Racisme : idéologie postulant une hiérarchie des races. Discrimination, hostilité violente envers un groupe humain. Racisme envers les femmes (sexisme), les homosexuels (homophobie). Au Liban : hostilité envers tout le monde. Les autres communautés, les voisins, les autres classes sociales, les migrants, le personnel de maison, les gens de couleur, les footballeurs de l’équipe de France.
Notre incroyable don, nous Libanais, de détester l’autre est édifiant. On n’aime personne ou pas grand monde. On aime bien les gens qui nous ressemblent. En gros, ceux qui vivent comme nous. Sinon, le reste, on oublie. C’est normal, nous sommes supérieurs. Maintenant, pourquoi ? Allez savoir. Et surtout, allez comprendre.
Allez comprendre pourquoi un grand nombre de Libanais « déteeeeeeestent l’équipe de France de foot ». Ils n’ont éliminé aucune des deux équipes favorites, ils ont bien joué (preuve en est), ils sont jeunes et sympas et ils sont l’exemple même du multiculturalisme de la France. Ah non, ils étaient noirs et arabes. Parce que nous, nous sommes un des États fondateurs de l’Union européenne, une race suprême, pure, celle que le monde entier envie.
Les propos racistes à l’encontre de l’équipe de France, de Mbappé, Kanté, Pogba et les autres, ont été hallucinants. Venants de Libanais qui parlent français et qui font la queue pendant des heures au TLS pour avoir un visa et aller se promener sur les Champs-Élysées, boire un café aux Deux Magots, prendre une tartine au Bar de la Croix-Rouge et finir par un chocolat chaud chez Angelina; c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Venant de Franco-Libanais vivant au Liban et ne payant pas leurs impôts, c’est carrément l’Organisation mondiale de la santé qui se fout de notre gueule. Mais au-delà de la couleur de cette équipe black-blanc-beur, très bel exemple d’une intégration positive et de réelle appartenance à une nation, pourquoi détester l’équipe d’un des derniers pays qui nous aident encore ? Qui nous a accueillis les bras ouverts pendant la guerre de 1975 ? Qui raffole de notre cuisine? Qui envoie encore ses meilleurs ambassadeurs – qui quittent ensuite ce pays de la myrrhe et de la poubelle, le cœur toujours lourd? Qui pense encore à nous quand tout va mal ? Qui a aidé notre Premier ministre quand il était en liberté surveillée ? Qui donne encore des fonds, qui finissent malheureusement ailleurs que dans les caisses prévues, mais qui les donnent quand même ? Pourquoi « déteeeeeeeeeeeeeester » l’équipe de France ?
Peut-être parce que nous, Libanais, n’avons aucune espèce d’appartenance. Parce qu’on ne peut pas comprendre comment des gens originaires d’autres pays, devenus français depuis moult générations (ou pas), puissent ressentir de la joie en jouant, se battant et chantant au nom de leur pays d’adoption, et le représenter avec fierté. On ne peut pas comprendre, parce que nous, on se contrefout de notre pays – mais alors comme de l’an 40. Pour nous, le Liban se limite à notre quartier, et encore. Il se limite à notre appartement ou à notre maison. Une fois sortis de ces frontières minuscules, il n’existe plus rien. Évidemment que certains se préoccupent encore de ce qui subsiste de ce magnifique territoire qu’est le nôtre. Et heureusement. Mais on ne va pas se leurrer, la majeure partie des Libanais n’en a rien à faire. On jette une bouteille par la fenêtre de sa vieille BMW polluante ; on laisse ses merdes au bord de la mer ; on détruit nos montagnes. Alors, les autres qui vivent sur ce pays qui aurait dû être le nôtre, ce pays qu’on a lâchement abandonné, eh bien, ces autres, on ne les aime pas. Parce que lorsqu’on n’aime pas son pays, qu’on ne le défend pas, qu’on ne le respecte pas, qu’on ne le chérit pas… on ne s’aime pas. Quand on crache sur ses racines, on crache sur son origine. Sur ce que l’on est intrinsèquement. On crache sur le Libanais que nous sommes censés être. Et par conséquent, on crache sur les autres. Sur les maronites, les druzes, les chiites, les orthodoxes, les sunnites, les Arméniens, les Syriens. Les Sri Lankais, les Kényanes (qu’on écrase), les Philippines. On crache sur tout le monde. Et on oublie qu’on se crache dessus. On se dit juste qu’il pleut.
Lifestyle - Un peu plus
Je te/nous hais !
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 21 juillet 2018 à 00h00
commentaires (12)
Les libanais se méfient en général de dire du mal de leur compatriotes avec lesquels ils ne s'entendent pas bien pour ne pas s'exposer à des représailles. Ils se déchaînent sur des étrangers par facilité. Arrêtons donc de stigmatiser tout un peuple à cause du ballon rond. Un jeu tellement insignifiant. Il suffit de compter le nombre de fois où les joueurs simulent des coups qu'ils n'ont pas reçu pour se rendre compte du niveau moral de la majorité des participants de toutes les équipes.
Shou fi
19 h 46, le 23 juillet 2018