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Sport - Rencontre / Athlétisme

Rabih Jammal, marathonien déterminé et non voyant

Après le marathon de Beyrouth en novembre, le jeune Libanais a couru début avril le marathon de Rome. Une victoire sur la cécité, remportée grâce à sa complice Mary Kleyani, qu’il raconte avec fierté.

Rabih Jammal et sa guide Mary Kleyani lors du marathon de Rome, qui s’est couru début avril. Photo DR

Lorsque Rabih Jammal perd la vue à 16 ans, le marathon de Beyrouth lançait sa première édition. Il rêvait d’y participer, mais il comprend qu’il n’aura jamais plus la chance de le faire. En 2017, sa rencontre avec Mary Kleyani change le cours de sa vie. Elle lui propose de l’entraîner pour courir les 7 km du marathon de Beyrouth et par la suite les 42,195 km. Il n’hésite pas une seconde et se lance aveuglément à ses côtés. Il commence par perdre 14 kg, arrête de fumer et impose à son corps un rythme inédit pour lui : il s’entraîne deux fois par semaine pour se familiariser avec cette course en binôme.

« Lorsque nous courons avec notre guide, nous sommes liés par une cordelette attachée à nos poignées qui lui permet, par un petit coup ou un léger mouvement de la corde, de nous avertir des dangers et des obstacles sur notre chemin », explique Rabih Jammal en racontant la méthode d’entraînement des non-voyants. « Tout le long du parcours, elle me guidait, me parlait, me commandait les pas à faire : sauter pour éviter une crevasse sur la chaussée, hausser légèrement la jambe au troisième pas, descendre la marche au moment où elle l’ordonne. Il nous a fallu deux mois pour nous adapter l’un à l’autre et comprendre ce langage. Aujourd’hui, un simple geste de la corde, qu’elle raccourcit ou rallonge, suffit pour que je m’exécute et que je poursuive sans m’arrêter. » Le plus dur à surmonter ? « L’indiscipline des gens qui ne respectent pas la vue d’un non-voyant lorsqu’ils le voient courir lors des entraînements », confie-t-il tristement.

En janvier dernier, Mary Kleyani lui propose de courir ensemble le marathon de Rome au début d’avril. Rabih Jammal n’hésite pas et accepte ce nouveau grand défi. Il redouble donc d’efforts : quatre mois d’entraînements intensifs, de fatigue, d’épuisement physique, avec un plan très strict et des horaires très rigoureux.

À demi-inconscient, mais ravi
De cette expérience, le jeune homme garde le souvenir d’un parcours nettement plus dur que le marathon de Beyrouth. « Généralement, les organisateurs permettent aux coureurs à mobilité réduite de partir avec quelques minutes d’avance afin de ne pas être bousculés en début de course », raconte-t-il, en se remémorant les moments intenses qu’il a vécus. « À Rome, ils ont refusé de nous donner cet avantage. Ils considèrent que cet acte discrimine ces personnes-là. Pour eux, les handicapés sont un exemple qui motive les autres. Une intention noble, certes, mais qui nous a rendu la tâche beaucoup plus difficile. Nous étions bousculés et très serrés », ajoute-t-il.

« Plus de 16 000 participants, pour des voyants cela ne pose pas de problème, mais pour moi, c’était excessivement stressant. De plus, 85 % du chemin était pavé, avec à certains passages des cailloux qu’il fallait éviter pour ne pas trébucher, ce qui était très dur à parcourir et assez risqué. Je me concentrais terriblement sur les ordres que me lançait sans arrêt Mary. Au bout de 17 km, j’ai senti que je perdais le contrôle de mes jambes. J’étais épuisé, j’entendais les voix des personnes qui applaudissaient à notre passage, nous lançaient des messages de respect. J’avais envie de vivre ces moments-là, mais je restais concentré sur les paroles de mon guide pour ne pas perdre l’équilibre. »

À deux kilomètres de l’arrivée, les forces de Rabih Jammal le lâchent. La Croix-Rouge italienne leur conseille alors d’arrêter. « J’ai refusé et supplié Mary de poursuivre. Je ne voulais pas décevoir ceux qui ont cru en moi et m’ont soutenu tout le long de cette aventure. En premier lieu ma mère, qui a toujours été présente durant les longues heures de mes entraînements ; mes amis aussi, qui m’ont encouragé par leurs messages de soutien sur les réseaux sociaux ; enfin, et surtout, Mary, qui a sacrifié son désir d’entreprendre ce marathon pour que je puisse moi-même y participer », confie-t-il. Et c’est porté à bout de bras par sa coach Mary Kleyani que Rabih Jammal franchit, avec un chrono de 5 heures, la ligne d’arrivée des 42,195 km. Exténué, à demi-inconscient…
Au-delà de la fierté d’avoir pu réaliser cet exploit, c’est un message fort que ce jeune homme a voulu transmettre « aux Libanais qui ne respectent pas l’état des personnes à mobilité réduite », pour leur prouver que « chaque aveugle a le droit de vivre, de courir et de réaliser ses rêves comme tout le monde. Il suffit juste de lui donner sa chance, de l’aider et de le respecter ».


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commentaires (1)

Bravo !!! Un sujet de fierté dans cette atmosphère de ténèbres.

LeRougeEtLeNoir

17 h 17, le 06 mai 2018

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Commentaires (1)

  • Bravo !!! Un sujet de fierté dans cette atmosphère de ténèbres.

    LeRougeEtLeNoir

    17 h 17, le 06 mai 2018

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