3 K et un quatrième pour Spike Lee
BlacKkKlansman, en lice pour la Palme d’or, comprend donc les trois K du Ku Klux Klan, organisation raciste qui rejette toute présence noire et juive dans une Amérique qu’elle désire vierge et nettoyée de toute « intrusion ». Cette institution américaine née en 1865 sur les cendres de la défaite sudiste n’a eu de cesse de recourir au lynchage, parfois aux crimes, et de prôner la suprématie blanche. L’histoire de Ron Stallworth, officier de police à Colorado Springs en 1978, d’abord secrète puis rendue publique en 2006 aux États-Unis, est relatée par le réalisateur sur un ton grinçant. Un fait étonnant que ce jeune Afro-Américain, malgré son appui aux brothers, ait continué à accomplir sa mission de flic. Il aura la géniale et saugrenue idée d’infiltrer les rangs du Ku Klux Klan. Son livre de Mémoires Black Klansman (signé Stallworth), sorti en 2014, consacre son exploit. Au lieu d’attaquer de front les institutions américaines et le président himself, le réalisateur, très farceur, a recours à plusieurs subterfuges amusants. Tout au long de son film, il alterne plusieurs tons, de la comédie au drame en passant par celui, plus neutre, de simple observateur. Il mélange même, et souvent, passé et présent en faisant des sauts dans les incidents de 2017. Le tout en douceur et subtilité, sans que le spectateur s’en rende compte.
En intro (géniale !), Alec Baldwin apparaît en chroniqueur raciste, véritable sosie de Trump, dans des shows télévisés. S’ensuit un extrait du film Birth of a Nation, réalisé en 1915 par D.W Griffith, œuvre très raciste à l’époque, qui faisait l’apologie du Ku Klux Klan. Plus tard, parmi les dernières images, on retrouve des reportages consacrés aux violences perpétrées par des groupuscules d’extrême droite à Charlottesville, en Virginie, en 2017, et les commentaires du président Trump, que le réalisateur ne se prive pas de tourner en dérision. Spike Lee peut se faire tour à tour Chaplin dans son scénario, et Tarantino dans certains aspects de sa réalisation, avec l’inclusion d’une caméra façon années 70 (split screen, plans inclinés), mais il demeure Spike Lee. Un réalisateur génial qui n’a rien perdu de sa verve et de sa malice. À noter également que parmi les producteurs de BlacKkKlansman se trouvent le tout aussi engagé Jordan Peele (Get Out) et Jason Blum (Blumhouse Productions).
Coiffé de son sempiternel béret et vêtu d’une veste, tissu chamarré, aux motifs de feuilles mortes, une tennis noire et une tennis blanche aux pieds, Spike Lee a brandi ses deux poings lors de la traditionnelle montée des marches, sur lesquels étaient inscrits les mots « Love » et « Hate ». C’est un peu comme s’il envoyait un signal au président de la toute-puissante Amérique. L’humanité est en danger, semble-t-il dire, car ce n’est pas seulement aux États-Unis qu’ont lieu les problèmes d’intégrisme, de fermeture sur soi et de haine de l’autre, mais partout dans le monde. Un signal d’alarme qui mérite d’être écouté.
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