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Moyen Orient et Monde - Élections

Législatives irakiennes : quelle place pour Abadi ?

Après une alliance de seulement 24 heures avec le Hachd el-Chaabi, la position du Premier ministre est aujourd'hui en péril.

Le Premier ministre Haïder al-Abadi lors d’une conférence de presse à Bagdad, le 5 février 2017. Photo AFP

La bataille électorale s'annonce rude en Irak. Prévues le 12 mai, les élections législatives sont censées donner un coup de frais au paysage politique irakien. Elles pourraient néanmoins avoir l'effet inverse. Depuis samedi, les annonces se succèdent, des alliances se font et se défont.

Le Premier ministre Haïder al-Abadi , qui brigue un nouveau mandat, a ainsi annoncé dimanche la composition d'une alliance électorale multiconfessionnelle, l'Alliance de la victoire. Fait inédit, les Forces de mobilisation populaires (FMP, aussi appelées Hachd el-Chaabi, coalition de forces paramilitaires majoritairement chiites et pro-iraniennes) lui ont d'abord offert leur soutien en participant à la même liste électorale. Mais l'alliance n'aura duré que 24 heures. Dès lundi, les FMP ont annoncé leur retrait de la liste pour des « raisons techniques ». Une source proche de Haïder al-Abadi a affirmé lundi à l'AFP que « le retrait de sa liste de certains groupes (appartenant au Hachd) est dû au fait qu'ils n'ont pas pu se conformer aux conditions que le Premier ministre a posées ». « Leurs conditions divergent de la ligne de Haïder al-Abadi qui veut, d'une part, des personnes qualifiées pour leur poste et non choisies en fonction de critères confessionnels, et, d'autre part, des candidats soutenant ses mesures anticorruption », a-t-elle dit.

Un responsable du Hachd a, quant à lui, expliqué que c'est l'inclusion de certains candidats « impliqués dans la corruption » à la liste du Premier ministre qui a poussé le groupe à participer séparément au scrutin, tout en réaffirmant respecter Abadi. D'autres membres de la coalition avancent qu'il s'agit simplement d'une tactique électorale. « Les experts nous ont expliqué que nous aurons plus de sièges au Parlement si nous nous présentons sur des listes séparées, car le système électoral favorise les listes moyennes au détriment des grandes listes », a ainsi expliqué à l'AFP Abou el-Wala, secrétaire général de Kataëb Sayyed el-Chouhada.

Huit groupes représentant les FMP se présentent donc aujourd'hui sous la bannière de la coalition Fateh (conquête, en arabe), dont le Hezbollah irakien, Asaïb Ahl el-Haq, et l'organisation Badr. Une manière de rappeler leur rôle crucial dans la reconquête des territoires pris par l'État islamique à l'été 2014.

 

(Lire aussi : Pas d'alliance électorale entre Abadi et le Hachd al-Chaabi)

 

 

Iran et USA
Ce qui fut un atout pour le Premier ministre actuel s'est donc vite transformé en désagrément pour lui. Haïder al-Abadi n'a en effet donc plus seulement son grand rival – et prédécesseur – Nouri al-Maliki face à lui dans la course. Les dissensions au sein du parti Daawa auquel appartiennent les deux hommes les ont poussés à participer aux élections sur différentes listes. Le vice-président actuel, et secrétaire général du parti Daawa, cherche à tout prix à revenir dans l'arène.

Dans ce contexte, la coalition Fateh est donc une concurrente sérieuse dans cette course et pourrait changer la donne dans la composition du Parlement irakien. Après une alliance de seulement 24 heures, la crédibilité du Premier ministre en a certainement pris un coup, et sa position est aujourd'hui en péril, d'autant plus que de nombreux Irakiens le considèrent comme un « escroc » et certains de ses proches affirment qu'il a déjà perdu les élections. Le très populaire clerc chiite Moqtada Sadr, un anti-iranien notoire, avait vivement critiqué l'alliance formée entre M. Abadi et les FMP, et affirmé que son soutien n'ira qu'à des technocrates indépendants, annonçant dans la foulée être parvenu à un accord avec le Parti communiste d'Irak.

Largement considéré comme le candidat de Washington à ces élections, Haïder al-Abadi pourrait voir son influence diminuer au profit de ses rivaux soutenus par Téhéran. Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, l'influence iranienne est de plus en plus visible à Bagdad. Washington, comme Riyad, cherche à maintenir une présence quelconque en Irak, entre autres, pour contrer cette influence. L'Arabie saoudite s'est récemment rapprochée du gouvernement Abadi après des années de distance, tout en ayant gardé des liens tribaux locaux. Après Daech (acronyme arabe de l'EI), la reconstruction de zones sunnites détruites et un gouvernement réceptif pourraient lui permettre de revenir en force en Irak. La candidature d'Iyad Allaoui, ancien Premier ministre et opposé à l'ingérence de Téhéran dans les affaires irakiennes, pourrait être un atout pour Washington et Riyad. Mais face à Hadi el-Ameri et Qaïs el-Khazaali, candidats des FMP, rien n'est moins sûr. Leur présence dans la course électorale a redistribué les cartes et pose un sérieux problème au Premier ministre sortant.

En attendant, la date même du scrutin reste incertaine. Plusieurs partis, notamment sunnites mais aussi chiites, appellent à un report de six mois des législatives. Ils affirment que la destruction de nombreuses régions pendant la guerre contre Daech et les quelque trois millions de déplacés internes empêchent la tenue d'un scrutin légitime, juste et complet. Mais la majorité des partis kurdes et chiites s'oppose à un tel renvoi, craignant un scénario à la libanaise, et qui laisserait le pays sans gouvernement plusieurs années durant. Les dissensions sont telles que la justice pourrait avoir à décider d'un renvoi éventuel, ou pas, du scrutin.

 

Pour mémoire

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