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Moyen Orient et Monde - Focus

Qui sont les islamistes à l’origine de la paralysie du Pakistan ?

Avec une surprenante facilité, un parti islamiste est parvenu à mettre à genoux le gouvernement et à perturber le fonctionnement du pays le mois dernier.

Khadim Hussain Rizvi, le chef du parti islamiste Tahreek-e-Labaik Pakistan, lors d’une manifestation le 11 novembre à Islamabad. Caren Firouz/Reuters

C'est un pari réussi pour les membres du parti islamiste Tahreek-e-Labaik Pakistan (TLP). Après trois semaines de mobilisation, le groupe a obtenu lundi dernier ce qu'il cherchait : la démission du ministre de la Justice. Ce dernier était accusé d'avoir voulu modifier le discours d'investiture à la présidence, en remplaçant les termes « Je jure » que Mahomet est le dernier prophète de l'histoire par « Je crois ».
Pour parvenir à leurs fins, les militants ont fait preuve d'une résilience à toute épreuve. Pendant près d'un mois, ils ont bloqué la principale autoroute de la capitale Islamabad et paralysé l'économie du pays. Mais qui aurait pu croire que ce tout nouveau parti islamiste parviendrait à faire plier le gouvernement pakistanais ?

 

Blasphème
Le TLP voit le jour en 2015 à Karachi, il est alors composé de seulement 75 membres. Le parti se donne à l'origine comme objectif de lutter contre la corruption des politiques grâce à la loi islamique. La seule particularité du mouvement est d'appartenir à l'école barelvie du sunnisme indo-pakistanais. « Ce courant, proche du soufisme, est parfois considéré comme porteur d'une pratique plus modérée de l'islam », explique Laurent Gayer, chercheur à Sciences Po Paris, interrogé par L'Orient-Le Jour. En termes de pratique religieuse, cela signifie simplement que les fidèles vouent une attention particulière au Prophète. C'est sans doute ce qui explique les positions radicales du groupe ces derniers mois. Le TLP refuse en effet toute remise en cause de la loi sur le blasphème, qui prévoit la peine de mort pour toute insulte à l'islam ou au Prophète.
Pour défendre ce dispositif législatif, le parti est prêt à tout. En 2011, le gouverneur progressiste de la province du Pendjab était assassiné pour avoir contesté la loi sur le blasphème. Le TLP milite activement pour la libération du meurtrier en multipliant les manifestations. Si ce dernier a finalement été condamné à mort en 2016, la formation politique continue de le percevoir comme un véritable héros et un martyr à part entière.

 

Charia
Une chose est sûre : le mouvement s'est radicalisé depuis sa création. « C'est du sein du Tlyrap (Tehreek-i-Labaik Yah Rasool Allah Pakistan) qu'a émergé un nouvel islam radical sunnite, marqué par une dévotion paroxystique à l'égard de la figure du Prophète. Cela différencie ce mouvement des courants salafistes-jihadistes », souligne M. Gayer. Dans le programme du parti, la couleur est donnée. Le TLP se donne pour objectif de « faire du Pakistan un État islamique gouverné par la charia ».

Un certain culte de la personnalité entoure le leader du mouvement, Khadim Hussain Rizvi. Sur le site de la formation, ce dernier est décrit comme « un imam parlant sans peur » et le « héros de notre bien-aimée patrie islamique ». Les sorties de M. Rizvi se veulent volontairement provocantes. Dans une récente interview, le chef du TLP expliquait : « Il n'y a aucun problème d'harmonie entre les chrétiens et les musulmans. Il n'y a pas de persécution des chrétiens. Cependant, si quelqu'un parle mal de notre Prophète, il ne peut rester en vie. » Pendant les manifestations de novembre, M. Rizvi était parvenu à galvaniser la foule en lançant : « Nous n'avons pas peur de la prison, nous sommes prêts à mourir pour notre Prophète. »

Toujours est-il que cette ligne radicale, proche de celle des talibans pakistanais, semble séduire. Des élections partielles ont eu lieu à Lahore en septembre dernier pour remplacer le Premier ministre Nawaz Sharif, accusé de corruption par les Panama Papers. Avec 6 % des votes, le TPL, créé il y a seulement 2 ans, s'est placé en 3e position. L'engouement qu'il suscite inquiète le parti au pouvoir, qui craint de perdre les prochaines élections législatives prévues pour l'été 2018.

Les islamistes semblent bel et bien gagner du terrain au Pakistan. « La gestion désastreuse des événements par le parti au pouvoir et l'impression de capitulation qui en ressort ont certainement renforcé les extrémistes religieux de tous bords, en suggérant que la stratégie du blocage pouvait être payante. Mais cette victoire est surtout d'ordre symbolique. Elle témoigne de l'emprise croissante du discours et des acteurs religieux dans la régulation de la vie sociale et politique », explique M. Gayer.

C'est un pari réussi pour les membres du parti islamiste Tahreek-e-Labaik Pakistan (TLP). Après trois semaines de mobilisation, le groupe a obtenu lundi dernier ce qu'il cherchait : la démission du ministre de la Justice. Ce dernier était accusé d'avoir voulu modifier le discours d'investiture à la présidence, en remplaçant les termes « Je jure » que Mahomet est le dernier prophète...

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