Les élections législatives terminées, c’est l’heure des bilans. Même si chaque partie a choisi de célébrer sa victoire, il est clair que les résultats continuent de soulever de nombreuses interrogations et montrent des failles dans les prévisions et surtout dans les estimations. Le premier facteur inattendu a été le taux de participation relativement bas. Selon les chiffres, la participation aux élections a légèrement baissé par rapport au scrutin de 2009. Dans de nombreuses circonscriptions, on attendait plus d’affluence, car le mode de scrutin proportionnel était censé pousser les électeurs à participer en grand nombre, vu qu’il ouvre la voie aux petits groupes – qui n’ont aucune chance dans un mode de scrutin majoritaire – pour qu’ils se fassent représenter au Parlement. De même, la participation aux élections de la société civile, qui a formé des listes dans la plupart des circonscriptions, était censée pousser les électeurs mécontents ou déçus de la classe politique traditionnelle à voter pour le changement en leur donnant une nouvelle option. On pensait aussi qu’ayant été privés d’élections législatives pendant neuf ans, les électeurs libanais devaient être soucieux de s’exprimer massivement après plus d’un mandat entier prorogé, mais apparemment, « l’effet-frustration » n’a pas été déterminant pour pousser les électeurs à se rendre massivement aux urnes. Enfin, on pensait aussi que depuis 2009, près de 500 000 jeunes ont eu 21 ans et devraient donc être soucieux d’exercer leur droit de vote pour la première fois.
Mais en dépit de tous ces facteurs, le taux de participation n’a pas été à la hauteur des attentes, et les Libanais n’ont pas montré un grand souci de s’exprimer par le vote. Cette tendance à l’abstention a été un facteur déterminant dans les résultats car, d’une façon générale, elle a permis de rabaisser le coefficient d’éligibilité dans plusieurs circonscriptions, favorisant ainsi « les secondes listes » au détriment des premières. C’est notamment le cas dans les circonscriptions où le courant du Futur se croyait fort, notamment à Beyrouth 2, au Akkar et dans la Békaa-Ouest. Dans ces trois circonscriptions, la mobilisation des électeurs du courant du Futur n’a pas été à la hauteur des estimations et c’est sans doute la raison pour laquelle ce parti n’a pas atteint les résultats escomptés. Pour certains, la raison de cette mobilisation modeste est à chercher dans les couacs de la machine électorale du courant du Futur qui, dans plusieurs situations, a montré non seulement son incapacité à mobiliser les électeurs, mais aussi des problèmes techniques de transport des électeurs et d’organisation logistique du scrutin. Pour d’autres, la raison serait plus à chercher dans une sorte de guerre menée contre le courant du Futur et ses candidats par les diplomates du Golfe au Liban, en particulier le chargé d’affaires saoudien et l’ambassadeur des Émirats arabes unis. Les deux hommes, qui ont activement suivi le déroulement des élections législatives, auraient, selon des sources proches du courant du Futur, sillonné le terrain pour pousser les électeurs à ne pas se rendre aux urnes dans le but d’affaiblir le courant du Futur. Que l’information soit vraie ou non, il n’en reste pas moins que dans les circonscriptions où il était censé être fort, le courant du Futur a pâti de l’affluence relativement faible aux urnes. Le même phénomène a aussi été enregistré dans la première circonscription de Beyrouth, où, en principe, les électeurs auraient dû être particulièrement motivés pour aller voter, puisqu’ils sont considérés comme plus conscients du devoir national que constitue le vote et parce qu’ils avaient aussi un large éventail de choix possibles. Malgré cela, les électeurs n’ont donc pas été au rendez-vous et les résultats des élections s’en sont ressentis. Le CPL, par exemple, estime que le taux de participation faible dans cette circonscription a fait perdre un siège à sa liste qui aurait pu aller à son candidat maronite Massoud Achkar. Même à Baalbeck-Hermel, les partis politiques s’attendaient à un taux de participation plus élevé. Le Hezbollah en particulier comptait sur une affluence des électeurs qui aurait fait perdre à la liste adverse (formée d’une alliance entre le courant du Futur et les Forces libanaises) un des deux sièges qu’elle a obtenus. Mais, apparemment, il a dû revoir ses calculs à la baisse et envoyer aux urnes aux dernières heures de l’ouverture des bureaux de vote ses voix de réserve, pour ne pas perdre un troisième siège qui serait, lui, chiite. Ce qui aurait été considéré comme une grande perte pour lui, sachant que le secrétaire général du Hezbollah avait affirmé tout au long de la campagne électorale qu’une bataille véritable se déroule dans la circonscription de Baalbeck-Hermel et l’enjeu porte sur le fait d’empêcher le Hezbollah et son allié le mouvement Amal de rafler les six sièges chiites.
Il y a certes beaucoup encore à dire sur le bilan des élections et sur la signification des résultats, mais le (relativement) faible taux de participation est un phénomène marquant qui se poursuit d’un scrutin électoral à l’autre et qui pourrait aussi être dû à des changements démographiques que les listes électorales ne reflètent pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il devrait pousser les partis politiques à se pencher sérieusement sur la question et à chercher le moyen d’impliquer plus les citoyens dans les questions publiques.
Liban - Décryptage
Le faible taux de participation aux élections devient une constante...
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 17 mai 2018 à 00h00
commentaires (7)
À voir comment les tractations traditionnelles se font sur des postes traditionnellement réputés être majeurs, par les mêmes chefs traditionnels de tribus libanaises avec les commentaires traditionnels qui manquent de vision et de soucis pour l'avenir du pays et ses jeunes, avec toujours les mêmes options traditionnelles offertes tel que préserver les traditions ancestrales en promettant des guerres dévastatrices ou des richesses inouïes... Il ne y a plus qu'à féliciter ceux qui n'ont pas votes et qui en ont profiter pour faire le ménage et mettre de l'ordre dans leurs affaires au cas où l'on devra se réfugier en Syrie ou à Chypre ou sur les bateaux d'occasion conséquence d'une escarmouche avec net-a-yahoo et le lionceau sur notre chez nous
Wlek Sanferlou
21 h 59, le 17 mai 2018