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Moyen Orient et Monde - Vatican

François, an V : les difficultés sont énormes, la volonté de réussir aussi...

Les réticences internes face aux changements en profondeur vont en grandissant, attisées par la faction la plus conservatrice des prélats et de la curie.

Le pape François bénissant la foule de la fenêtre du palais apostolique surplombant la place Saint-Pierre, hier. Filippo Monteforte/AFP

Alors que le pape François fêtera dans quelques jours ses cinq ans en tant que successeur de saint Pierre, l’heure est à un premier bilan de son action. Celui qui, le soir même de son élection, affirmait son originalité en demandant aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre de lui accorder leur bénédiction, n’a cessé de bousculer les convenances, les habitudes et les routines.
Cette capacité à sortir des clous a été rapidement traduite en actes. Comme le rappelle à L’Orient-Le Jour Sébastien Milazzo, maître de conférences à la faculté de théologie catholique de Strasbourg, « en cinq années, le Saint-Père a souhaité mener à terme bon nombres de réformes structurelles ». La tâche est immense, à tel point que l’on se demande si elle peut être menée à bien par un pape qui a récemment fêté son 81e anniversaire. Ce dernier semble être conscient de la situation : il a nommé pas moins de 49 cardinaux électeurs plutôt favorables à ses orientations.
« Le pape François a réellement la volonté de réformer les structures de l’Église. Mais c’est un énorme chantier et il ne faut jamais sous-estimer l’inertie des institutions. Surtout que ce projet suscite des inimitiés. La réussite dépendra de la capacité du pape à mobiliser suffisamment de monde », confirme à L’OLJ Cécile Vanderpelen-Diagre, professeure à l’université libre de Bruxelles et directrice du centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité. Les réformes tendent vers un unique but, explique Sébastien Milazzo, « que l’Église devienne un hôpital de campagne dont la mission est d’accompagner les plus vulnérables ».
Ces réformes provoquent en effet des remous à l’intérieur de l’Église. Ils sont apparus au grand jour à l’occasion du synode sur la famille il y a trois ans, alors que le pape entendait mettre en application son idée d’une Église qui privilégie la miséricorde vis-à-vis des situations familiales difficiles. Cette mansuétude affichée a provoqué la fronde d’un groupe de cardinaux attaché à l’enseignement traditionnel en matière de morale. De ce fait, le synode a été contraint de conclure sur un texte final, Amoris Laetitia, qui est, selon Cécile Vanderpelen-Diagre, « suffisamment souple pour qu’il puisse être interprété de différentes manières par tous les chrétiens ». Une réforme ambiguë donc, qui ne satisfait ni les plus progressistes ni les plus conservateurs, qui exprimeront leurs « doutes » dans une lettre au Saint-Père restée sans réponse.

Réalité de la famille
Malgré les réticences et ce demi-recul, le souverain pontife s’efforce de poursuivre son entreprise. Ainsi, l’année 2017 a vu la réforme de l’académie pontificale pour la vie. Cette institution, dont le discours était parfois jugé trop rigide, a vu ses cadres profondément renouvelés et rajeunis, ainsi que sa mission revue. L’objectif était d’en faire une structure œuvrant dans un sens plus conforme à la volonté pontificale qui fustigeait les « traitements trop zélés » en matière de fin de vie. Autre institution chamboulée, l’institut Jean-Paul II pour la famille, appelé à appréhender « la réalité de la famille d’aujourd’hui dans toute sa complexité, avec ses lumières et ses ombres ». Un message clair adressé aux contestataires du synode et aux « doutes » cardinalices : François a le gouvernement de l’Église bien en main. Les changements de têtes au sommet, comme en témoignent la démission forcée début 2017, du grand maître de l’ordre de Malte et la mise à l’écart de son critique interne le plus virulent, le cardinal Burke, procèdent de la même logique : affermir son autorité, quitte à contredire sa propre aspiration d’une Église moins monarchique, plus collégiale.
Ces vagues de réformes statutaires et de renouvellement des cadres montrent cependant, comme le souligne Cécile Vanderpelen-Diagre, que « les oppositions sont en effet très fortes, comme dans tout projet de réforme d’institutions multiséculaires ». Loin de se confiner aux « bavardages » de la curie régulièrement dénoncés par le pape, elles se sont exposées sur les murs romains, couverts il y a plusieurs mois d’affiches hostiles au souverain pontife, lui reprochant sa gouvernance autoritaire. Cette opération démontre la capacité d’organisation et les moyens de cette opposition résolue qui commence à se structurer, profitant de ce qu’Odon Vallet, spécialiste des religions interrogé par L’OLJ, appelle « la fin de l’état de grâce » qui avait bénéficié au pape depuis son élection.

État d’esprit
François ne connaît en effet pas que des succès. « La réforme de la curie avance très peu, étant donné que le groupe de cardinaux chargé de la superviser manque singulièrement d’efficacité », explique Odon Vallet. Cette réforme administrative et surtout financière est pourtant celle pour laquelle le pape avait été élu. Il fallait mettre de l’ordre dans les comptes. Or, si la réforme de l’IOR, la fameuse banque du Vatican, est en bonne marche, cette dernière ne représente qu’une faible partie des finances de l’Église. Autre affaire délicate : la question de la pédophilie dans les rangs cléricaux. Lors de son dernier voyage au Chili il y a un mois, le souverain pontife a déçu une partie des fidèles en prenant le parti de l’institution et en remettant en cause la parole des victimes.
Le souverain pontife dispose néanmoins d’atouts qui tiennent son opposition interne à distance. Tout d’abord sa popularité, y compris auprès de secteurs d’opinion habituellement anticléricaux. Comme le souligne Anne Morelli, professeure à l’université libre de Bruxelles, dans son article Le pape François a-t-il converti les communistes italiens ?, les secteurs d’ordinaire les plus hostiles de la société italienne semblent pris d’affection pour l’actuel souverain pontife. Le meilleur exemple est l’espoir de la gauche radicale Nichi Vendola, qui explique dans les colonnes du journal Il Manifesto tout le bien qu’il pense de la « radicalité évangélique » du souverain pontife. Il voit en ce dernier, depuis l’encyclique Laudato Si, un allié dans la critique du capitalisme et la défense de l’écologie. À son image, c’est tout un nouveau public qui apprend à apprécier un pape.
L’autre atout du pape face à son opposition est le prestige international tiré du renouveau de la diplomatie vaticane. Utilisant son autorité morale, ainsi que le maillage diplomatique de la Curie, ce pape diplomate s’impose tout d’abord comme un médiateur efficace qui peut se targuer d’un succès qui entrera dans les livres d’histoire : être l’artisan du rapprochement entre Cuba et les États-Unis. Présente sur tous les fronts, climat, migrants, la diplomatie du pape François est peut-être l’un des grands succès de son début de pontificat, que même ses détracteurs sont obligés de lui concéder.
Pour autant, tempère Odon Vallet, malgré cette popularité, « les réalisations concrètes restent jusqu’à présent modestes, le pape a déçu les espoirs de ses soutiens les plus progressistes. Il est dans une situation plus difficile que lors de son élection ». Cela étant, pour Sébastien Milazzo, « l’enjeu ne se situe pas tant dans les structures – même si c’est très important – que dans l’état d’esprit de l’Église : un état d’esprit qui cherchera à fuir les mondanités ecclésiastiques pour retrouver la substantifique moelle de l’Évangile dans le monde ». C’est peut-être cette réforme spirituelle, plus qu’autre chose, qui sera l’héritage du pape François, qui rappelle lui-même que « l’humilité est la voie de la sainteté ».


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