Ces derniers jours, une image a circulé sur les réseaux sociaux montrant les résultats d’un test effectué sur l’eau d’un des quartiers de la banlieue sud de Beyrouth, avec l’inscription : « Non conforme aux normes ». L’échantillon avait été prélevé par un particulier vivant dans un des quartiers de Haret Hreik, qui a indiqué sous le sceau de l’anonymat au site Lebanon Debate que cette eau polluée provient tantôt de puits artésiens privés, tantôt du réseau de l’État, mais que la mauvaise qualité est la même dans les deux cas. Il précise également que les tests ont été effectués par l’Institut de recherches agricoles du Liban (IRAL), organisme public, qui a conclu « à la présence de pollution bactériologique dans l’eau ».
Ce qui a provoqué le ras-le-bol des habitants de ce quartier, c’est l’hospitalisation de nombre d’entre eux au courant des semaines passées, et la conclusion des médecins qui suspectent un lien avec la consommation de l’eau. Or le problème s’est généralisé et il n’est pas nouveau, indique à L’Orient-Le Jour Ali Darwiche, président de l’association écologique Green Line et habitant de Haret Hreik. Pour lui, « l’eau est pratiquement tout le temps salée, et dégage souvent une odeur d’égout, qu’elle provienne de puits ou des sources de l’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban ».
L’Office des eaux, justement, alerté par les plaintes des habitants, a prélevé hier des échantillons des environs du quartier en question. Ahmad Hatoum, vice-président du conseil municipal de Haret Hreik, assure à L’OLJ qu’il « suit de près cette affaire avec l’Office des eaux et que les résultats des tests seront publiés dès qu’ils seront prêts ». Et sur la cause de la pollution, il est formel : « Nous effectuons souvent des tests sur l’eau pourvue par l’État, et les résultats se recoupent avec ceux de l’Office des eaux, prouvant que la qualité est satisfaisante. D’un autre côté, nous recevons souvent des plaintes d’habitants, de bâtiments qui disposent d’un puits artésien. C’est là que résident les problèmes majeurs. »
Sur l’affaire du test effectué par un habitant et publié sur les réseaux sociaux, il se demande « comment l’échantillon a été prélevé et quelle est par conséquent la fiabilité du test ». « Il ne s’agit pas d’affoler la population, dit-il. Il est vrai que le nombre de puits, quelque 3 000 dans toute la banlieue, est source de problèmes, surtout en période sèche où les besoins dépassent la capacité d’approvisionnement, mais l’eau n’est pas irréversiblement polluée. »
Tel n’est pas du tout l’avis de Ali Darwiche, qui insiste sur le fait que « la qualité de l’eau est mauvaise quelle que soit la source ». « On nous dit que l’eau pourvue par l’État est de bonne qualité, mais à quel niveau l’ont-ils testée, à la source ou telle qu’elle arrive dans les maisons ? » se demande-t-il. L’écologiste fait remarquer que l’état des réseaux, majeurs ou secondaires, n’a pas vraiment connu d’amélioration au cours des années. « Quand l’eau est rare, que les tuyaux ne sont pas toujours remplis et qu’il y a une différence de pression entre les différentes parties du réseau, qu’est-ce qui empêche alors l’eau usée d’y pénétrer ? dit-il. Je défie quiconque d’affirmer avoir des données précises sur l’état de l’intégralité du réseau. Même l’Office des eaux reconnaît publiquement qu’il y a 30 % de gaspillage technique dans les réseaux. »
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Des risques liés au manque de contrôle
Bien qu’elle ne dispose pas d’informations précises sur ce cas de pollution, May Jurdi, professeure de santé environnementale à l’AUB, qui a souvent travaillé sur l’eau de Beyrouth, n’est pas étonnée par ce sombre épisode. « Il y a souvent de la pollution bactériologique dans l’eau, qui varie en gravité suivant les quartiers, dit-elle à L’OLJ. En saison sèche, les sources de pollution se multiplient, étant donné que les habitants cherchent à combler les lacunes de l’approvisionnement officiel en eau. »
Elle ajoute : « Il est vrai que les Libanais n’ont souvent pas confiance dans les sources officielles, et qu’il existe effectivement des problèmes au niveau des canalisations. Mais un autre problème majeur est le manque de contrôle : qu’il s’agisse de l’eau qu’on achète en citerne ou de celle qui provient des puits, elle n’est soumise à aucun contrôle efficace et comporte des risques. Les puits, quant à eux, sont surexploités en été, ce qui explique la salinité élevée (du fait de l’intrusion saline par l’eau de mer). On se retrouve donc facilement dans un cercle vicieux, ne sachant quelle est l’option la moins risquée. »
Interrogé sur l’état des canalisations et la possibilité que la pollution soit multiple, Ahmad Hatoum, tout en maintenant sa version de l’eau polluée venant principalement des puits, reconnaît quand même que « le réseau de canalisations d’eau potable a été conçu et exécuté quand la banlieue sud était peuplée de quelque 100 000 habitants, alors qu’aujourd’hui, il y en a presque un million ». Le responsable municipal indique aussi que des travaux ont été effectués dans les années passées afin de séparer drastiquement les canalisations d’eau potable des réseaux d’égout. Mais selon lui, « c’est l’exécution du barrage de Bisri, projet qui comporte un budget pour la modernisation des réseaux, qui résoudra vraiment le problème ». Un projet de barrage qui, rappelons-le, rencontre une opposition populaire et connaît un retard dans l’exécution.
Des solutions radicales et définitives
D’ici là, qui est responsable des cas de pollution dont sont victimes les habitants ? « Dès que nous recevons des plaintes, nous nous rendons sur place pour constater les faits, répond M. Hatoum. Tant que nous n’aurons pas plus de prérogatives, nous ne pourrons que demander aux autorités compétentes – les offices de l’eau, les ministères… – de fermer les puits illégaux et problématiques. »
Pour les habitants, cependant, seules des solutions radicales et définitives sont acceptables. Car, comme le précise Wassef Haraké, avocat et militant de la société civile, « le problème est loin d’être nouveau, il s’était posé avec force en 2014 déjà, et un rapport de l’IRAL avait montré à cette époque l’ampleur de la pollution bactériologique, sans que quiconque impose de vraies solutions ».
M. Haraké rassemble actuellement toutes les parties lésées pour créer un comité de suivi formé d’experts, d’avocats, d’ingénieurs et d’habitants. « Dans notre approche, nous considérons que cette question est un problème de santé publique qui doit être traité par l’État, explique-t-il. Que les institutions officielles effectuent le recensement nécessaire pour bien appréhender la situation! Nous voulons aussi que les responsabilités soient bien définies : à titre d’exemple, est-ce que lors de la construction des bâtiments, les normes sont respectées, ou alors l’entrepreneur choisit-il une solution de facilité, comme celle de relier son immeuble à un ancien puits? »
Et de conclure : « L’eau, c’est la vie. Il faut qu’il y ait des solutions officielles radicales à ces problèmes, et nous n’aurons de cesse que cela se réalise. »
Pour mémoire
commentaires (7)
LA POLLUTION DES EAUX VIENT DES TROUS ET LABYRINTES QUE CREUSE LA MILICE POUR SES CACHES D,ARMES ET ACCES SOUTERRAINS !
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
20 h 17, le 09 octobre 2018