Un an après l'élection de M. Michel Aoun, le président et son gouvernement s'activent avec une efficacité certaine à effacer les traces matérielles de la guerre civile à coups de réformes et de normalisation de la vie quotidienne, dessinant ainsi les prémices d'une véritable deuxième République. Ils peuvent se targuer d'avoir abattu beaucoup de travail en l'espace de douze mois : des réformes difficiles ont été accomplies, d'autres sont en cours. MM. Aoun et Hariri semblent être habités par leur « mission » et s'en acquittent avec un sens national qu'on croyait définitivement perdu. Le mot d'ordre est le pragmatisme : laisser de côté les questions qui fâchent ; fermer les yeux sur les déviances politiques et partisanes; réformer et régler les problèmes quotidiens qui se sont amoncelés pendant des années d'inaction. La preuve que tout n'est pas perdu et que la lumière est au bout du tunnel.
Mais le pragmatisme n'y suffira pas : si deuxième République il y a, elle ne pourra pas prendre son élan tant que personne ne se risque à aborder, sinon de biais, les sujets qui réveillent des souvenirs pénibles et douloureux. Des petites phrases ici et là démontrent, s'il en était besoin, que des pages ont été tournées mais jamais refermées. Le silence retombe aussitôt alors même que la mémoire de ces « événements » reste vive dans l'esprit des victimes, de leurs proches et des témoins de cette guerre sans merci qui a fait une centaine de milliers de victimes, dévasté des pans entiers de l'économie et de l'architecture du pays, humilié ses enfants et nourri des ressentiments qui peinent à s'effacer. On fait comme s'il suffisait de traiter les problèmes matériels en ignorant l'immatériel. Or la réconciliation nationale n'a pas eu lieu. Il appartient au pouvoir central de l'initier.
La réconciliation nationale passe impérativement par la reconnaissance par les partis politiques et les milices actuelles ou passées de leurs crimes de guerre.
Sans une réconciliation nationale, les efforts du régime pour assainir le pays buteront toujours sur la méfiance qui règne entre les factions politico-confessionnelles et qui empêche une adhésion totale à un pouvoir pourtant de bonne foi. Il en faut du courage pour demander pardon, mais le peuple n'est pas amnésique et ne pardonnera pas aux hommes au pouvoir tant qu'ils se déroberont à ce devoir de mémoire, et la deuxième République en gestation continuera à se débattre dans les sables mouvants.
Une telle réconciliation nationale nécessite aussi un acte symbolique fort.
Pourquoi ne pas proclamer une Journée nationale du souvenir de la guerre civile et ériger une statue à la mémoire des victimes au centre de Beyrouth ?
Elle ne déparera pas aux côtés de la statue des Martyrs (pendus par les Ottomans) qui a, elle, été curieusement épargnée (ou presque) par le déchaînement des violences.
Éditrice
commentaires (4)
Il fut un temps où M.aoun s'exprimait régulièrement et ses discours étaient attendus et écoutés avec ferveur par ses partisans. Aujourd'hui, alors que le pays a plus que jamais besoin de symboles, eh bien le président ne s'adresse jamais à la nation. C'est Hassan Nasrallah qui s'exprime régulièrement et le pays est suspendu à ses lèvres. Pas parce qu'il est un bon orateur mais parce que le pays est en père de repères et de symboles,!
Marionet
14 h 53, le 15 décembre 2017