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Culture - Exposition

Alfred Basbous, sculptures dociles pour matières rebelles

Une cinquantaine d’œuvres du maître du burin, de la râpe et des forges, pavoisent dans l’espace lumineux de la galerie Mark Hachem. De Rachana à Beyrouth, un ouragan passe à travers le souffle puissant de ces œuvres échappées aux archives de la fondation éponyme.

Alfred Basbous, sculpture en marbre lie-de-vin. DR

Depuis 2014, les œuvres d’Alfred Basbous, décédé en 2006 à l’âge de 82 ans, n’avaient pas été exposées en solo. Après une longue tournée réussie à l’étranger, de Berlin à Londres en passant par Sotheby’s Hong Kong, après les éloges de la critique et de la presse ainsi que d’un public conquis par cette voix aux multiples résonances, ces sculptures reviennent aujourd’hui à la maison Liban.

Aériennes ou trapues, lisses comme une peau de serpent ou rêches comme l’écorce des arbres, caresses furtives ou claques administrées d’une main de fer, interrogations ou valeurs bien assises ? Ces œuvres restent indépendantes mais surtout libres et libérées du temps, des coteaux et des routes escarpées des montagnes qui surplombent Batroun. Avec une identité certes marquée du sceau du pays du Cèdre, mais bien entendu appartenant aussi à l’universel.

Le maître de la pierre et du bois offre au public de la galerie Mark Hachem un univers où l’art, la nature, le bestiaire et l’humain voisinent en une représentation entre symbolisme et parfois un certain réalisme. Œuvre singulière et élégante, dominée par l’harmonie et l’équilibre des volumes, des lignes, des masses et un subtil contraste du plein et du vide.

Sur des socles d’une blancheur immaculée, les sculptures noires, blanches, grèges, grises, couleur de terre cuite, orangé-brique, lie-de-vin, sont échappées aux strates du bois, à la gangue et patine du bronze, au cœur dur (parfois tendre et friable) de la pierre sableuse, du marbre veiné ou clair (de Jordanie, de Carrare), du basalte, de la testa, de l’aluminium martelé, du gibson laiteux, de la terre glaise, de l’argile, de l’ardoise formatée aux contours des désirs et de l’inspiration de l’artiste…

Une œuvre qui a évolué lentement mais sûrement en ce fructueux laps de quarante années entre 1960 et l’an 2000. Des rigueurs classiques aux besoins figuratifs pour aboutir à un minimalisme abstrait d’une extrême concision et efficacité, la route aura été certes semée d’embûches et sujette à moult interrogations, doutes et certitudes, mais la voie est à présent ouverte et l’idée claire comme du cristal.Pour l’accueil de cette exposition, dès la porte d’entrée, un panaché de créations qui vont d’un immense panneau bas-relief en aluminium – exposé pour la première fois, avec des villes mortes et ressuscitées ! – ( 2 m 30 x 80 cm) à la Femme flamme, luisante pierre sombre qui s’élance en étincelle jaillissante et qui fait songer à une touche de Brancusi. Et s’égrène devant le visiteur cette forêt enchantée où les animaux familiers, silencieux mais éloquents, racontent les paysages d’une terre battue par le vent où se répandent les parfums de la sauge, du thym et du romarin. Une chauve-souris, un taureau, une vache, un papillon se tiennent cois devant des totems qui se dressent droits, courbés ou en spirales.

Alfred Basbous, se dégageant de sa fratrie (touchante, cette sculpture des trois frères à capeline, tels des pèlerins dans un conte fantastique...), se confie à la pierre pour son rapport à la femme. Sensualité, tendresse, courbes suggestives, taille élancée ou odalisque endormie, la femme est ici source nourricière et muse incantatoire.

Apprivoisement

On ne pourrait clore cette ronde sans évoquer les portraits. D’abord les traits de Marie, sa femme, en terracotta, mais aussi pour la première fois son autoportrait, en testa bouchardée. On découvre aussi le visage de Youssef el-Khal et celui de Nayla Moawad. On apprécie dans cet exercice de portraitiste le sens de l’observation, le détail pertinent, le trait révélateur, l’expression juste et non approximative, l’approche guère anodine d’une personnalité… Et en parlant de personnalité, c’est ce que révèle cette exposition posthume qui sans être une rétrospective, avec ses neufs dessins ou esquisses au fusain (38 cm x 14 cm), jette la lumière sur un artiste qui avait un rapport passionné avec les matières rebelles. Et qu’il a appris à apprivoiser pour concrétiser ses rêves.

Par-delà ce que les critiques avancent comme noms de sculpteurs (Arp, Rodin, Moore) qui ont marqué de leurs sceaux ou influences ces travaux toutefois bien personnalisés de l’enfant de Rachana, il y a là une découverte du traitement avec les divers matériaux utilisés. Une sorte d’algorithme pour saisir la sensibilité et le rapport de l’artiste à la matière.

Une exposition riche et qui comme un mouvement de kaléidoscope giratoire permet aux visiteurs de (re)découvrir l’œuvre, la personnalité et les sources d’inspiration d’un des plus fervents sculpteurs libanais dont le brillant avant-gardisme n’a jamais été de mise et n’est plus à prouver.

Galerie Mark Hachem

Imm. Capital Gardens, rue Salloum, Mina el-Hosn.

Sensible expression, d’Alfred Basbous, jusqu’au 20 novembre 2018.


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