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Idées - Finance

Risques et opportunités des cryptomonnaies souveraines

Illustration Elnur/Bigstock

L’extrême volatilité atteinte ces douze derniers mois par les cours du bitcoin, qui a atteint un record à environ 19 000 dollars début décembre dernier avant de connaître son pire trimestre en 2018 (-45 % sur la période, à environ 7 300 dollars fin mars), a amplifié le débat autour de la légalité, l’opportunité et l’avenir des cryptomonnaies. Alors que bon nombre d’entre elles menacent aujourd’hui les systèmes de paiement et présentent des risques considérables pour les particuliers qui les détiennent, les banques centrales sont appelées à en réguler l’usage. « L’ascension fulgurante des cryptomonnaies ne doit pas nous faire oublier la place importante qu’occupent les banques centrales en tant que dépositaires de la confiance du public », clamait ainsi en février 2018 Augustin Cartens, directeur général de la Banque des règlements internationaux, dans une intervention où il comparait également les caractéristiques du bitcoin à celles d’une pyramide de Ponzi.


Une cryptomonnaie libanaise ?
Malgré cette méfiance, plusieurs banques centrales se sont déjà exprimées sur l’opportunité de créer leur propre cryptomonnaie. Le Liban ne fait pas exception : Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban (BDL), a ainsi déclaré, lors d’un forum tenu fin octobre 2017 à Beyrouth, envisager d’émettre une cryptomonnaie qui serait garantie par l’État, sans plus de détails sur ses caractéristiques ou calendrier.

De fait, une cryptomonnaie et la technologie qui la sous-tend – les chaînes de blocs ou blockchain – conçues et régulées par une banque centrale (Central Bank Crypto Currency, CBC) peuvent avoir des conséquences positives en augmentant la transparence des transactions et en réduisant les coûts qui y sont associés. 

En effet, contrairement à la monnaie échangée par les comptes des banques centrales de manière centralisée, une CBCC serait échangée directement entre le payeur et le bénéficiaire sans intermédiaire central en utilisant la technologie blockchain. Pour un pays dont l’économie est dollarisée, l’émission d’une CBCC contribuera à la création d’une politique monétaire libanaise indépendante de celle des États-Unis, les cryptomonnaies ayant en effet le potentiel de détrôner le dollar comme monnaie de réserve mondiale. 

De plus, une CBCC peut favoriser le développement d’un système financier plus inclusif qui permettrait à des personnes non privilégiées et n’ayant pas accès aux comptes bancaires traditionnels d’avoir accès à des moyens de paiement alternatifs. Alors que le bitcoin, l’ether ou n’importe quelle autre cryptomonnaie n’ont pas la force libératoire de la monnaie émise par une banque centrale, une CBCC pourrait être valablement utilisée par un débiteur qui veut se libérer de sa dette. 

L’utilisation d’une CBCC pour les marchés publics et les aides allouées par l’État serait également un obstacle à la corruption généralisée qui infecte le Liban depuis des décennies déjà, puisque chaque transfert de cryptomonnaie entre utilisateurs est enregistré sur la blockchain avec une parfaite transparence, rendant les malversations visibles et exposant les coupables facilement. 

Contre-exemples
Cependant, si une CBCC libanaise peut être bénéfique à l’économie du pays et à la transparence des transferts de fonds, ce n’est pas le cas pour d’autres banques centrales ou pays qui contemplent la création de leur cryptomonnaie souveraine dans le but de contourner les sanctions économiques et embargos imposés par les États-Unis ou l’Union européenne. C’est le cas du Venezuela par exemple, qui, par un décret du 8 décembre 2017, est le premier pays qui a franchi le pas en émettant le petro, une cryptomonnaie souveraine dont la valeur est « adossée » à celle des réserves de pétrole du pays. L’accueil réservé au petro était d’une tiédeur remarquable, surtout à l’international, ce qui laisse dubitatif quant à l’efficacité du projet d’émission de CBCC de l’Iran et ce qui expliquerait l’abandon pour le moins temporaire de ce projet par la Banque centrale russe. 

D’ailleurs, le petro n’est pas la première cryptomonnaie adossée à un actif. En effet, vaultoro ou encore royal mint gold sont des cryptomonnaies adossées sur la valeur de l’or. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le dollar américain, et donc la monnaie papier, était adossé sur la valeur de l’or également en application des accords de Bretton Woods signés en 1947 et jusqu’en 1971, année du « Nixon Shock » qui vit les États-Unis révoquer unilatéralement la convertibilité du dollar en or et l’introduction de facto des devises flottantes que nous utilisons aujourd’hui. La logique reste la même, indépendamment du fait que la monnaie soit matérielle ou dématérialisée. 

Quant à l’éventuelle CBCC libanaise à venir, sa création suppose au préalable que le Liban se dote d’une réglementation adaptée aux opérations d’émission de ces monnaies, communément appelées « Initial Coin Offering » (ICO), dénomination empruntée aux émissions de titres financiers cotés en Bourse (« Initial Public Offering », IPO). C’est de cette réglementation, mais aussi de la confiance qu’auraient les utilisateurs et investisseurs dans la garantie fournie par l’État libanais et par la BDL – soit la valeur sous-jacente de la CBCC – que dépendra en grande partie son succès. 

Avocate aux barreaux de Paris et de New York. Membre du groupe de travail ICO du Financial Markets Law Committee britannique.

L’extrême volatilité atteinte ces douze derniers mois par les cours du bitcoin, qui a atteint un record à environ 19 000 dollars début décembre dernier avant de connaître son pire trimestre en 2018 (-45 % sur la période, à environ 7 300 dollars fin mars), a amplifié le débat autour de la légalité, l’opportunité et l’avenir des cryptomonnaies. Alors que bon nombre d’entre...

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