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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Le bras armé du Hamas dans la tourmente

À Gaza, la résistance islamiste se voit contrainte de s'adapter en vue de la réconciliation palestinienne.

Saleh el-Arouri (gauche), un dirigeant du Hamas et fondateur des Brigades al-Qassam, serre la main à Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil national de sécurité iranien, le 21 octobre, à Téhéran. Tasnim News Agency via Reuters

Les Brigades al-Qassam ne sont pas près de disparaître. C'est du moins la ligne, intangible, que défend le leadership du Hamas, plongé dans les tumultes du processus de réconciliation avec le Fateh et l'Autorité palestinienne (AP). Si l'accord du Caire, signé le 12 octobre par les émissaires des factions palestiniennes rivales, ne prévoit pas de mesures contre le bras armé du Hamas, les Brigades sont au cœur des préoccupations. Tous, de l'AP à Israël en passant par l'Égypte, souhaitent sa mise en veilleuse, voire même sa disparition totale. Car, depuis leur création en 1991, les Brigades Ezzedine al-Qassam sont devenues l'une des principales factions armées de la résistance palestinienne face à l'occupation israélienne, rivalisant avec les Brigades al-Aqsa du Fateh, ou al-Qods du Jihad islamique.

Ces dix dernières années, le Hamas a régné en maître sur Gaza depuis qu'il en a chassé le Fateh, en 2007, au cours d'une semaine de combats extrêmement violents. Prônant la guerre sacrée contre Israël, le mouvement islamiste a utilisé les 20 à 30 000 hommes des Brigades pour assurer la fonction de police, mais également pour tirer des roquettes et kidnapper des soldats israéliens. Mais la donne a changé au cours de ces derniers mois. L'Autorité palestinienne, sous la présidence de Mahmoud Abbas, a progressivement imposé des sanctions économiques sur le mouvement islamiste, pour qui la gestion civile de Gaza devenait de plus en plus difficile à assumer. Affaibli économiquement et isolé de ses alliés, le mouvement islamiste a également été mis au ban par l'Égypte de Abdel Fattah al-Sissi, ennemi juré des Frères musulmans, et a entretenu des relations plus froides avec l'Iran, mécontent de la neutralité du Hamas pendant la guerre civile syrienne.

L'accord du Caire vient aujourd'hui consacrer cette convalescence du Hamas, mais aussi sa renaissance. Car, si l'Autorité palestinienne reprend le contrôle civil de Gaza, le Hamas, libéré des contraintes administratives, veut désormais se concentrer sur sa fonction de « résistance ». Interrogé par L'Orient-Le Jour, Hussam Abdulhadi, directeur de la section anglophone de l'office de presse du Hamas, estime que « les Brigades al-Qassam en profiteront pour perfectionner leur tactique et leur armement, notamment technologique ». Aucun doute sur le fait qu'elles chercheront à creuser de nouveaux tunnels vers Israël et financer leurs futurs tirs de roquette. Il estime toutefois que les Brigades ne rompront pas la trêve non officielle qui devra durer « au moins pendant toute la durée des négociations » autour de la réconciliation avec le Fateh. À condition que l'armée israélienne ne mène pas d'attaques contre le territoire palestinien, précise M. Abdulhadi, qui assure que le Hamas « veut la paix » et que les Brigades al-Qassam ne remplissent pour l'instant qu'une fonction défensive.

 

(Lire aussi : Le chef de la sécurité du Hamas blessé dans un attentat à Gaza)

 

Vers une unification de la résistance
Cette trêve officieuse ne suffit néanmoins pas à rassurer le gouvernement israélien, qui brandit la crainte d'un renforcement islamiste pour rallier à lui les Palestiniens les plus radicaux. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réclamé, dès l'annonce de l'accord du Caire, le désarmement des Brigades et la reconnaissance de l'État hébreu par le Hamas, sous peine d'une suspension des négociations avec l'Autorité palestinienne. Mais le leadership du Hamas a fermement refusé ces conditions, qu'il juge exagérées, et préfère temporiser. Hussam Abdulhadi confirme qu'il est « trop tôt » pour déposer les armes et reconnaître le droit d'existence d'Israël. « Tant que durera l'occupation, nous assurerons la résistance », ajoute-t-il. Le Hamas a toutefois déjà mis de l'eau dans son vin, au cours de ces dernières années. La révision de sa charte, allégée de ses relents antisémites, en est le meilleur exemple. Et les dirigeants et porte-parole du mouvement islamiste ne parlent plus de « l'anéantissement d'Israël », mais de la « fin de l'occupation » des territoires palestiniens tels que définis par l'ONU en 1967.

Cette « ouverture » du Hamas devrait l'amener à reconsidérer ses rapports avec les autres factions palestiniennes. Quitte à envisager que les Brigades al-Qassam « soient incluses dans l'OLP », d'après Yahya el-Sinwar, chef du bureau politique du Hamas. « L'unité des forces armées palestiniennes, sous un gouvernement d'unité nationale, serait souhaitable à très long terme », Hussam Abdulhadi.

 

(Lire aussi : Le Hamas prévient que "personne au monde" ne peut le forcer à rendre les armes)

 

 

Le Hamas à la merci de l'Égypte et de l'Iran
Le porte-parole du Hamas vante également l'indépendance des Brigades, qui « ne prennent d'ordre d'aucun pays ». De fait, la structure flexible de ce groupe armé, composé de nombreuses cellules, le rend quasi autonome vis-à-vis du bureau politique du mouvement islamiste. Il dispose d'une certaine marge de manœuvre par rapport aux intérêts géopolitiques, ce qui explique que les Brigades ont gardé des liens étroits avec Téhéran durant la guerre syrienne, contrairement au bureau politique du mouvement.

Après quelques visites de délégations menées par le fondateur des Brigades al-Qassam, cheikh Saleh el-Arouri, en Iran, les relations entre Gaza et Téhéran se sont toutefois dégelées cet été. Téhéran a promis de « soutenir la résistance... jusqu'à ce que l'occupation soit repoussée », selon Saleh el-Arouri. « L'Iran est notre seul fournisseur d'armes », a également déclaré Yahya el-Sinwar lors d'une conférence de presse le 27 août dernier. Alors que le Hamas, coupé de la gestion de Gaza, risque de perdre le financement de la communauté internationale, destiné aux Gazaouis, cette annonce vient à point nommé.

Mais le mouvement doit compter avec l'interventionnisme égyptien. Le Hamas s'est lié avec l'Égypte en concluant un accord tacite en marge de la réconciliation. Le Caire a exclu le désarmement du Hamas des négociations interpalestiniennes, en échange du soutien des Brigades al-Qassam dans la lutte contre le terrorisme au Sinaï. Ce deal, s'il semble donnant-donnant, renforce dans le même temps la mainmise égyptienne sur Gaza. En essayant de mettre les Brigades au pas, le président égyptien espère sans doute se débarrasser de tous les éléments déstabilisateurs et étouffer la mouvance islamiste à sa frontière.

 

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