très bien sans … ».


« L’homme comme une priorité »

Offre-Joie se traduit, en arabe, comme « la joie du don », et « il s’agit avant tout d’une famille, ce ne sont pas que des mots, mais bien une réalité, l’important n’est pas le seau que l’on transporte, mais le fait de changer l’humanité ». Voilà comment Melhem Khalaf présente donc Offre-Joie, créée en 1985 après dix années de guerre civile au Liban. Au départ, l’objectif était de rassembler au sein d’une colonie de vacances des enfants venus de la communauté chrétienne et de la communauté musulmane.

« Offre-Joie n’est pas une association ou une ONG, il s’agit, avant tout, d’une certaine vision de la vie », affirme Melhem Khalaf. L’instruction et la sensibilisation à un message de paix chez les plus jeunes constitue un vecteur majeur pour imaginer et penser un avenir pour le Liban. À travers le triptyque « amour, respect, pardon », Offre-Joie incarne l’espoir d’une société basée sur le dialogue et la médiation, aux antipodes des conflits qui ont meurtri le pays.

Ce projet se rapproche sous divers aspects de la légende amérindienne du colibri diffusée par le paysan philosophe franco-algérien Pierre Rabhi. Alors que la forêt brûle, les animaux fuient l’incendie. Un colibri entreprend d’éteindre les flammes ravageuses en puisant l’eau du lac avec son petit bec comme seul outil. Les autres animaux se moquent alors de cette opération vouée à l’échec pour dompter le feu. Malgré les avis qui divergent sur le dénouement accordé à cette fable, le colibri répond qu’il « fait ma part » pour venir à bout de la catastrophe. À Tripoli, l’association tente de cette manière de faire sa part. Chaque week-end, pendant quelques semaines encore, Offre-Joie se retrouve pour venir à bout des séquelles, et toutes les personnes souhaitant aider sont les bienvenues.


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