Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

Le Hachd al-Chaabi, le nouveau défi de Abadi

Les forces irakiennes ont mis en échec le projet d’indépendance kurde. Ahmad al-Rubaye/AFP

On le disait mort, quasiment enterré. On imaginait son implosion en différents micro-États construits sur des bases ethniques et/ou communautaires. On voyait mal comment un État qui avait perdu sa deuxième ville, Mossoul, en seulement quatre jours, contre quelques milliers de jihadistes, pouvait préserver l'intégrité de son territoire et l'unité de son peuple. Force est pourtant de constater aujourd'hui que cet alarmisme était excessif.

Non seulement l'État irakien a été préservé, mais il a regagné en plus, au cours de ces derniers mois, une partie de son prestige. Trois ans après son arrivée au pouvoir, Haider el-Abadi peut se targuer d'avoir relevé deux défis qui mettaient l'État irakien en péril. Il a réussi son opération de reconquête militaire des territoires occupés par l'État islamique. Il a mis en échec le projet kurde de créer un État indépendant, sans déclencher de guerre civile (du moins pour l'instant), et avec le soutien de la communauté internationale.
Le Premier ministre irakien a réaffirmé l'autorité de Bagdad en annihilant deux projets concurrentiels portés par des Arabes sunnites et par des Kurdes. C'était deux étapes indispensables pour préserver l'unité de l'Irak. Mais qui ne suffisent pas pour autant à restaurer l'intégralité de l'autorité de l'État.

L'Irak est sauf mais pas encore sain. Bagdad reste faible et dépendant de ses alliés extérieurs, sans qui toutes ces opérations de reconquête n'auraient pas été possibles. Et le pouvoir central doit désormais s'attaquer à une mission encore plus délicate : mettre en échec le troisième projet concurrentiel en imposant cette fois-ci son autorité aux... milices chiites. Ces dernières apparaissent, pour l'heure, comme les grands vainqueurs de la guerre menée contre l'EI, qui leur a permis de jouer un rôle de premier plan, d'asseoir leur domination et de légitimer leur existence. Si la majorité de ces milices est directement téléguidée par Téhéran, elles contribuent toutes – mêmes les plus nationalistes comme la milice al-Sadr – à affaiblir le pouvoir central auquel elles prétendent se substituer.

Bagdad aura toutefois fort à faire pour en venir à bout. Les milices sont puissantes et populaires. Et contrairement au projet sunnite et kurde, elles ne remettent pas en cause la domination des chiites sur l'État irakien. Haider el-Abadi peut difficilement les attaquer de front. Il serait accusé d'affaiblir son propre camp. Au secrétaire d'État américain Rex Tillerson qui a demandé la semaine dernière aux Hachd al-Chaabi (les milices chiites de mobilisation populaire) de « rentrer chez eux », M. Abadi a répondu avec fermeté que ces dernières étaient exclusivement « formées de combattants irakiens ayant défendu leur pays et s'étant sacrifiés pour vaincre l'EI ». Comme pour signifier à son allié qu'on ne s'en prend pas à des « héros nationaux ». Le Premier ministre a ensuite rectifié le tir en précisant qu'il s'engageait à désarmer les milices chiites qui refuseront de se soumettre à l'autorité de l'État. Mais comment réagira-t-il si ces dernières refusent de rendre les armes ou de rejoindre les forces gouvernementales ? Haider al-Abadi osera-t-il monter au front contre son allié iranien, dont l'influence en Irak n'a cessé de croître ces dernières années ? À l'heure actuelle, cela paraît peu envisageable.

La restauration de la pleine autorité de l'État irakien est pourtant une condition indispensable pour que le pouvoir en place puisse répondre aux nombreux défis de la réconciliation nationale. Parmi eux : la reconstruction des villes détruites, la gestion des populations abandonnées, l'intégration des sunnites au sein de l'appareil étatique, la lutte contre la corruption et contre la déliquescence des services publics. Autant de sujets qui ont été mis entre parenthèses pendant la guerre contre l'EI, mais qui vont retrouver le devant de la scène aux premières heures du retour de la paix. Autant de sujets qui rappellent que si le catastrophisme était excessif, l'euphorie le serait aujourd'hui tout autant.

 

Pour mémoire

Les exactions des Hachd al-Chaabi poussent-elles les sunnites dans les bras de l’EI ?

On le disait mort, quasiment enterré. On imaginait son implosion en différents micro-États construits sur des bases ethniques et/ou communautaires. On voyait mal comment un État qui avait perdu sa deuxième ville, Mossoul, en seulement quatre jours, contre quelques milliers de jihadistes, pouvait préserver l'intégrité de son territoire et l'unité de son peuple. Force est pourtant de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut