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Lifestyle - Un peu plus

Lettre à mon ado de petit garçon

Il n’y a pas si longtemps, tu construisais encore des châteaux de sable. Tu avais besoin de moi pour, dans le désordre, que je te coupe les ongles, te donne à manger, t’accompagne à l’école, t’aide avec tes devoirs, te donne le bain, chasse les petits monstres cachés sous ton lit, lace tes baskets, t’achète des fringues, te lise des contes de fées. Tu sautais partout, te faisais des bleus aux genoux, pleurais dans mes bras. Je te consolais avec mes tours de magie, faisais disparaître tes bobos au cœur en te serrant fort contre moi. Je te racontais mes histoires « de quand j’étais petite » et tu m’observais à la fois émerveillé et amusé. Tu me posais mille et une questions. Sur la vie, la mort, l’amour, le sexe. Tu ne supportais pas de me faire de la peine et tu rentrais dans ma chambre avec ta petite bouille au regard de chien battu en murmurant un « sorry mam  » inaudible. J’étais la plus belle. Tu voulais que je mette du rouge sur mes lèvres pour me rendre aux réunions de l’école, voulais que je lâche mes cheveux dans lesquels tu adorais glisser tes doigts pour t’endormir. Tu écoutais Bowie et les Stones parce que je disais tout le temps que ça, c’était de la musique, de la vraie. Tu refusais de regarder un nouvel épisode de Star Wars sans moi parce que je t’avais fait découvrir les méandres de Darth Vader.
Et puis un jour, sans crier gare, c’est toi qui es passé du côté obscur de la Force. Tu as pris quinze centimètres en un an, ta voix a changé, mais elle n’est pas la seule à s’être modifiée. Tu as quitté l’agitation pour te plonger dans la nonchalance. Ton regard vif s’est métamorphosé en air désabusé et ta douceur en insolence. Pas que tu étais un agneau naïf et faible. Au contraire, tu es né avec un sacré tempérament et une force de caractère insoupçonnée. C’est juste que ton impertinence a pris un peu trop de place entre nous. C’est normal, tu es devenu adolescent. Comme des milliards de gens avant toi. Comme moi, il n’y a pas si longtemps. Tu es en pleine ébullition. Tu te transformes et ça te bouleverse. Tu n’es plus petit, tu n’es pas encore grand. Tu es dans cette phase ingrate de la vie où tout semble compliqué. Tu es tout le temps fatigué mais tu n’as jamais sommeil. Tu n’as pas la force de te lever pour aller prendre un verre d’eau de la cuisine ni jeter l’emballage de ton Choco Prince, mais tu as assez d’énergie pour passer 6 heures les yeux scotchés sur la télé où défilent les personnages de Fornite, ce jeu online qui a explosé tous les records de téléchargement, ainsi que tous les forfaits internet des maisons libanaises qui abritent des ados accros à la PS4. Tu hurles en anglais dans le micro accroché à tes headphones parce que tes compagnons de combat vivent à Denver. Un anglais que tu maîtrises bien mieux que lorsqu’il s’agit de retenir les verbes irréguliers. Si jamais je viens te dire qu’il est temps d’aller te coucher parce que tu as une évaluation de maths le lendemain, tu prends ça comme un affront. Une humiliation devant tes copains à qui leurs parents ne disent (soi-disant) rien. Tu te mets à hurler, les larmes dans les yeux, que je ne te laisse pas vivre. Que ta vie est affreuse, que tu me détestes et que je ne te laisse jamais rien faire. Toi qui à 13 ans as déjà vu New York, Londres et Copenhague. Tu rentres dans ta chambre, fermes la porte à clé et mets Maître Gims à fond. Oubliés Bowie, Gainsbourg et Queen. Tu décides enfin de prendre ta douche et claques la porte de la salle de bain, porte derrière laquelle je sais que tu m’insultes.
Je le sais parce que moi aussi, à ton âge, j’en ai claqué des portes. J’ai haï mes parents, rêvé d’en avoir d’autres. Moi aussi j’ai eu des goûts de chiotte en matière de musique et les 80s n’ont pas aidé. Moi aussi, je ne comprenais pas ce qui se révélait. Je ne réalisais pas que je quittais l’enfance et que je le regretterais un jour. Moi aussi, je sortais sans petite laine parce que je n’avais jamais froid et je rentrais au lit des crampes au ventre. Je n’avais pas d’iPhone, mais je n’avais pas envie de répondre à mes parents quand ils appelaient chez ma meilleure amie, ni leur dire où j’étais d’ailleurs. Moi aussi, j’ai été Sophie Marceau dans La Boum avant de devenir sa mère, Brigitte Fossey. Moi aussi, j’ai eu peur. Souvent. Peur de ce qui m’arrivait. Peur de ressembler à mes parents et en même temps de les perdre. J’ai eu souvent peur de ces petits monstres qui ne se cachaient plus sous mon lit, mais dans ma tête et dans mon corps. Et moi aussi, j’ai continué à taper à la porte de la chambre de mon père et ma mère quand ça n’allait pas. Comme tu continues à le faire parfois. Continue encore tant que tu voudras, je serai toujours là pour tuer tous ces petits monstres.

Il n’y a pas si longtemps, tu construisais encore des châteaux de sable. Tu avais besoin de moi pour, dans le désordre, que je te coupe les ongles, te donne à manger, t’accompagne à l’école, t’aide avec tes devoirs, te donne le bain, chasse les petits monstres cachés sous ton lit, lace tes baskets, t’achète des fringues, te lise des contes de fées. Tu sautais partout, te faisais...
commentaires (5)

Chère Madame, Je ne sais pas s'il s'agit d'une fiction ou si votre écrit correspond à une réalité. Très bel article en tout cas. l’événement le plus marquant de la semaine passée au Liban était l'agression du jeune Khaled Akkari que votre journal a couvert de silence en titrant; "un jeune homme décède lors d'une bagarre dans le Kesrouan". l'OLJ a relaté ce drame d'une façon tendancieuse et trompeuse. Vous avez laissé croire que la victime était pour quelque chose alors qu'elle n'a subi qu'une attaque lâche par des jeunes sans loi ni foi. Est-ce que le sang de Khaled et sa mémoires sont insignifiants parce qu'il est issu d'une famille qui a peu de moyens financiers? Le journal Al-Nahhar a rajouté en couvrant ce même événement un bref éloge funèbre pour montrer que Khaled était quelqu'un. Par équité vous devriez apprendre sur l'histoire de Khaled et écrire une belle page sur lui aussi. Cordialement,

Shou fi

10 h 50, le 29 avril 2018

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Commentaires (5)

  • Chère Madame, Je ne sais pas s'il s'agit d'une fiction ou si votre écrit correspond à une réalité. Très bel article en tout cas. l’événement le plus marquant de la semaine passée au Liban était l'agression du jeune Khaled Akkari que votre journal a couvert de silence en titrant; "un jeune homme décède lors d'une bagarre dans le Kesrouan". l'OLJ a relaté ce drame d'une façon tendancieuse et trompeuse. Vous avez laissé croire que la victime était pour quelque chose alors qu'elle n'a subi qu'une attaque lâche par des jeunes sans loi ni foi. Est-ce que le sang de Khaled et sa mémoires sont insignifiants parce qu'il est issu d'une famille qui a peu de moyens financiers? Le journal Al-Nahhar a rajouté en couvrant ce même événement un bref éloge funèbre pour montrer que Khaled était quelqu'un. Par équité vous devriez apprendre sur l'histoire de Khaled et écrire une belle page sur lui aussi. Cordialement,

    Shou fi

    10 h 50, le 29 avril 2018

  • Ton article Medea est l’un des plus beaux que j’ai jamais lus!! Tres emouvant....vraiment...

    Carine Massoud

    18 h 47, le 28 avril 2018

  • Tres emouvant

    Marie-Jo Abou Jaoude

    12 h 03, le 28 avril 2018

  • Tres Tres beau...Adorable...

    Soeur Yvette

    09 h 29, le 28 avril 2018

  • Très beau, merci!

    Yves Prevost

    08 h 44, le 28 avril 2018

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