En avril, ne te découvre pas d’un fil. Sois plutôt à découvert ; et en mai, tu ne feras probablement pas ce qui te plaît. Avril, c’est le mois des impôts. Pour les professions libérales, les sociétés et les employés qui doivent déclarer les extras qui les ont fait dépasser leur tranche initiale. Normalement, quand on paye des impôts, c’est pour avoir quelque chose en échange. L’eau, l’électricité, l’entretien des routes et des infrastructures, le ramassage des ordures, le nettoyage des plages et des forêts, l’éclairage des routes, la sécurité et surtout la dignité. De 7,5 à 20 %, voilà comment sont étalées les taxes, qu’évidemment, pas tout le monde paye. On serait très peu à le faire. Les chiffres ? Quels chiffres? A-t-on déjà eu une quelconque transparence concernant le budget, les dépenses, les pots-de-vin, le coût des constructions (quelles qu’elles soient) dont les factures sont toujours majorées par ailleurs, les commissions et toutes les arnaques possibles et inimaginables de tous ceux qui s’en sont mis plein les poches.
200, 325, 590, 800, 1 560 dollars… peu importe le montant que l’on paye mensuellement à l’État, qu’il soit extrait à la source ou réglé une fois par an ; ce montant est insultant. Du mépris pur. Du mépris pour ce peuple qui trime sans rien avoir en retour. Rien, à part une qualité de vie qui s’écrase et des prix qui flambent. On répète souvent à celui ou celle qui veut partir, quitter le pays, qu’ailleurs, la vie est plus dure, que le montant des impôts est important et qu’ici, il y a une douceur de vivre que l’on ne (re)trouve nulle part ailleurs.
D’accord, 20 % d’impôts pour la dernière tranche, ce n’est pas la France et encore moins la Suède. Mais si on y ajoute les frais parallèles qui devraient être baptisés « dommages collatéraux », c’est kif kif (voire plus) avec les 30 ou 40 % de l’Hexagone. Commençons par le moteur, alias le générateur. 35 dollars les 5 ampères (on oublie le fer à repasser et la clim) qui viennent se greffer à la facture d’électricité (souvent salée en été) ; comme vient se greffer la jolie valse des citernes en surplus de l’eau (polluée et non potable) qui ne coule pas toujours dans les robinets. Le téléphone. En France, le combo téléphone fixe/internet illimité/chaînes de télé hertziennes est de 30 euros. Chez nous, on a 50 dollars pour le fixe, 50 dollars pour l’internet parkinsonien et 30 dollars de câble/ichtirak (pour chaque pièce) qui saute au moindre orage. Quant au téléphone aussi mobile que les bittes d’amarrage (celles-là mêmes sises au milieu de trottoir fracassé sur lequel il est impossible de marcher), il est le plus cher du monde. 1 200 minutes de conversations, 100 SMS, 3 gigas : 99 dollars sans les taxes. Total ? 145 dollars par mois quand, ailleurs, les forfaits atteignent 50 dollars pour des appels illimités et SMS (à l’international) et 100 Go d’internet. La baladiyé et son extraordinaire infrastructure.
Et la liste est longue. L’assurance. Parce que compter sur le daman, ce n’est pas vraiment ça. L’école. 18 % d’augmentation sur les scolarités. Enseignement gratuit ? Encore faut-il trouver de la place. Coût d’un enfant dans les écoles « françaises » : aux alentours de 7 000 dollars. On oublie la fac qui demande à ce que l’on vende les 4 reins parentaux pour assurer l’avenir d’un des enfants. La voiture. On est dans l’obligation d’en avoir une, vu la qualité des transports publics. Le prix des voitures ? Le double de l’étranger. Le supermarket (comme on dit chez nous). Il faut avoir fait quelques provisions dans un supermarché parisien pour réaliser qu’au-delà du choix, les prix sont quasiment les mêmes. Les restos ? Sérieusement, une entrée, un plat et un mini-dessert à 70 dollars par personne ? Les plages ? Privées, toutes et en moyenne 20 dollars pour barboter dans une piscine. Et il va falloir oublier Tyr. On sait qui a « conquis » toute la côte. Et j’en passe. Et j’en oublie.
Revenons donc à cette douceur de vivre tant fantasmée. Certes, il fait beau, les gens sont sympas, les voisins avenants, les services accessibles. Et ? Il fait beau, mais comment en profiter quand on n’a que 15 jours (max 21) de congés payés par an ? Comment en profiter lorsqu’il ne reste plus que quelques enclaves (entre deux carrières), ici et là, pour respirer un air (soi-disant) frais en scrutant à l’horizon cet affreux nuage de pollution jaune au-dessus de la côte ? Cette côte polluée du Nord au Sud, dégueulasse et dangereuse. Et les gens? Sont-ils toujours aussi sympas? Comment pourraient-ils l’être avec ce merdier dans lequel on s’enfonce jour après jour ? Et les services ? Oui, il y en a. Oui, l’hospitalité est là. Certains restos libanais sont encore et heureusement abordables. Les voisins sont toujours serviables (quand ce ne sont pas les proprios qui vous collent un loyer faramineux), le dekkanjé, souriant, les passants, polis.
Le goût amer qui se propage en nous, sur le chemin de la banque pour payer ses impôts, est insupportable. Surtout quand on se paye une amende pour s’être garé 3 minutes en double file sans gêner personne et que pendant que le daraké concupiscent nous demande de payer 50 000 LL, un connard déboule en contre-sens, sans casque, sur sa mobylette pourrie et en toute impunité. Et dans deux semaines, on ira voter pour les mêmes.
Lifestyle - Un peu plus
L’arnaque à la libanaise
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 21 avril 2018 à 00h00
commentaires (6)
L’évaluation du Liban dans les dossiers des instances internationales et qu’on n’ose pas déclarer: "un pays sous développé sans ressource surtout humaine qui ne connait pas le mot INTÉRÊT GÉNÉRAL" il se peut que cela est dû à une guerre absurde de 16 ans qui a produit une élite qui se dit je me sers et après moi le déluge."
DAMMOUS Hanna
01 h 39, le 22 avril 2018