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Culture - Portrait

Hanna Schygulla, l’autre Lili Marleen...

Figure de proue du cinéma allemand bien avant la lumineuse Diane Kruger et bien après l’icône Dietrich, la 5e édition du film allemand qui se tient à Beyrouth du 13 au 23 septembre lui rend hommage en présentant quatre de ses films cultes.

Hanna Schygulla, une carrière prolifique.

Autrefois égérie du cinéaste Rainer Werner Fassbinder, Hanna Schygulla a tourné le cap vers le théâtre et la chanson. Parallèlement, elle triomphe récemment à Berlin et sur grand écran en nonne dans La prière, le dernier opus de Cédric Kahn. Comment oublier ce visage aux pommettes saillantes et hautes, ce regard pervenche, cette opulente chevelure blonde platinée, ce front dégagé, cette bouche pulpeuse d’où se dégagent sensualité et dédain pour une voix rauque et blessée, à la fois douce et autoritaire ? Ses intonations gutturales dans la langue de Goethe ou suaves en français, une langue parfaitement maîtrisée, comme un cocktail corsé, ont des saveurs différentes et des inflexions presque musicales…

Aujourd’hui septuagénaire, cette grande dame a pris de la patine, avec des traits un peu malmenés par le temps et une chevelure blanc cendré. Elle garde cependant l’essentiel. À savoir l’allure, la grâce, le tempérament, le sens du renouvellement, l’élégance et le talent. Son parcours est certes celui d’une star européenne, mais surtout celui d’une intellectuelle qui a su choisir ses scripts, ses scénarios, ses textes, ses personnages, ses rôles, ses réalisateurs.

C’est Munich, la perle de la Bavière, qui lui donne l’occasion de s’épanouir. C’est là que s’accomplit sa formation académique. Mais c’est à partir de la rencontre avec l’enfant terrible du cinéma allemand, Rainer Werner Fassbinder, que son aventure et son périple artistique commencent vraiment. Plus de vingt films les réuniront. Dans un succès soutenu. Avec souvent un certain parfum de scandale. Des films cultes tels Les larmes amères de Petra von Kant, Les dieux de la peste, Le mariage de Maria Braun (Ours d’argent à Berlin), Lili Marleen… Autant de films qui sortent du rang et où elle a porté, avec sex-appeal et panache, le chapeau melon de la célèbre cabaretière au cœur de pierre et à la chanson assassine. Cette chanson de Lili Marleen qui berçait les soldats boches dans les tranchées boueuses et les anesthésiait en les faisant fantasmer pour des jambes cavalières à jarretières et bas de soie…

Mais il ne faut pas croire que Hanna Schygulla s’est arrêtée là dans sa longue et prolifique carrière. Car elle va tourner, pour plus de quarante ans, sous la direction des cinéastes les plus importants. Et dans des disciplines et des registres aussi différents les uns des autres. Alliant l’expérimental au poétique, le surréalisme au témoignage, les fait divers aux fictions les plus fantasques.

Avec Etel Adnan

La liste de ses collaborations avec les cinéastes de tous bords est bien longue, sans être exhaustive. Tout d’abord le génial Wim Wenders mais aussi Ettore Scola, Jean-Luc Godard, Carlos Saura, Marguerite von Trotta, Andrzej Wajda, Kenneth Branagh, Volker Schlondorff, Agnès Varda, Fatih Akin (superbe De l’autre côté ) et le sulfureux Marco Ferreri qui, a travers son Histoire de Piera, lui permettra d’obtenir le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1983…

Du côté du théâtre, c’est non seulement avec Brecht qu’elle s’illustre, mais aussi avec l’avant-garde littéraire et dramaturgique, dans des textes d’une farouche modernité d’Elfriede Jelinek (prix Nobel 2004 usant et abusant de la violence, du sarcasme et de l’incantation, avec pour illustration le multiprimé La pianiste avec Isabelle Huppert) et Jean-ClaudeCarrière.

La poésie, même si elle avoue n’avoir jamais consacré de longues heures à lire les chefs-d’œuvre du Parnasse, reste un point capital dans sa vie. C’est une sensibilité qu’elle cultivait en toute discrétion, mais passionnément. Et ce n’est guère hasard si sa voix a croisé celle d’Etel Adnan en 2015 à Paris au Festival d’Automne à la Maison de la Poésie pour parler de leurs souvenirs, toutes les deux appartenant à la génération de la Seconde Guerre mondiale. Entre fracas des armes, débâcle des armées et aspiration à la paix, les mots avaient à ce moment-là leur poids d’or.

Reste la chanson pour cette voix singulière. Elle n’en a pas fait des tonnes de chansons, Hanna Schygulla, qui confie en toute simplicité ne pas lire une seule note. Piaf et Ferré étaient ses préférés, écrit-elle dans ses Mémoires Réveille-toi et rêve, publiés en allemand. Mais il y a chez elle cet instinct, ce don naturel du chant. Et elle n’a chanté, encore et toujours, que ce qu’elle chantait dans les films de Fassbinder, en concerts ou dans son unique CD album. Avec une couverture en noir, avec pour indomptable lumière son visage.

Une actrice qui a su traverser le temps, les modes, les engouements. À chacune de ses apparitions, même aujourd’hui, c’est le même étonnement, la même surprise agréable, le même plaisir de la voir évoluer sur grand écran ou sur scène. Il y a chez elle une présence, un battement de cils, un sourire, une moue, un haussement du menton, une modulation de la voix, comme autant de preuves de sa singularité...

Autrefois égérie du cinéaste Rainer Werner Fassbinder, Hanna Schygulla a tourné le cap vers le théâtre et la chanson. Parallèlement, elle triomphe récemment à Berlin et sur grand écran en nonne dans La prière, le dernier opus de Cédric Kahn. Comment oublier ce visage aux pommettes saillantes et hautes, ce regard pervenche, cette opulente chevelure blonde platinée, ce front dégagé,...

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