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Lifestyle - Un peu plus

Waiting room

C'est une waiting room. Une salle d'attente pas comme les autres. Sur les tables ne trônent pas de vieux numéros de magazines totalement outdated. Pas de prospectus pour soigner le relâchement de la vessie ou promouvoir un implant capillaire. Pas de poster des phases d'une grossesse ou des 32 dents. Pas de dessins sur les murs non plus, ni de cubes en bois éparpillés entre les tables, côtoyant une Barbie démembrée et un sac de couches.
Non, cette waiting room est une antichambre entre la vie et le départ. Un lieu où se suivent des visages tirés. Où se suivent les angoisses des un(e)s et la peur des autres. C'est une salle d'attente d'hôpital. C'est la salle d'attente des soins intensifs.

Ici, on attend les heures des visites. On enfile un tablier bleu, des gants en latex et un masque pour retrouver celui ou celle qu'on aime. Ici, on entend résonner les battements du cœur au rythme des graphes de l'électrocardiogramme. Ici, on attend. Pas un rendez-vous. Et le rendez-vous, on ne le veut pas. Ici, on attend. Et l'attente est longue, quelle que soit sa durée.
Et pendant ces attentes, on fait passer le temps comme on peut. En faisant des mots croisés, en lisant un bouquin, en faisant un puzzle 1 000 pièces de Londres où chaque visiteur, que l'on connaît ou pas, posera une pièce, content d'avoir contribué à l'édification de Big Ben. On fait un rosaire, on lit un verset ; on prie et on invoque tous les saints et les prophètes. Et durant ces heures et minutes interminables, on reçoit. Les amis, les proches qui ne bougeront pas jusqu'au lendemain matin, les amis des proches. On reçoit dans ce salon de fortune où s'amoncellent des sacs de delivery et des boîtes en carton remplies de brownies et de lazy cakes. On reçoit et on fait la conversation sur des chaises rigides et des fauteuils décrépits. Comme si l'hôpital ne voulait pas qu'on s'éternise. Et pourtant, c'est ce que l'on est censé faire. Rester. On converse bon gré mal gré avec ceux et celles qu'on aime et ceux et celles qu'on n'aime pas. Qu'on n'aimait pas. Parce que dans ces moments, même les gens qu'on n'apprécie pas forcément, on finit par les apprécier. On partage la même souffrance, la même crainte. Et la peur fait tomber les discordes.

Pendant ces heures et minutes interminables, on croise le regard d'inconnus. Des inconnus qui, au terme de ce bref ou long séjour, n'en seront plus. On se regarde, on se sourit discrètement. On entame une discussion, un small talk sur les raisons de nos présences dans cette salle froide aux lumières trop blanches. Le lendemain, on se sourit, on se dit bonjour, on s'embrasse. On s'offre mutuellement des diaffet. On s'enquiert de celui ou celle qui est cloîtré dans cette chambre austère aux lumières trop blanches à laquelle on ne peut accéder que deux fois par jour, à moins de bénéficier de la compassion du garde. On se raconte des/nos histoires, on s'épanche. On descend ensemble fumer une cigarette, faire une promenade. On achète des cafés et des cappuccinos au prix exorbitant, des cookies et des mné2ish à tout le monde.

Puis, la nuit tombée, on s'allonge face à face sur ces lits qui n'en sont pas. Sur ces canapés gris en similicuir d'où les jambes débordent. On essaye de trouver le sommeil, aveuglé par ces lumières trop blanches. On tourne et on se retourne plusieurs fois. On se sourit parce que l'inconfort dont nous sommes les otages est le même pour l'un(e) comme pour l'autre. On rentre à la maison. Et on revient en espérant que ce sera la dernière journée que l'on passera dans cette salle austère aux lumières trop blanches, pour déménager à un autre étage. Mais on sait parfois qu'on ne peut plus espérer. Qu'on quittera cette waiting room pour un endroit bien plus austère. On sait que l'attente se terminera et que les craintes partagées n'auront pas la même fin. Certaines auront un happy ending... D'autres pas.

Et quand la flatline sonne le glas de l'attente, on se regarde avec ces inconnus qui n'en sont plus. On s'embrasse, on s'enlace, on se sourit. En sachant que l'on se reverra autre part, dans un ailleurs moins austère. Autour d'une table dressée, remplie de plats préparés par un chef extraordinaire, croisé dans ce même salon et que l'on sait d'avance succulents. Autour d'une table dressée, exactement comme il les aimait. Une table généreuse où les rires s'entremêleront aux larmes et les verres trinqueront... à ta mémoire, Sami.

C'est une waiting room. Une salle d'attente pas comme les autres. Sur les tables ne trônent pas de vieux numéros de magazines totalement outdated. Pas de prospectus pour soigner le relâchement de la vessie ou promouvoir un implant capillaire. Pas de poster des phases d'une grossesse ou des 32 dents. Pas de dessins sur les murs non plus, ni de cubes en bois éparpillés entre les tables,...

commentaires (1)

"Waiting room". Je ne parle pas l'anglais, mais je suppose que ces deux mots veulent dire "Salle d'attente". Pourquoi le dire en anglais dans un journal francophone ?

Un Libanais

13 h 43, le 25 novembre 2017

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Commentaires (1)

  • "Waiting room". Je ne parle pas l'anglais, mais je suppose que ces deux mots veulent dire "Salle d'attente". Pourquoi le dire en anglais dans un journal francophone ?

    Un Libanais

    13 h 43, le 25 novembre 2017

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