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Lifestyle - Un peu plus

Mauvais œil

LightField Studios/Bigstock

Pour vivre heureux, vivons cachés. Une vérité de La Palice qu’on nous assène depuis notre tendre enfance. Depuis notre adolescence, quand nos premières amours ont éclos. Depuis notre mariage, notre premier job, notre première grosse paye, notre premier enfant. Ne dis rien, ne raconte pas, n’exhibe ni ta joie ni ton bonheur. Évite de les crier sur tous les toits. Crie seul(e) dans ta chambre. Garde ton secret, préserve-toi.

On est souvent naïfs. Naïfs de penser que les gens qui nous entourent sont bienveillants. De croire qu’ils sont heureux pour nous. D’imaginer que notre joie fera la leur. L’envie et la jalousie sont monnaie courante. Le mauvais œil aussi. Et on cache un secret, une histoire d’amour, un adultère, une augmentation, un nouveau job, un futur voyage, une grossesse, sa peine. Nous, les Libanais, avons une propension assez étrange à être intrusifs. À nous mêler de ce qui ne nous regarde pas. À poser trop de questions, donner trop de détails et un avis qu’on ne nous a pas demandé. Pour vivre heureux, vivons couchés. Couchés pour éviter les salves, les mauvaises vibes. Vivons sous la couette sans partager nos rêves et nos espoirs. Vivons seuls ou à deux. À trois. Vivons sans poster à tout-va notre vie sur les réseaux sociaux, malheureux cache-misères du XXIe siècle. Notre petit déjeuner, nos vacances, notre tenue du soir, notre amour dégoulinant, notre bébé de trois jours, notre repas de midi, notre cours de sport, notre cul, nos états d’âme, notre nouvelle voiture, notre mariage à 2 millions de dollars hashtagué par les invités, la fête où on s’est tellement éclaté qu’on a passé notre soirée à swiper sur Instagram. Faut pas s’étonner après qu’on nous envie et qu’on ne nous souhaite pas le meilleur.

Mais pour vivre cachés, il faut vivre heureux, comme l’a si bien dit Philippe Sollers. Avoir envie de rester chez soi est une bénédiction. Avoir envie de traîner entre le salon et sa chambre. De bouquiner, lové(e) dans un plaid, de mater Netflix, de se commander un burger et des frites, de regarder le plafond, de végéter. Il faut pouvoir supporter d’être seul(e) face à soi-même. Surmonter ses vieux démons. Ne pas se prendre la tête quand elle est vide, quand on a trop le temps de se triturer les méninges et de se laisser plonger dans une mélancolie douloureuse. Il faut le pouvoir. En avoir la possibilité et la force. La force de ne pas passer trop de temps à fuir, à se mentir. Et ce n’est pas en s’exhibant dans une espèce d’ersatz de bonheur qu’heureux on sera.

Il faut être heureux pour vivre cachés… à deux. Surtout à deux. Heureux pour rester dans la même maison. Heureux pour se regarder sans rien dire. Pour rester seuls à deux. Heureux pour ne rien se cacher. Pour ne pas cacher son téléphone, dissimuler ses messages, ses appels nocturnes. Pour ne pas taire ses craintes, ses suspicions. Pour ne pas se mentir. Il faut être heureux pour ne pas sortir tous les soirs, en alternant dîners et parties de cartes. Pour ne pas fuir le quotidien pesant, la routine insupportable.

On a tendance à cacher ce qu’il ne faudrait pas enfouir et à ne pas cacher l’essentiel. En en dévoilant trop, en divulguant excessivement sa vie et ses angoisses, on s’expose au déraillement, à la possibilité de l’effondrement. En étant comme un livre ouvert, on laisse les autres écrire un des chapitres. On leur laisse la possibilité d’écrire le mot de la fin. Le mot de fin. Dans notre société où tout est regardé, scruté, épié, jalousé, il faut apprendre à ne pas se mettre à nu. Il faut se nourrir du silence. Garder ses lèvres scellées quand la tentation de s’épancher est grande. Garder au fond de soi ce qui nous appartient, ce qui est censé nous appartenir, c’est-à-dire l’essentiel. Ce qui est accessoire, on peut l’offrir à la plèbe. Quoique. L’accessoire est souvent nécessaire.

Pour vivre heureux, vivons cachés. Une vérité de La Palice qu’on nous assène depuis notre tendre enfance. Depuis notre adolescence, quand nos premières amours ont éclos. Depuis notre mariage, notre premier job, notre première grosse paye, notre premier enfant. Ne dis rien, ne raconte pas, n’exhibe ni ta joie ni ton bonheur. Évite de les crier sur tous les toits. Crie seul(e) dans ta...

commentaires (2)

La Palisse :)

Remy Martin

20 h 34, le 06 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • La Palisse :)

    Remy Martin

    20 h 34, le 06 octobre 2018

  • Tres vrai bravo Medea

    Elkhazen maud

    16 h 37, le 06 octobre 2018

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