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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les enjeux des municipales tunisiennes pour Ennahdha et Nidaa Tounès

C’est sur ce scrutin local que repose notamment le renforcement d’une transition démocratique malade.

Un Tunisien attendant à un arrêt de bus devant un slogan politique incitant les gens à voter aux municipales de dimanche. Fethi Belaid/AFP

À la veille d’élections locales plus importantes que d’ordinaire, les deux partis majoritaires préparent les scrutins législatif et présidentiel de 2019. Premières élections depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 2014, les municipales du 6 mai 2018 mettent la Tunisie à l’épreuve. Appliquant la nouvelle loi électorale, les forces de sécurité et de l’armée ont voté pour la première fois le 29 avril, un droit escamoté durant la dictature de Ben Ali. Leur participation a cependant atteint le faible taux de 12 %. Quelque 5,3 millions d’électeurs sont attendus pour choisir parmi 2 074 listes au sein de 350 municipalités. Les municipales sont un test avant les législatives et la présidentielle de 2019, mais aussi un enjeu de taille pour le binôme Ennahdha/Nidaa Tounès, les deux principales formations politiques du pays. Les promesses de la révolution et de la Constitution peinant à être réalisées, c’est sur ce scrutin local que repose le renforcement d’une transition démocratique malade. 

 « Cet essoufflement de la transition démocratique vient d’une défaillance au niveau des institutions », estime Fadhel Moussa, tête de la liste indépendante al-Afdhal pour la commune de l’Ariana, interrogé par L’Orient-Le Jour. Possédant plus de deux tiers des sièges parlementaires, Nidaa Tounès et Ennahdha contrôlent de facto la vie politique tunisienne et imposent leurs candidats au sein des grandes institutions, comme la Cour constitutionnelle. Cette recherche d’influence et d’omniprésence compromet la neutralité et l’indépendance des institutions démocratiques. Pour Farhat Osman, juriste, expert politique et ancien diplomate tunisien interviewé par L’OLJ, l’immobilisme tunisien est dû aux relents du régime dictatorial de Ben Ali, mais aussi au manque de volonté des partis d’une véritable démocratie et d’un État de droit. 


(Lire aussi : Les Tunisiennes au cœur des municipales)


Dispersion des indépendants
Les municipales sont convoitées par les partis politiques et les coalitions qui y présentent des candidats, non seulement car elles préparent 2019, mais aussi car elles octroient beaucoup plus de pouvoirs aux élus locaux. Selon Fadhel Moussa, cela pousse la population et la sphère politique à se détourner de la coalition. « Il y a une volonté de les chasser des municipalités pour que les problèmes du Parlement ne se transfèrent pas au local », précise l’ancien membre de l’Assemblée nationale constituante (2011-2014). 

Malgré l’influence de certains partis comme le Front populaire ou l’Union civile, ce sont encore Nidaa Tounès en tête suivi d’Ennahdha qui semblent se détacher. De par les intentions de vote d’abord, mais aussi grâce au présage d’un taux d’abstention atteignant 61,2 %. Avec lui, le mode de scrutin proportionnel à un seul tour contribue au renforcement des partis les plus influents et organisés. « La faiblesse des indépendants est d’être dispersés sur plusieurs listes », explique Fadhel Moussa. Il précise qu’il y a des listes alternatives dans les 350 communes, mais qu’elles n’ont pas suffisamment réussi à se fédérer pour faire bloc.

La marginalisation naturelle des indépendants peut aussi être due à la difficulté de respecter toutes les règles électorales telles que la parité hommes/femmes, la présence d’au moins trois candidats de moins de 35 ans et d’une personne handicapée. Parmi les 106 listes rejetées, 28 l’ont été pour l’une de ces trois raisons. Pour changer la donne, les élections municipales ont été reportées quatre fois, notamment à la demande des autres partis. Ces derniers voulant être mieux préparés et avoir plus de chances d’obtenir des sièges, par exemple en sensibilisant les abstentionnistes. Les partis d’opposition dénoncent notamment un bilan économique peu glorieux, mais aussi le pragmatisme opportuniste de l’alliance entre les deux principaux partis. De compromis en compromis, les deux partis au pouvoir ont flouté leurs positions pour finir par défendre le même conservatisme, ce qui a déçu leurs partisans respectifs. Si Ennahdha possède toujours un cœur fidèle de supporters traditionalistes, le parti a encore besoin de la coalition conclue avec Nidaa Tounès à travers l’accord de Carthage en 2014. De même pour le parti moderniste qui ne fédère pas, selon Farhat Othman. Ses électeurs se sentent trahis par cette alliance avec les islamistes. « En 2014, Nidaa représentait le vote utile contre Ennahdha. Parce qu’il n’a pas tenu ses promesses, les gens se tournent aujourd’hui vers d’autres partis », explique Fadhel Moussa.


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