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Moyen Orient et Monde - Entretien

Les secrets de la stabilité à toute épreuve des Émirats arabes unis...

Discussion à bâtons rompus avec l'ambassadeur émirati à Beyrouth, Hamad Saïd al-Shamsi.

L’ambassadeur des Émirats arabes unis au Liban, Hamad Saïd al-Shamsi. Photo Michel Sayegh

Les Émirats arabes unis (EAU) ont commémoré le 2 novembre la disparition de cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, le père de ce jeune État né en 1971, sous son impulsion, de l'union de sept émirats. À sa mort en 2004, ce charismatique dirigeant a laissé une confédération en plein essor. Aujourd'hui, ce pays est l'un des plus stables de tout le Moyen-Orient. Guerres, conflits, terrorisme, révoltes, tensions communautaires, instabilité politique : rien ne semble affecter ce territoire de 9 millions d'habitants, dont la majorité sont des expatriés, avec seulement un million de nationaux. À cette occasion, l'ambassadeur des Émirats arabes unis au Liban, Hamad Saïd al-Shamsi, est longuement revenu, pour L'Orient-Le Jour, sur son pays, son histoire, ses spécificités et son avenir.

Les EAU commémorent la disparition de cheikh Zayed, qui a réussi presque un miracle : créer un pays à partir d'une multitude d'émirats en rivalité constante. Comment a-t-il réussi ce tour de force ?

Malgré les difficultés qui ont entravé la fondation des EAU, on peut considérer aujourd'hui que cette confédération est l'une des plus réussies dans l'histoire contemporaine. Nous savons que les débuts ont été difficiles : le jeune État a dû faire face à des défis majeurs, notamment à l'hostilité de ses plus proches voisins qui espéraient l'échec de cette union.

La région était sous domination britannique, et les tribus qui y régnaient étaient en rivalité historique constante, non seulement entre les sept émirats qui forment aujourd'hui les EAU, mais dans toute la région du Golfe, y compris Oman, l'Arabie saoudite, le Qatar, etc. En accédant au pouvoir le 6 août 1966 à la tête d'Abou Dhabi, cheikh Zayed a su lire la conjoncture de l'époque : la découverte récente des gisements de pétrole, avec toute l'abondance qui viendra avec, mais aussi avec la convoitise des puissances régionales et internationales pour s'approprier ces ressources.

Il s'est alors employé à tisser des liens avec les différents émirats (Bahreïn et Qatar inclus) pour les persuader de la nécessité de s'unir afin de se défendre contre des dangers de toutes parts. Les négociations ont pris un certain temps avant que les dirigeants de ces émirats ne soient convaincus du bien-fondé de l'union. Par contre, pour des raisons politiques et géographiques, le Bahreïn et le Qatar n'ont pas accepté les propositions de cheikh Zayed, malgré les concessions majeures qu'il a dû faire. Et c'est le 2 décembre 1971 qu'il a officiellement annoncé la naissance de la Fédération des Émirats arabes unis.
Outre ses qualités d'habile négociateur, la force de cheikh Zayed venait de sa proximité avec les gens. Il était connu pour sa modestie, son honnêteté, sa simplicité et sa ténacité à dépasser les obstacles.

Malgré la stabilité politique et le développement économique impressionnant des Émirats, le concept de démocratie ne semble pas prévaloir dans ce pays...

Il ne faut pas se borner à critiquer l'absence de démocratie parce qu'il n'y a pas un régime parlementaire. Il y a des pays qui organisent des élections parlementaires pour la forme, alors que le régime est autocratique. Sans oublier d'autres pays où les Parlements menacent régulièrement la stabilité. Aux Émirats, la séparation des pouvoirs est bien réelle entre législatif, exécutif et judiciaire. Il existe depuis la création de la fédération une culture de consultation populaire enracinée très tôt par cheikh Zayed au niveau local, avec des conseils tribaux qui se réunissent régulièrement pour discuter de tous les sujets liés à la gouvernance.

Au niveau fédéral, le pays a été fondé sur des bases démocratiques, notamment sur la consultation entre les différents émirats. Actuellement, le Conseil suprême, constitué des sept émirs, chapeaute le système politique. En outre, le président des Émirats nomme un Premier ministre qui forme le gouvernement fédéral après consultations avec les dirigeants de tous les émirats. Il existe par ailleurs le Conseil national fédéral (FNC), qui est une sorte de Parlement des Émirats. Il comprend 40 membres depuis 2006, avec une première étape du programme d'autonomisation politique initié par l'actuel président, cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane. 20 des membres du FNC sont élus par un collège électoral, alors que l'autre moitié est sélectionnée par les souverains des différents émirats.

Une autre étape a suivi en 2011, et elle a élargi la consultation populaire. Amendant les lois de 2006, les organes électoraux ont augmenté jusqu'à dépasser les 300, doublant en outre le nombre de représentants pour chaque émirat et offrant un plus grand choix aux Émiratis de choisir leurs représentants. Enfin, une 3e expérience réussie a eu lieu en 2015, confirmant la détermination des dirigeants du pays à donner de plus en plus de responsabilité au niveau national aux citoyens, dont les droits sont garantis.
Dans tous les cas, on ne peut pas comparer la démocratie dans des pays qui ont à peine 40 ans avec des pays qui la pratiquent depuis plus de 500 ans. Par contre, on peut comparer le bien-être du citoyen aux Émirats avec le bien-être de ceux vivant dans des pays où prévaut la démocratie parlementaire...

Justement, parlons-en, de ce citoyen émirati. Vous utilisez des mots tels que bonheur, tolérance ; ou participation. Qu'en est-il réellement ?

Les dirigeants émiratis, qui tiennent à rester proches des gens, sont convaincus que le rôle de l'État est de prodiguer les meilleurs services possibles à sa population. D'où l'importance des secteurs de l'éducation et de la santé, par exemple, tous deux gratuits, sans oublier une politique d'emploi efficace. Tout cela répond à une seule exigence : le bien-être du citoyen.

Plus important encore : notre pays est déterminé à bannir le radicalisme religieux. Les Émiratis sont connus pour une pratique modérée de l'islam. En outre, notre confédération entretient d'excellentes relations avec le Vatican. Notons que le nom de la mosquée Mohammad ben Zayed a été récemment modifié pour devenir la mosquée de Marie mère de Jésus, et qu'il existe dans les Émirats plus de 40 églises ainsi qu'un temple hindou, une première dans la région. Nous avons récemment créé un ministère de la Tolérance et légiféré contre les insultes proférées contre toute religion. Cela protège les différentes pratiques religieuses dans le pays.

Les Émirats ont également mis sur pied un nouveau ministère, celui du Bonheur et de la Qualité de vie, dont le rôle est de lancer des programmes et une stratégie pour un meilleur bien-être, non seulement des citoyens, mais aussi de tous les résidents. Le ministère est dirigé par une femme, Ouhoud al-Roumi. Un autre ministère est aussi dirigé par une femme, Chemma el-Mazroui, qui a été nommée ministre d'État aux Affaires de la jeunesse. Ce ministère prodigue des conseils à la jeunesse à travers tout le pays et discute avec elle de tous les sujets qui l'intéressent; il a également créé un Parlement de jeunes, qui présente souvent des projets au gouvernement.
Rappelons la place importante de la femme dans la société, dans l'éducation et en politique : il y a neuf femmes dans l'actuel gouvernement des EAU, sans compter celles qui travaillent dans les corps judiciaire et diplomatique.

Les Émirats ont eu la chance d'avoir à leur tête certains visionnaires. Qu'en est-il de la nouvelle génération occupée par les voyages, la chasse et les photos sur les réseaux sociaux ?

Les gens se demandaient il y a quelques années ce que deviendraient les Émirats après la disparition de cheikh Zayed. Je me souviens bien du jour où a été annoncé le décès du président : une ambiance sinistre régnait dans le pays, et les gens non seulement pleuraient leur dirigeant, mais étaient inquiets de l'avenir. Juste après les funérailles, les dirigeants émiratis se sont rencontrés au palais présidentiel, et en moins d'une heure, ont élu cheikh Khalifa, le prince héritier d'Abou Dhabi, successeur de cheikh Zayed, confirmant le bon fonctionnement des institutions. Bien que la Constitution soit claire sur ce sujet, la rapidité de l'entente entre les émirs est une preuve irréfutable des liens indéfectibles qui relient ces différents chefs, qui savent privilégier l'intérêt général aux intérêts particuliers.

Cheikh Khalifa a poursuivi la vision de son prédécesseur ; il l'a même affûtée, concernant notamment la place de l'État fédéral. Ce que les pères fondateurs ont créé (de nouvelles institutions étatiques), la génération qui leur a succédé l'a consolidé, et on attend désormais de leurs enfants qu'ils pérennisent ce travail. Avec cheikh Zayed, ces pères fondateurs sont partis de zéro, mais leurs fils, eux, avaient déjà la moitié du travail accompli. Quoi de plus naturel que les jeunes d'aujourd'hui, qui sont préparés dès leur plus tendre enfance à prendre le relais, s'affichent sur les réseaux sociaux, comme Facebook ou Instagram : ils suivent naturellement la technologie et les nouveaux moyens de communication. Mais ils perpétuent, à leur manière, les coutumes de leurs ancêtres, à savoir la chasse et les voyages.

Je pense qu'il n'y a aucune crainte à se faire, ni pour les Émirats ni pour leurs dirigeants, qui ont réussi à cimenter un peuple, et à assurer une sécurité constante et une économie forte grâce à un fonds souverain de 865 milliards de dollars. Surtout que depuis la création des Émirats, la population a réussi à se forger ses propres valeurs : une identité spécifique fondée sur la tolérance et l'ouverture, et surtout sur l'humilité. Et cela commence par les émirs eux-mêmes.


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commentaires (2)

Un modèle est né pour le Golf. Chaque pays aura son propre idéal, ses us et coutumes, mais le modèle de tolérance et d'ouverture dont il faut s'inspirer et se rapprocher est né me semble.

Sarkis Serge Tateossian

23 h 08, le 06 novembre 2017

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Commentaires (2)

  • Un modèle est né pour le Golf. Chaque pays aura son propre idéal, ses us et coutumes, mais le modèle de tolérance et d'ouverture dont il faut s'inspirer et se rapprocher est né me semble.

    Sarkis Serge Tateossian

    23 h 08, le 06 novembre 2017

  • sans vouloir etre trouble fete, ""Marie mère de Jésus"" le nouveau nom de cette eglise , en arabe serait quoi : Marie la mere de Jesus ou alors- GROSSE DIFFERENCE- Marie la mere de ISSA ? Le Coran nommant notre Jesus a nous - Fils de Dieu -comme le prophete Issa !!

    Gaby SIOUFI

    10 h 02, le 06 novembre 2017

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